Il faut dire qu’il n’y a pas spécialement le feu à la baraque pour Intel qui a tout de même réalisé une excellente année 2018 financièrement parlant. Le dernier trimestre est très bon avec des revenus en hausse et des chiffres tous dans le vert par rapport à 2017. Et cela malgré la pénurie de processeurs enregistrée sur la période ainsi que la concurrence d’AMD, plus forte en 2018.
Comment expliquer cette bonne santé chez Intel ? La marque a certes connu et connait encore des soucis de fabrication sur ses puces mais cela n’a pas affecté toutes ses gammes de processeurs.
Imaginez vous artisan boulanger, avec deux fours et une clientèle affamée. Dans votre production habituelle, vous avez un mélange entre baguettes et pains normaux d’un côté et de l’autre des pains spéciaux et des viennoiseries. Si les deux sont très demandés, la seconde partie de votre production est bien plus rémunératrice que la première. Vendre un pain spécial ou un croissant rapporte plus qu’une baguette classique. Si sur vos deux fours un tombe en panne, le second aura beaucoup de mal à faire face à la production habituelle. Quel choix pour votre boulangerie ? Continuer à produire autant en proportion de pains normaux et de pains spéciaux ? Ou concentrer sa production sur les pains spéciaux qui se vendront plus cher et rapporteront plus ?
Intel a fait ce qui était le plus logique financièrement parlant. Il a cuit et pétri des puces haut de gamme à destination des serveurs en priorité, des processeurs Core haut de gamme qui rapporteront bien plus que les puces les plus entrée de gamme comme les Celeron ou Pentium. Alors, évidemment, pour Intel la situation est un poil plus complexe car ses fours coûtent quelques milliards de dollars et que tous ne sont pas capable de cuire indifféremment Xeon, Core ou Pentium. Mais vous comprenez l’idée, personne n’irait occuper du temps de production avec des puces qui ne rapporteront au final qu’une poignée de dollars quand une demande énorme de puces rapportant des centaines de dollars pièce se fait sentir.
Bob Swan
Bob Swan confirme cette évidente stratégie qui explique la bonne santé économique de la marque. En produisant en priorité des processeurs Intel Xeon pour serveurs et autres « Big Cores » comme les i7 ou i9 pour le marché haut de gamme, Intel a fait mieux que sauver les meubles, il a pu noter un excellent résultat en bas de son bilan comptable.
Voilà pourquoi les constructeurs ont bien du mal à se procurer des puces Gemini Lake en ce moment, Intel continue vraisemblablement d’en produire, probablement par obligation contractuelle d’en fournir à ses partenaires un certain nombre. Mais si cette situation qui pousse vers le haut de gamme intéresse Intel, elle doit également avoir un impact sur les ventes des constructeurs classiques. Face à l’absence de puces, certains acheteurs n’ont pas d’autre choix que de se tourner vers des solutions disponibles. Personne ne fera le saut d’un PC Celeron N4100 à 350-400€ vers un Core i7 à 999€ mais certains hésitant entre un Core i5 et un Core i7 pourront se laisser tenter du simple fait de devoir attendre la disponibilité du premier. Surtout si il s’agit d’un PC à emballer dans du papier cadeau et à glisser sous les boules d’un sapin.
Pour la concurrence, enfin pour AMD, cette situation est une véritable opportunité. Si les puces entrée et milieu de gamme d’Intel ont du mal à être produites, AMD pourrait profiter de cette pénurie pour pénétrer ce marché. Avec ses Ryzen et ses Ryzen mobiles, la marque pourrait venir concurrencer Intel sur le marché des machines entrée de gamme. Les constructeurs n’ont pas vraiment le choix d’ailleurs, si Intel arrive à remplir son carnet de commandes grâce à une forte demande de puces haut de gamme, les constructeurs ne peuvent pas éteindre leur entrée de gamme aussi facilement. C’est en partie cette entrée de gamme, et le mix produit qu’il représente qui permet à tout le système de fonctionner. Ne produire en quantité que de l’entrée de gamme ne permet pas les volumes générés par l’ensemble d’un catalogue et cela impacte tout le système de production.
