L’Atari VCS c’est le bébé nostalgique de la marque, je vous en ai déjà parlé à plusieurs reprises pour vous dire de prendre du recul face à cette sortie mais l’arrivée de la console neo-retro-vintage sur Indiegogo m’oblige à faire le point. Histoire de vous en faire un portrait complet et de tenter de vous détourner de cette aventure.
La fibre nostalgique, une arme de persuasion massive.
Pour faire ce portrait, je vais simplement parcourir la page sur Indiegogo du projet et reprendre son argumentaire. La première partie met l’accent sur le design de la machine. Sur ce point, pas de doute, l’équipe a fait mouche. Le boitier est joli, les manettes sont sympathiques. L’idée de faire revivre l’Atari 2600 au travers de ce petit liseré de faux bois est bien trouvé. Le mettre à jour avec de nouvelles fonctionnalités comme le contrôle à la voix ou une solide connexion au réseau semble être une excellente idée.
Le projet est donc de glisser dans son salon un appareil que l’on connectera sur son téléviseur pour retrouver le catalogue des jeux de la marque : Les jeux d’arcade classiques mais également les « derniers titres PC et Indépendants modernes » tel que c’est décrit sur la page du financement. Le tout est bien emballé dans une interface mettant en valeur les jeux, permettant un contrôle vocal et offrant la possibilité de se connecter en ligne pour lire vos vidéos habituelles. Alléchant.
Tout cela tournera sous Linux dans un format ouvert avec la possibilité de transformer l’Atari VCS suivant ses besoins en lui ajoutant ses propres programmes. Enfin, la promesse d’une gamme de périphériques débutant avec des manettes de jeu mais se poursuivant avec des accessoires plus variés est annoncée.
Je n’ai pas grand chose à dire là dessus, ce sont des promesses et les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
Un catalogue de titres pour les nostalgiques
La solution proposera un catalogue de plus de 100 titres issus du portefeuille d’Atari. Des jeux déjà maintes fois publiés et republiés sur Windows, Linux, MacOS mais aussi sur consoles et même sur plateformes mobiles. Atari en a tiré le maximum au travers de compilations présentes sur la quasi totalité du marché. C’est sa stratégie de base, gagner de l’argent avec des licences déjà plus qu’amorties dans le temps. Les classiques d’Atari ont déjà rapporté plus de deux milliards de dollars de royalties. Et ce n’est, semble t-il, pas fini.
Le but est donc de surfer sur la vague nostalgique qui a fait dernièrement le succès des machines retro de Nintendo. L’âge d’Or de l’Atari 2600 est clairement invoqué pour pincer la corde sensible d’acheteurs se souvenant de titres mythiques. C’est bien, pourquoi pas, mais dans la pratique je doute que beaucoup de ces jeux soient réellement aussi amusants aujourd’hui qu’hier. Pas que je sois contre les gros paquets de pixels qui se battent en duel à l’écran, une bonne jouabilité reste indémodable. Mais pour avoir essayé ces jeux au travers de diverses solutions ces dernières années, ce ne sont pas pour la plupart des titres dans lesquels on a vraiment envie de replonger en 2018.
Asteroïd c’est rigolo, Pong c’est amusant mais hormis le côté historique de certains jeux, beaucoup n’ont plus vraiment d’attrait pour un joueur aujourd’hui. Ils ont perdu beaucoup de leur superbe. Les jeux c’est comme les films souvent, il y a des classiques indémodables et dans 1000 ans, on trouvera toujours un certain challenge dans un Pac Man ou un Tetris. Je doute beaucoup plus de certains titres contenus dans cette compilation. Autrement dit, l’Atari VCS promet un gros catalogue de jeux mais il y en aura peu qui résisteront à quelques minutes d’examen ludique avant de passer au suivant.
Cela soulève d’ailleurs un autre problème. Si l’expérience du joueur n’est pas extrêmement excitante, que va en tirer le spectateur ? Un des aspects mis en avant par la solution est de pouvoir streamer des contenus vers des plateformes comme Twitch. Mais qui va regarder une partie de Missile Command ? Y jouer entre amis sur un bout de canapé pourquoi pas, mais le streamer ? Cette possibilité annoncée de diffuser ses parties est sympathique mais dans la pratique qui va regarder cela ?
Le pack Atari Vault est disponible sur Steam, il coûte 9.99€ et tourne aussi bien sur Windows, Linux ou MacOS. Ses évaluations sont très positives et on comprend assez vite que viser la nostalgie est un business très efficace pour la marque. A lire les commentaires, on trouve toujours le même type de discours auprès des acheteurs de ce pack issu de l’Atari 2600 : C’est pas génial, la sélection est pas terrible et c’est vite ennuyeux. La nostalgie c’est comme l’amour, ça rend aveugle.
