Intel veut que l’industrie se tourne vers des machines évolutives

Malgré une communication confidentielle, les machines évolutives de Framework ont rencontré un beau succès. Intel veut suivre cette voie.

Le fabricant de portables Framework propose depuis quelques années maintenant des machines évolutives. Des portables dont la majorité des pièces sont non seulement accessibles, mais également remplaçables par des nouvelles qui sont effectivement commercialisées.

Cela n’a l’air de rien mais cette phrase a plus de sens cachés qu’il n’y parait. Nombreuses ont été les annonces de machines évolutives au fil des années. Mais entre les pièces propriétaires chroniquement indisponibles et l’abandon pur et simple de certains projets au bout de quelques années de commercialisation, cela ressemblait très souvent plus à des méthodes marketing qu’à une vraie volonté de changement de leurs (mauvaises) habitudes.

Plusieurs constructeurs se penchent sur ces concepts de modularité et d’évolutivité. Souvent au travers de prototypes présentés à la presse plus que de véritables engagements techniques. Le problème étant toujours le même. S’engager sur la voie de la modularité est complexe et couteux, ce qui est un désavantage sur un marché où sont mis en concurrence des produits aux équipements techniques identiques. Si Dell annonçait un engin ayant telles capacités techniques, mais 15% plus cher que celui d’un concurrent équipé de la même manière à cause d’une modularité, il en pâtirait financièrement. La majorité des acheteurs ne s’intéressant qu’au prix d’achat par rapport à la performance. Au « Bang for the Bucks » comme on dit aux US. Ou en « avoir pour son argent » comme on le répète chez nous.

C’est un phénomène que l’on connait très bien avec les produits de grande marque. Quand un internaute se moque d’un autre parce qu’il a payé un Airpod ou un Intra Sony dix fois plus cher que son casque entrée de gamme sans comprendre que les deux appareils n’ont absolument rien en commun. L’objet tout entier est relativisé à son usage le plus basique. Les deux permettent en effet d’écouter de la musique. Les conditions et la qualité de l’écoute ne sont alors, par contre, pas du tout prises en compte.

Pour que cela change, pour que le grand public puisse mettre en perspective l’intérêt de machines évolutives, il faut un mouvement plus ample, provenant par exemple d’acteurs majeurs comme… Intel.

La marque n’en est pas à son coup d’essai en matière de tentatives d’infléchissement du marché informatique. C’est à lui que l’on doit les formats standard du monde PC comme l’ATX ou plus récemment l’apparition des Ultrabooks. L’idée d’Intel est d’apporter plus de modularité aux ordinateurs portables et aux MiniPC. Intel publie pour cela des guides techniques de « bonnes pratiques » à suivre pour améliorer l’évolutivité des engins. Ce qui est assez paradoxal puisque c’est également la poursuite d’un format de plus en plus fin proposé par les Ultrabooks qui a poussé les constructeurs à rendre leurs machines de moins en moins évolutives.

L’idée principale de cette modularité est de dissocier les composants au cœur d’une machine de ceux qui sont fixes. Le processeur, la mémoire vive, le stockage constituant le « cerveau » d’un ordinateur. Cerveau qu’il serait préférable de pouvoir changer afin d’assurer une plus grande durée de vie en cas de baisse de performances de la machine. La connectique en revanche n’est pas affectée de la même manière et s’il est préférable de pouvoir éventuellement la réparer, elle n’est pas sujette à la même dépréciation dans le temps. 

Un portable HP 15.6″ avec une carte mère séparée d’un côté de sa connectique par une longue nappe. Il suffit de raccourcir cette nappe pour intégrer la même carte mère dans une machine de 14″.

Ce type de design existe en réalité depuis longtemps chez certains constructeurs internationaux. Des références techniquement identiques déployées dans différentes diagonales s’appuient sur une même carte mère depuis laquelle est tirée une connectique séparée. Cela permet par exemple à Dell ou HP de ne fabriquer qu’une seule carte mère pour proposer une gamme complète d’engins du 14 au 16 pouces. Les machines embarquant en réalité le même matériel interne.

Chez Intel, l’idée va tout de même un peu plus loin. On retrouverait donc une carte de base entourée d’une ou deux cartes filles proposant la connectique. Une formule  qui permettrait de changer les composants facilement. Un PC acheté avec ce type de design pourrait profiter d’une mise à jour technique quelques années plus tard pour remplacer le cœur de l’engin et faire évoluer ses compétences.

Même chose pour les MiniPC de moins de 5 litres de volume qui emploieraient une carte mère assez proche de l’idée des Compute Extreme d’Intel. Des éléments totalement abandonnés par Asus après la reprise de la division à Intel. On retrouverait ici un système qui embarquerait toute la connectique et sur laquelle serait enfichée une carte fille avec le processeur, la mémoire et le stockage d’un côté et une éventuelle extension graphique de l’autre.

 

Une carte de NUC extreme avc processeur sur socket, mémoire et stockage amovible sur une carte fille.