Alors, cette pénurie chez Intel va t-elle pousser les constructeurs à se tourner vers AMD ? C’est possible, nous devrions en voir les résultats dans les mois qui viennent mais pour le moment, au sortir du CES 2019, peu d’annonces de portables classiques sous AMD ont été faites. Les Ryzen Mobile de première génération annoncés en Janvier 2018 ont été un coup d’épée dans l’eau sur le marché. Les Ryzen Mobile de nouvelle génération annoncés au début du mois vont peut être pouvoir s’engouffrer dans la brèche proposée par la stratégie d’Intel ? Pour le moment bien peu de machines sous AMD Ryzen 3 3200U, Ryzen 5 3500U ou autrs Ryzen 7 3700U ont été annoncées.
Intel a annoncé vouloir resserrer les boulons et produire à nouveau très rapidement des puces en investissant dans sa production. La fenêtre de tir pour AMD est donc assez courte. Si la situation retourne à la normale à la fin du second trimestre comme promis par Intel, les constructeurs vont peut être préférer attendre plutôt que de mettre en marche l’ensemble des mesures nécessaires pour vendre des puces AMD. C’est à dire la recherche et développement, le design, le prototypage, la production mais aussi le marketing et la promotion nécessaires pour pousser ces machines en avant. Une mise en marche longue et risquée pour des constructeurs qui ont comme alternative de faire le dos rond en proposant des machines plus haut de gamme à ceux qui n’ont pas le choix d’attendre.
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et grace à cette magnifique stratégie du boulanger, qui est le seul magasin du village a se refaire la vitrine tous les 3 ans, Bob swan peut sans souci se faire coller des facettes bien blanches sur ses dents Lol 😁
Bonjour à tous. Merci pour cet article dont le constat est fort intéressant. En tout cas, on a vu Intel multiplier ses annonces comme pour essayer de rassurer investisseurs et constructeurs.
Depuis la sortie des Ryzen mobiles (dont les constructeurs sont au courant bien avant nous), il ne m’aurait pas choqué de voir un ou deux modèles de PC portables ASUS version AMD bâclés et plein de bug au niveau BIOS pour palier à la pénurie proche d’un lancement de production.
Mais là, au contraire, on voit des anciens CPU Intel, je pense donc que les constructeurs préfèrent temporiser que de proposer des modèles AMD. Et c’est dommage de voir que ce sont les constructeurs qui décident de quel type de produit on doit acheter ou non (on se souvient de la mort des netbooks, et de la vente poussée des tablettes/hybrides, des smart-watchs, etc.).
Mais peut-être que AMD n’est tout simplement pas capable de produire plus. Pour combler un trou encore faut il avoir de la matière à y mettre.
@peper-eliot:
C’est vrai que ces dents bien blanches, c’est un cygne!
Sur un moyen/long terme, gare au black swan néanmoins: AMHA Intel a du souci à se faire et ce type de stratégie, qui est valable financièrement à court terme, pourrait accélérer un déclin qui me parait s’amorcer: Niveau fonderie ils sont désormais dépassés et n’arrivent pas vraiment à sortir des marchés PC/serveur, abandonnant brutalement dans les 2 ans toute tentative n’ayant pas abouti assez vite (et plantant ceux qui avaient eu l’imprudence de les suivre).
Leur architecture n’aide pas et cumule presque 4 décennies de mauvaise graisse accumulée avec le crédo de la compatibilité binaire.
Bref, l’architecture vieillotte empêchant de faire des SoC propres (cad qui ne soient pas µP et son PCH + qq controleurs PCIe, ethernet etc… autrefois externes juste mis sous le même capot), les pb de fonderie, le manque de confiance… cela fait beaucoup et avec tout qui migre en version minitel 2.0, on se foutra bientôt du processeur utilisé côté terminal web pour l’essentiel des usages tandis que côté serveurs, le x86 qui est arrivé tiré par le marché PC qui avait tué le reste (tiré par la station de travail) perdra son appel d’air.
Le processeur du futur sera probablement libre (RISC V?), il y a trop de chats échaudés et de besoins dans l’industrie pour que la situation actuelle perdure encore longtemps.