L’Atari VCS met ensuite en avant la possibilité de se connecter au net. Cela permettra de jouer à plusieurs en ligne, de naviguer sur le web, et de télécharger des jeux. Vient enfin une « promesse » qu’un partenaire industriel permettra de rajouter des jeux et du contenu à la console. Qui ? On ne sait pas. Quel contenu ? On ne sait pas non plus. On va vous demander de faire confiance.
Grâce à Internet, on pourra également naviguer dans un insondable – countless ! – contenu de jeux venant d’Atari et de studios partenaires. La phrase qui suit est amusante. « Bien que nous ne puissions pas énumérer tous les grands partenaires que nous aurons pour le moment, les joueurs seront époustouflés à la sortie. » Donc Atari nous promet des jeux tellement nombreux que nous ne pourrons pas les compter, met dans la balance un peu plus de 100 titres dont une bonne partie n’intéressera plus personne et annonce qu’un partenaire dont ils ne peuvent pas dire le nom ainsi que des studios indépendants vont inventer le reste. Woah !
Je veux bien faire confiance mais si un type dans la rue me propose une boite en carton contre 200€ en me promettant qu’à l’intérieur je vais découvrir des trucs incroyables… et ben je garde mes sous dans ma poche.
La formulation de la suite de la page est habile : « Nous préparons l’arrivée de nouveaux jeux exclusifs à télécharger pour vous » suivi par « Tempest 4000 sera là ! » ce qui laisse croire que le jeu est une de ces nouveauté exclusivement réservée au système.
Ce qui n’est pas le cas puisque le jeu est annoncé sur Steam comme compatible Windows. Il ne sera en rien une exclusivité de l’Atari VCS. Autre remarque, il s’agit d’un jeu financé par Atari et non pas issu du travail d’un studio indépendant. Et c’est un point important.
Une série de partenaires est en effet affichée comme autant de développeurs pour l’Atari VCS. J’ai un peu fouillé le listing et fait un petit récapitulatif de ces « partenariats avec des studios de développement indépendants ».
Le studio Lyonnais Eden Games figure en première place, il est à l’origine de titres mythiques comme V-Rally en 1995 et plus récemment de portages comme Alone In The Dark en 2008 ou Test Drive Unimited 2 en 2011… On notera que le studio n’est pas rancunier, Atari l’a fermé après avoir licencié une bonne partie du personnel en 2013. Les licences de V-Rally et Alone In The Dark étant propriété d’Infogrames, elle même propriété d’Atari, on peu imaginer un énième portage de ces titres.
Workinman est également sur les rangs. Il s’agit d’un studio de New York qui développe des jeux pour différentes plateformes, sur commande, avec des partenaires assez variés allant de Disney à Nickelodéon en passant par Intel ou Fisher Price.
Suit GameHaolic qui travaille pour Atari afin de réaliser un remake moderne de Night Driver, un free-to-play pour iOS et Android. Un jeu qui est sorti uniquement au Canada pour tâter le terrain et qui n’a malheureusement pas marqué les esprits au vu des notes relevées sur les plateformes. Avec moins de 1000 installations et deux étoiles sur cinq sur Android, cela n’augure pas des moments d’extase vidéoludique.
Dans le catalogue de Code Mystics
Code Mystics est également un développeur d’Atari qui a fait pas mal de portages pour la marque. On lui doit les Atari flashback 1 et 2 pour PS4 et XBox One mais aussi Atari Vault…
React Games, PlayMagic, MonsterGames, Nvizzio creations, Petroglyph, Kung Fu Factory et Origin8 sont des développeurs qui travaillent pour divers partenaires afin monter des projets ou des jeux pour leurs plateformes. Certains ont déjà collaboré avec Atari, d’autres non, ou pas à ma connaissance. Je n’ai fait que parcourir leur catalogue de jeux mis en avant.
Tous ces studios ont un point commun, ils travaillent pour qui les paye. Et cela change quelque peu la communication d’Atari. Parce que la présentation de la marque laisse croire qu’une flopée de gens brillants se bousculent au portillon pour avoir la chance d’être parmi les premiers à bosser sur l’Atari VCS. En réalité, il semblerait plutôt qu’ils répondent présent à l’appel d’un chèque signé par la marque. De studio indépendant dans le sens développeur indé, capable de nous pondre une nouveau jeu exclusif, je n’en vois aucun.
Des studios qui accepteront un chèque pour porter une nouvelle fois des titres de la gloire passée de la marque sur la nouvelle solution, cela ressemble déjà plus au portrait robot de toutes ces entités.
Pour emballer le tout, on nous propose une interface aux petits oignons. Une interface qui n’est pas promise mais plutôt « voilà à quoi pourrait ressembler les menus de l’Atari VCS ». Rien n’est garanti. Pour autant je suis assez persuadé que ce travail sera mené à terme. De jolis menus qui permettent de naviguer entre les jaquettes historiques de jeux avec des infos et des animations réussies. De quoi donner envie de parcourir le catalogue complet de la machine. Si je suis confiant, c’est qu’il s’agit, là encore, de faire vibrer la corde nostalgique pour faire passer le véritable contenu proposé au second plan.
Mais bon, tant qu’à faire, ne prenons pas de risques. Un petit astérisque et une ligne plus loin et tout cet ensemble d’interface mis en avant tout comme les titres exposés ne sont plus qu’une nouvelle promesse dans le vide…
Du logiciel libre, des manettes et un premier listing matériel…
Suit une ode au logiciel libre, à Linux et à Ubuntu. Le système qui vous offre la possibilité de prendre le contrôle de votre machine. Une approche très positive qui se traduira par la présence d’un « bac à sable » permettant de tester des programmes maison, de lancer vos propres jeux et applications et même, pourquoi pas, de faire un peu de hacking. Très bien, parfait même. Mais cela veut juste dire que vous pourrez bosser vous même pour optimiser les usages de l’engin que vous vous achetez. Ce qui est le principe de base d’un ordinateur personnel depuis toujours, non ?
Les manettes présentées ont l’air vraiment réussies. Qu’il s’agisse de la version réimaginée de la manette d’origine de l’Atari 2600 ou du plus classique paddle, ces éléments semblent très intéressants. Ils sont fabriqués par un prestataire spécialisé qui s’appelle PowerA. Une société qui développe des manettes de jeux pour différentes plateformes mais aussi des casques et autres accessoires. Son catalogue est assez vaste puisqu’elle développe aussi bien pour PC que pour XBox, Playstation, Switch ou Wii.
Techniquement, on en sait également plus officiellement sur l’Atari VCS. La fiche nous détaille la machine de manière plus aboutie et on connait les spécifications actuelles de l’engin.
Actuelles ? Oui, actuelles car ces caractéristiques, comme le contenu de la console, ne sont pas garanties par Atari. Elles peuvent changer à tout moment. Si vous finissez par ne recevoir qu’une TVBox bas de gamme sous SoC ARM et pilotée par un android 4.0 avec 30 jeux mal implantés, Atari aura rempli sa mission. Et il ne vous restera que vos yeux pour pleurer.
Bref, actuellement, l’Atari VCS est promis comme équipé d’un processeur AMD. Pour être plus précis, il s’agit d’un processeur x86 Bristol Ridge A1 d’après leur fiche technique. C’est flou mais je pense qu’il s’agit d’un AMD A10 9700E APU. Une puce apparue en 2016 qui n’avait pas eu, malgré la présence d’un circuit graphique intégré Radeon R7, une très bonne presse.
C’est un quadruple coeurs cadencé à 3 GHz et gravé en 28 nanomètres. Il dispose de 2 Mo de mémoire cache et propose 6 coeurs GPU. Son enveloppe thermique est de 35 watts. Pour vous donner une idée, ce processeur vendu 84.90€ fait tourner des jeux plus ou moins récents entre 30 et 40 images par seconde en 720p. Là où un Ryzen 3 2200G plus récent offre du 1080P dans les mêmes conditions pour 99€ prix public…
En 2016, elle était jugée un peu dépassée par rapport à sa cible. Un peu lente pour faire une vraie machine multimédia orientée jeu. En 2019, date de la sortie officielle de la machine, elle aura pris encore un peu plus de plomb dans l’aile.
Associée à cette base, l’Atari VCS proposera 4 gigaoctets de mémoire vive au format DDR4, ce qui est très bien. Et 32 gigaoctets de stockage eMMC ce qui est beaucoup moins bien. Ces éléments seront probablement soudés à la carte mère et donc non évolutifs.