Les caractéristiques sont aussi à la ramasse par rapport à AMD…
@sourioplafond: « Pour combler un trou encore faut il avoir de la matière à y mettre. » C’est d’Oscar Wilde? Rocco Siffredi? Les Inconnus peut-être ? La formule me plait en tout cas, je te l’emprunterai! ;-)
Perso ,je pense pas que chez AMD la production de Ryzen peut être doublée .
Reste aussi l’engagement des gros fabricants de PC qui disposent en stocks ou en commandes de nombreuses cartes mères destinées a des machines basées sur du processeur INTEL .
@Neuro: Vu comme ça… il est vrai que le sens peut prêter à confusion.
@sourioplafond:
Fallait oser mais bravo.. passer d’Oscar à Rocco!
J’attends avec une certaine impatience les AMD Ryzen 3, surtout le 8C/16T annoncé à – de 200€ ….
Cela confirme bien que ce n’est pas le consommateur qui décide mais les fondeurs et assembleurs :(
Mais attention à eux car la Chine d’avec Xiaomi en tête qui répondent parfaitement aux besoins des clients avec leurs différentes gammes de Laptop au prix juste… en quelques mois ils pourraient bien mordre la poussière….
@Pierre le répète assez souvent lorsqu’il aborde le marché moribon des ventes globales de PC, pas d’offres suffisamment attractive pour relancer la machine à vendre,… sauf encore fois les Chinois…(PC fanless i5 ou i7 série 8)
Effectivement vision à cours terme pour intel mais AMD peine à s’imposer auprès des assembleurs et des marques :(
@Bzels: Ryzen 3000 plutôt :D
Pour les specs on en sait rien pour le moment c’est que des rumeurs, si ça s’annonce vrai (c’est trop beau pour être vrai selon moi) alors ça va faire mal, ça sera aussi le moment de changer mon 6600K qui me limite pas mal ces derniers temps.
@Pernel:
Ton i5-6600k te limite en quoi?
Effectivement trop d’espoir et trop beau pour que cela soit vrai…
@Pierre ne l’évoque qu’en creux, mais on peut sûrement y voir la force de l’accompagnement au constructeurs mis en place par Intel.
Les avantages fournis par Intel sont nombreux:
– support au design de référence des cartes mères
– compatibilité entre les générations de puces permet de recycler le travail précédent
– éléments visuels de marketing prêts à l’emploi
– budget de « co-marketing » pour financer les publicités de la marque.
La participation d’Intel sur les budgets marketing (et donc son emprise) pouvant aller jusqu’à 50% des sommes dépensées empêche le recours aux puces AMD.
Lors des réunions entre la représentante Intel et ceux de la grande marque chinoise où je travaillais, j’ai constaté que la mise sur le marché d’un seul modèle sous AMD -même confidentiel et non compétitif (x121e)- était le sujet numéro 1 lors de la revue trimestrielle.
A l’époque, Intel visait simplement l’exclusivité totale chez les fabricants, en usant de pressions et sanctions à l’introduction de modèles avec puces AMD.
Cette position construite durablement porte ses fruits aujourd’hui: alors qu’à nos yeux d’amateurs éclairés, un boulevard semble exister pour AMD, aucun signe de concurrence sur le marché mobile.
Je dirais : Heureusement qu’Intel a fait beaucoup de bêtises,
car il me semble qu’AMD sont d’assez mauvais stratèges,
en continuant de développer sa gamme de processeur quasi exclusivement
sur les ordinateur de bureau au détriment du marché du portable !
Ça ne sert à rien de faire toute une gamme de processeurs de bureau
avec des puissances qui se phagocytent…
Alors qu’AMD laisse l’Ultra-basse consommation de côté,
je ne comprends vraiment rien à leur stratégie !
Il faut savoir attaquer sur tout les fronts !!!
L’Utra-basse consommation est aussi un marché stratégique,
où Intel s’en met plein les poches…
@Bzels: Dans certains jeux (pour le moment relativement rare), et comme je bosse un peu avec forcément c’est pas son domaine.
@Sylvain: merci pour ce retour d’expérience fort intéressant qui confirme mon impression de lobbying de la part d’Intel contre tout concurrent potentiel.
[…] longs et les usines d’Intel demandent évidemment un temps et une attention particuliers. La marque espérait néanmoins résoudre le problème à la Mi 2019. Calendrier semble s’être décalé… d’une […]