D’un point de vue performances, on ne s’attend pas à une révolution, l’engin n’est pas supposé proposer une expérience de type console de jeu mais uniquement faire tourner des titres développés sur mesures pour elle ainsi que les vielles gloires de la marque. Des jeux anciens qui ne demanderont que peu de performances. Atari fait d’ailleurs attention à ne pas appeler son joujou une console parce que la marque ne veut pas se frotter aux ténors du marché. En effet, si les performances globales de la machine feront bien pâle figure face à une PS4 ou une XBox One1, la catalogue de jeu sera encore plus différenciant. Sans nul doute à des galaxies d’écart entre les plateformes. On peut donc s’attendre à une belle fluidité de jeu sur la VCS. Simplement on jouera à Asteroid et pas à God Of War.
Le reste du descriptif technique nous renseigne sur divers éléments importants comme la présence d’un support pour disque dur… Excellente nouvelle non ? Ben non, il s’agit d’un support via USB 3.0 tout ce qu’il y a de plus classique. Un lecteur de cartes MicroSD est également de la partie pour stocker des données. On peut donc imaginer que l’on pourra emmagasiner plein de trucs sur des stockages externes à la machine.
L’Atari VCS proposera une sortie HDMI 2.0 gérant l’HDCP 2.2 pour afficher des contenus sécurisés, un wifi 802.11AC sur deux bandes, du Bluetooth 5.0, un Ethernet Gigabit et quatre ports USB 3.0.
La question du refroidissement se pose au travers d’un commentaire sur la fiche technique précisant que la faible consommation énergétique du processeur permet de limiter la chaleur et le bruit. Aucun détail sur l’emploi d’une solution passive n’étant mis en avant on imagine que l’engin sera ventilé. 35 watts de TDP ça se ventile et il est donc possible qu’un ventilateur assez conséquent fasse partie de l’aventure. Enfin, pas moins de quatre microphones seront disponibles sur la face avant pour pouvoir piloter l’engin à la voix.
L’Atari VCS proposera un système Linux basé sur une version Ubuntu autour d’un noyau Linux 4.10. C’est flou et cela peut aller d’un Ubuntu ultra classique avec un papier peint Atari à une solution réellement développée sur mesures. Les autres promesses de la marque, outre de pouvoir lancer une poignée de jeux que n’importe quelle machine moderne pourrait afficher, c’est la possibilité de pouvoir utiliser des outils comme Skype, Discord ou de streamer vos parties de Pong en direct sur Twitch.
Quels tarifs pour l’Atari VCS ?
Trois tarifs sont mis en avant : L’entrée de gamme avec la console Onyx qui propose un design 100% plastique à 199$. Une version de la console Onyx avec une manette Atari revisitée est annoncée à 229$. Enfin la version Collector qui rajoute un bandeau de « vrai bois » en façade est proposée à 299$ toujours avec une manette.
Quelle différence technique entre le modèle à 229$ et celui à 299$ ? Aucune. Seule cette petite bande de bois collée sur la façade avant crée l’écart de tarif. Pour rappel, une bande de chant thermocollante en chêne coûte environ 1.2€ le mètre en grande surface de bricolage. 229$ Hors taxes cela nous donnera un montant équivalent en euros une fois la TVA appliquée. Il faudra compter sur des frais de douanes pour l’importation.
Des accessoires seront également proposés en option : Le joystick rétro est vendu 29$, le paddle désigné par PowerA est à 49$ et enfin le prix des deux éléments supplémentaires additionnés ensemble grimpe à 59$.
L’Atari VCS, déjà un gros succès !
Des jeux déjà disponibles sur de nombreuses plateformes, des titres très anciens et livrés avec un matériel qui sera quasi obsolète à sa sortie dans plus d’un an en Juillet 2019, une présentation très floue et des arguments dignes d’un bonimenteur de rue. Des spécifications qui peuvent changer du tout au tout… On pourrait croire que la machine aurait eu du mal à trouver des clients. Le fait que ce soit en financement participatif sur Indiegogo et qu’il n y ait absolument aucune garantie de calendrier ou de livraison aurait pu calmer les ardeurs des internautes.
Que nenni, la soupe à la nostalgie est trop appétissante pour que le cerveau de tout le monde se mette en route correctement. Et 24 heures après le début du financement, plus de 2 000 000 de dollars versés par presque 8000 donateurs ont été recueillis. Un véritable succès.
Il faut dire qu’entre la manière de présenter les choses et la façon dont une partie de la presse française et internationale a annoncé la sortie de la VCS, les arguments étaient du côté d’Atari.
Prenez la liste de « témoignages » de la presse présentés sur la page Indiegogo par exemple : De grands noms y sont listés comme Forbes, Gamespot, The Verge, Mashable et bien d’autres. Associés à une galerie de logos, cela a pour effet de rassurer le visiteur. L’Atari VCS serait t-elle adoubée par ces titres ?
Le premier témoignage par exemple est issu de Gaming Age et se termine ainsi : « Même avec cette nouvelle annonce, il est toujours trop tôt pour savoir si ce nouvel Atari VCS sera une réussite ou si cela sera une nouvelle débâcle comme la Ouya »2. Evidemment, la première partie de la phrase n’a pas été retenue par Atari.
Chez Forbes, la citation est en fin d’article et date de l’époque où la machine s’appelait encore Ataribox et était encore plus floue. L’auteur de préciser que la machine pourrait embarquer « un processeur AMD sur mesures comme c’est le cas des XBox One et des Playstation 4 »3… ce qui en ferait un succès et pousse le journaliste à parler de « Real Winner ». Au vu des informations plus récentes, cette petite phrase sortie de son contexte ne veut évidemment plus rien dire.
La petite citation de Gamespot est issue de la reprise d’un communiqué de presse sans réel intérêt. Le travail du journaliste s’étant limité à trouver un titre repris ici pour la campagne4.
La phrase de Mashable reprise par Atari est : « {L’AtariVCS est] gagnante devant les autres reprises génériques de vieilles machines, pour moi y compris ». Mais le début de la phrase est édifiant. L’auteur indique mieux sa pensée… « Il est évidemment trop tôt pour dire si oui ou non l’AtariBox sera un succès, mais sur le design uniquement, la compagnie est surement gagnante devant les autres reprises de vieilles machines… » 5
Je ne vais pas vous faire la liste complète des différentes citations mais on est au niveau des affiches de cinéma. On va vous prendre le mot « extraordinaire » issu d’un critique de cinéma reconnu même si la phrase complète est quelque chose comme « Ce film est un navet extraordinaire ». Le but du jeu n’est pas de vous faire un portrait exact du film mais de vous faire dépenser vos euros en achetant votre billet. Dans cette campagne Indiegogo, ces critiques mises en avant ont la même fonction, rassurer le visiteur qui pensera que la presse en ligne a adoubé l’Atari VCS alors qu’il n’en est rien.
Autre problème, et cela, je l’ai vu autant dans la presse internationale que française, la machine est annoncée comme une précommande. Or ce n’est pas une précommande, c’est du financement participatif ! Ce qui est par essence totalement différent.
Lorsque vous faites une précommande avec un vendeur, il y a un engagement ferme et un contrat vous lie avec lui. Le vendeur se retrouve avec une obligation de résultat… Ou de remboursement.
En financement participatif, ce n’est pas le cas. Il est tout à fait possible qu’un produit financé même à hauteur de millions de dollars, ne soit finalement jamais livré. Pourquoi ? Parce que c’est dans le contrat de ce type de financement. Les différents internautes ayant participé à cette campagne sont appelés des donateurs et non pas des clients. En tant qu’investisseur, vous acceptez le risque den pas être livré tel que c’est exposé en toutes lettres par Indiegogo dans ses pages.
Si en Juillet 2019 Atari décide de reculer d’un an la livraison de son Atari VCS vous n’aurez pas la même possibilité d’annuler le contrat qui vous lie. Ce contrat de financement participatif permet à Atari d’investir votre argent dans son projet. Vous pouvez très bien ne jamais rien recevoir du tout et n’avoir rien en main d’un point de vue légal pour vous retourner contre la marque.
Atari annonce que son choix d’une plateforme de financement participatif pour lancer ce produit est lié à sa volonté d’avoir un retour des fans de la marque et à mieux cerner les besoins du marché. C’est mignon mais on n’y croit pas une seconde.
La vraie raison, elle est expliquée sur les documents destinés aux investisseurs boursier de la marque : « Pour limiter les risques, la Box sera d’abord vendue au travers d’une campagne de financement participatif et pourra être vendue sous licence à un tiers ».
En clair, Atari n’a pas assez de cash en propre pour investir les sommes nécessaires pour la conception et la fabrication de cet engin, l’argent des internautes va être utilisé pour que la société ne crée pas de nouvelles dettes pour financer ce qui aurait alors été un pari. Un pari d’autant plus risqué qu’en proposant la VCS sur le marché comme une solution traditionnelle, les premiers testeurs pourraient annoncer la couleur de ses performances et de son catalogue ce qui aurait sans doute limité sa réussite. En faisant payer d’avance, c’est tout bénéfice pour la marque.
Mais au moindre pépin financier de la boite, il est possible que l’argent récolté ne soit plus suffisant pour mener à bien cette opération. Et que l’Atari VCS reste pour longtemps encore à l’état de prototype.
Bref, vous pariez votre argent pour un produit qui ne sera peut être jamais disponible et vous n’aurez aucun recours légal pour récupérer vos sous en cas de problème.
Et on comprend que l’Atari VCS n’existe pas encore
La fabrication de la console va être confiée à Flextronics. Une société US dont la spécialité est de fournir l’ingénierie nécessaire à la création de ce type de produit. Et sur ce point il faut être très clair, c’est d’ailleurs clairement annoncé par la page d’Indiegogo. L’Atari VCS n’existe pas encore. Il y a des prototypes en place – même si on ne sait pas ce qu’il y a réellement dedans pour faire tourner les jeux – mais pour le moment l’Atari VCS, c’est juste des fichiers 3D et des impressions 3D. Point.
Le calendrier publié sur Indiegogo montre que la marque a juste terminé le design de l’engin. Elle n’espère un prototype réellement fonctionnel qu’au troisième trimestre de cette année. Quand elle aura terminé la campagne et payé Flextronics pour le concevoir. Aujourd’hui, l’équipe en place étant concentrée uniquement sur le design et le marketing, elle est parfaitement incapable de dessiner les plans techniques de cette machine.
Flextronics a donc deux trimestres pour concevoir ce PC sous processeur AMD de 2016 de A à Z et installer un Linux dessus, cela ne devrait pas être trop difficile pour eux. Ils se chargeront ensuite de la fabrication du bébé et de son expédition vers un sous traitant qui renverra ensuite les commandes vers toutes les personnes ayant financé le produit.
Ce choix de prestataire fait partie de la stratégie globale d’Atari. C’est expliqué dans la présentation de la marque. Atari vise les secteurs avec une grosse croissance et multiplie les opportunités de saisir sa chance sur ces marchés. Les consoles vintage de Nintendo ont fait un carton, Atari tente donc sa chance dans cette voie. La marque fait alors appel à des équipes externes sur des périodes définies pour limiter les dépenses. La marque insiste sur ce modèle de coûts fixes minimaux et de productions externalisées pour maximiser ses profits.
Je n’ai rien contre ce procédé mais il est contraire à tout le blabla mis en avant dans la campagne de l’Atari VCS.
Qui va créer du contenu une fois la machine lancée et les équipes externes remerciées pour le travail mené ? Qui va résoudre les inévitables bugs que la communauté va rencontrer ? Qui va assurer le SAV du système Linux vendu à des néophytes ?
Quand il ne restera que les dirigeants et le marketing en place chez Atari pour ramasser l’argent des licences de jeu, la marque n’aura plus personne pour gérer l’Atari VCS ? Va t-elle alors embaucher du personnel pour gérer la plateforme ? Ce serait contraire à ce que la marque promet à ses investisseurs boursiers…
Du reste, l’équipe Atari VCS telle que présentée par la campagne est une équipe indépendante et non pas du personnel embauché en tant qu’employés d’Atari.
Le monsieur dans la vidéo de la manette un peu plus au dessus, c’est Joe Moak qui est présenté plus bas dans le descriptif de la page comme l’ingénieur en chef de l’Atari VCS. C’est le seul profil de la page à avoir des compétences techniques pour diriger la fabrication de la machine et la mener à bien. Aux dernières nouvelles, c’est le cofondateur d’une startup baptisée Joy qui propose un cadre photo numérique aux fonctions avancées. Je ne pense pas qu’il ait été embauché par Atari mais il s’agit plus vraisemblablement d’un intervenant indépendant. C’est un ingénieur assez renommé qui a bossé pour Apple ou Sonos, entre autres.
Il est suivi suivi par Dana Krieger, le designer industriel en chef de l’Atari VCS. C’est également un designer indépendant probablement missionné pour la construction de l’engin.
Julia Tsao est également présentée comme faisant partie de l’équipe Atari VCS. En charge de l’expérience connectée… C’est également une designer indépendante.
Brandon Lynne, enfin, a probablement également été missionné pour ce poste. C’est également un designer indépendant travaillant pour des boites prestigieuses comme HP, Samsung, Intel, Bose ou Amazon.
Ce type de recours à des éléments externes talentueux est normal mais la présentation d’Atari nous donne envie de croire que ces personnes sont impliquées à 100% dans la solution VCS. Or il n’en est rien, dès que leur mission sera remplie, ils partiront ailleurs.
Ouya Reboot !
Si vous ne vous souvenez pas de la Ouya, ce n’est pas très grave. Sa campagne de financement participatif sur Kickstarter est intéressante car elle ressemble trait pour trait à celle de l’Atari VCS. La petite console promettait grosso modo la même chose que la VCS et a eu un gros succès en financement même si elle ne jouait pas sur la même fibre nostalgique.
La console Ouya est sortie et elle a tenu sa promesse avec une livraison dans les foyers. Evidemment, comme il a fallu un certain délai entre la conception et la production puis la livraison des consoles, beaucoup de gens étaient déçus du produit final et de ses performances. Pourtant, elle embarquait un SoC Nvidia Tegra qui était encore parmi les plus performants de son époque.
Le magasin d’applications de la Ouya
Mais ce qui a vraiment déçu avec la Ouya, c’est son catalogue de jeux qui s’est vite révélé loin des promesses faites pendant la campagne de financement. La marque a pourtant affiché plus de 1000 titres disponibles en tout. En ouvrant la porte à des développeurs indépendants, une foule de titres sont apparus comme compatibles avec la plateforme. Malheureusement, dans le lot, peu de vraies pépites et beaucoup de productions injouables ou inintéressantes.
Les rares développeurs indépendants ayant créé pour la console Ouya de vraies nouveautés ont vite regretté ce choix. Malgré des critiques positives unanimes pour de vraies merveilles de jouabilité, les ventes de leurs titres ne suivaient pas. Bref, avec un catalogue un peu rassis, peu de vrais développements innovants et un matériel un peu trop dépassé, la Ouya est quasiment morte née.
Si je résume les éléments que nous avons sur la Atari VCS
L’Atari VCS est une boite en plastique contenant un processeur AMD très grand public de 2016 et qui devrait être livrée en 2019 avec 4 Go de mémoire vive et 32 Go de stockage. Elle tournera sous Linux à partir d’une version modifiée d’Ubuntu. Il est promis une centaine de jeux issus du catalogue des anciens titres d’Atari ainsi que des surprises techniques dont la marque ne peut pas nous parler immédiatement. Le tout est garanti une année et proposé à des prix en dollars hors taxes, hors frais de port et hors douanes. Les équipes embauchées pour concevoir la box et son interface ne sont là que pour remplir cette mission, aucune trace de la construction d’une éventuelle création communautaire ne transparaît à la vue des éléments publiés. Aucun prototype fonctionnel de la machine n’a été présenté. Il semble que la console elle même n’existe pas encore pour le moment, pas plus que son système d’exploitation.
J’ouvre ma boule de cristal
Je vais faire un pari. Je ne devrais pas mais je vais le faire quand même. Je vais vous annoncer ce que j’imagine être l’avenir de la machine dans les trimestres à venir.
Après la fin du financement participatif, Atari va avoir les chiffres clés nécessaires à la mise en chantier réelle de sa solution. La marque va donc contacter son partenaire Flextronics avec ces éléments et négocier ses prix. Atari a probablement déjà des devis estimatifs nécessaires pour définir le tarif de la console sur Indiegogo.
La partie recherche et développement materielle sera alors lancée pour de bon et un travail de ping-pong entre Flextronics et un intervenant spécialisé mandaté par Atari va débuter jusqu’à obtenir un produit assez satisfaisant pour lancer la production. Pendant ce temps là, un autre studio de design planchera sur la création d’un système Ubuntu adapté à l’usage de la machine. Des tests de jeux seront faits et un « best-of » sera implanté de manière à ce qu’il tienne sur les 32 Go de stockage de l’engin. Les divers studios de jeux partenaires de la marque seront invités à travailler pour elle à adapter ses titres. Atari, fort de la foule de donateurs ayant participé à sa campagne, ira voir des industriels du jeu et du multimédia pour négocier des partenariats.
Quand le produit sera finalement validé, la production sera lancée. Les moules de la VCS seront fabriqués et les machines sortiront de chaîne. Les jeux disponibles seront implantés en usine dans l’image du système. L’engin sera alors finalisé et expédié aux quatre coins du monde.
Et après ? Et ben après les gens vont s’apercevoir qu’ils ont reçu une boite en ABS avec un éventuel décor en bois collé dessus, pleine de vieux titres et pilotés par un processeur de 2016. Ils essayeront probablement de s’en servir un temps avant de chercher de nouveaux titres à télécharger et de s’apercevoir qu’hormis des jeux anciens et payants chez Atari, il n’y aura rien ou pas grand chose à se mettre sous la dent. Résultat des courses, la boite trônera un temps sous les téléviseurs, occupera un rare port HDMI et finira par y prendre la poussière avant de disparaitre. Les manettes seront recyclées avec un autre système.
Atari finira par revendre son bébé à une entreprise tierce tout en gardant ses juteuses licences de jeu. Et la console finira alors sa vie dans une offre d’un fournisseur d’accès internet chinois ou autre.
Exactement le scénario de la Ouya somme toute.
Pourquoi acheter la Atari VCS ?
Pour le look ! Si vous réfléchissez cinq minutes seulement au concept de cet engin, vous allez payer 199$ HT une machine pour son look. Dans le reste de l’offre il n’y a rien de réellement pertinent pour un joueur ou pour un développeur. Le premier se satisfera autant d’une Nvidia Shield pour retrouver les jeux d’arcade de l’Atari 2600. Sauf que la Shield est une excellente solution, avec de nombreuses autres possibilités et elle profite d’un vrai partenaire industriel qui la met a jour en permanence en tissant des liens avec différents acteurs.
La Shield TV avec une manette et une télécommande vocale coûte 204.99€ aujourd’hui et vous l’aurez dans quelques jours si vous la commandez. Rajoutez Atari Greatest Hits disponible sur Google Play pour retrouver des jeux et vous voilà avec une console efficace et performante.
Si vous êtes un développeur, n’importe quel PC moyen de gamme d’occasion sorti depuis 2016 vous offrira de meilleures performances que cette hypothétique solution prévue pour 2019. Installer un Linux dessus ne sera pas compliqué et vous aurez rapidement le même résultat.
Si vous êtes développeur et joueur et fan d’Atari ? Achetez une solution Mini ITX sous processeur Raven Ridge Ryzen 3 2200G. La facture ne sera pas trop salée et vous ne serez pas coincé en 720p… Vous pourrez même la déporter dans le salon via un streaming Steam… En suivant les nombreux guides disponibles en ligne vous pourrez même intégrer votre nouvelle solution dans un châssis de console Atari 2600…
Pourquoi acheter une Atari VCS obsolète dès aujourd’hui, sans garantie de livraison ni en 2019, ni un jour et sans assurance qu’une vraie communauté de jeu suive derrière ? Je ne vois pas. Si c’est uniquement pour le look vintage, il y a beaucoup de solutions alternatives…
L’AtariBox, une pincée de nostalgie coûteuse et pas rassurante (maj)
Notes :
- Ou une PS3 et une XBox 360…
- Even with this new announcement, it’s still too early to decide if this new Atari VCS will be a hit, or if it will be another OUYA debacle. Source.
- It could even feature a custom AMD APU, similar to what’s already inside the Xbox One or PlayStation 4. Source
- Source
- It’s obviously too early to say whether or not the Ataribox will be a success, but on the design alone, the company is surely winning over many GenX converts, including me. source
2,5€ par mois | 5€ par mois | 10€ par mois | Le montant de votre choix |
[…] Atari VCS : L’amour du risque […]
https://medium.com/@atarivcs/more-power-is-coming-to-the-atari-vcs-20c02f3aefc2
Comme theoriquement les livraisons devaient commencer …. dans 2 semaines, et bien Atari annonce un changement de specs et une livraison repoussée à la fin d’année
Trés bizarre, vu que la fabrication aurait du commencer à la fin de l’année derniere
reçu le mailing hier, proc Ryzen 14 mm 2 coeurs annoncé > un 200 GE ou similaire ?
« Atari is working with some of the top talent and companies in the business »; c’est amusant, quand on achète une marque c’est pour faire croire qu’elle a encore des talents, pas qu’elle est obligée d’aller les chercher à l’extérieur…
Allez, encore une chance que la console arrive avant le Mi Minipc :P
[…] gauche à droite : Joe Moak (débarqué du projet1) – Rob Wyatt (démissionnaire) et Michael Artz (CMO d’Atari […]
[…] Je reste sur mon pari initial, la VCS sortira bien un jour, elle sera livrée et… Ce sera tout. quand on voit l’implication de la marque pour ce projet, sa lenteur, ses reports… Je doute franchement de son futur post commercialisation. […]
[…] en tout cas au bout du tunnel pour cette lonnngue aventure. Je reste d’ailleurs confiant pour mon pari de 2018 sur le déroulement de la fin de ce […]
@Alain: [Mode troll ON]
Vraiment ? je croyais que le Mi minipc avait été livré depuis longtemps
[Mode troll OFF]
Malheureusement, le crowfunding est considéré par certains comme une remarquable pompe à fric.
Et les « donateurs » ne sont pas des « clients », même s’ils le croient :(
[…] Pour le moment mon pari de Mai 2018 est toujours gagnant. […]