Le fondeur évoque également l’emploi de mémoire vive au format CAMM et de l’utilisation d’extensions amovibles quand cela est possible. Autant pour le Wi-Fi que pour le stockage. La mise en valeur d’un même design pour des performances et emplois différents est par ailleurs soulignée. Avec des fonctionnements ajustables, une carte mère équipée d’un processeur mobile pourrait être employée avec des TDP différents. On retrouverait un engin à 15 watts de TDP dans une solution fanless et à 45 watts dans un ordinateur plus imposant avec une simple ou double ventilation. Là encore, ce serait un avantage pour les constructeurs sans l’être forcément pour l’utilisateur final. A moins qu’il envisage de pouvoir changer de type de machine régulièrement en déplaçant la carte mère. Ce qui n’est pas un scénario très probable.

Pour parvenir à ce résultat, Intel évoque bien des connecteurs standardisés, ce qui n’a jamais été la recette préférée des constructeurs internationaux. 

L’idée est intéressante pour les acheteurs, peut-être moins pour les constructeurs. Le problème de ce dispositif est toujours le même. Offrir une plateforme évolutive permettrait à des constructeurs tiers de proposer leurs propres modules d’évolution compatibles. Imaginez si un fabricant secondaire propose des modules de carte mère compatibles avec ceux de Dell ou HP. Cela ruinerait toute possibilité de ventes supplémentaires tout en assurant une énorme durée de vie aux machines. C’est le point d’achoppement classique de ces tentatives d’évolution modulaire.


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15 commentaires sur ce sujet.
  • 29 janvier 2025 - 16 h 55 min

    Intel qui promue l’informatique débridée ? Il va neiger demain.

    Répondre
  • 29 janvier 2025 - 17 h 19 min

    On est en janvier !

    Répondre
  • 29 janvier 2025 - 17 h 37 min

    @Le breton:
    Les gens changent moins souvent de machines… de quoi les faire viser les MAJ?

    Répondre
  • 29 janvier 2025 - 17 h 38 min

    Sans doute pensent-ils pouvoir vendre plus cher sous couvert de possibilité de mise à jour du matériel facilité ?
    Mais l’idée est intéressante (en théorie).

    Répondre
  • 29 janvier 2025 - 17 h 44 min

    intel pourrais pouser le marché ou bien même les usa… si l’environnement serait important

    a voir le prix,

    Répondre
  • 29 janvier 2025 - 18 h 44 min

    J’ai toujours une intel compute élément qui promettait exactement cela. Donc promesses, promesses

    Répondre
  • 29 janvier 2025 - 18 h 55 min

    Comme indiqué par Pierre, ce serait doublement plus cher:
    -conception au début plus compliquée, plus de pièces, plus de soudures, plus d’assemblage à la main.
    -anticiper la vente des cartes filles vendues par des tiers (disons le directement vendues sur aliexpress ou autre)

    Je pense qu’à terme cela nuirait à la stabilité du système avec la nécessité de rétrocompatibilités importantes.

    Si l’écosystème Apple est aussi verrouillé, en plus d’en maitriser parfaitement les prix, marges et benefs, c’est aussi pour limiter voir empêcher l’utilisateur de créer des situations de plantage par incompatibilités.

    Avec Apple, il ne reste quasiment plus que le bug situé entre le clavier et l’écran à gérer.
    L’utilisateur ne peut rien bidouiller dans la machine, ce qui fait des soucis en moins.
    Et comme de surcroît, l’argent aussi cause des soucis, au final Apple soulage de beaucoup de soucis grâce à leur environnement fermé.

    Je pense préférable de vendre des machines très performantes, et donc chères, qui pourront durer longtemps tout en étant réparables, plutôt que des machines évolutives.

    De toute façon, les 2 approches sont peu compatibles avec les recherches d’achat au moins cher du moins cher.

    Répondre
  • 29 janvier 2025 - 20 h 07 min

    Les gonzes qui depuis leur premier proc font le combo cpu + chipset non évolutif (enfin à part durant la période tick tock on avait 1.5gen de cpu par chipset.
    Quand on voit la durée de vie de l’AM4…

    Répondre
  • Ali
    30 janvier 2025 - 0 h 01 min

    Ce qui est dérangeant, c’est que le changement de CPU implique souvent un changement de carte mère et peut-être de RAM, ce qui peut coûter très cher en pièces détachées.

    De plus, si on envisage une mise à niveau après 2 ou 3 ans, on se retrouve souvent dans une situation où il faut remplacer tellement de composants (CPU, carte mère, RAM, voire stockage selon les évolutions de connectiques) que l’addition devient rapidement aussi élevée – voire plus – que celle d’un PC neuf. Et dans ce cas, on passe à côté des évolutions sur les écrans, les trackpads, les claviers et les batteries, qui sont souvent des points d’amélioration majeurs sur les nouvelles générations de machines.

    Même si l’initiative d’Intel de standardiser les connecteurs et d’encourager une plus grande évolutivité est intéressante, il y a un risque que l’investissement dans une mise à niveau soit moins pertinent qu’un remplacement complet, surtout si les prix restent élevés et que les fabricants ne jouent pas le jeu sur le long terme.

    Répondre
  • 30 janvier 2025 - 8 h 22 min

    Déjà si les constructeurs / fabricants pouvaient au moins laisser la possibilité de changer :

    – RAM
    – Disque dur / SSD
    – wifi/bluetooth

    Ce serait pas mal
    Il me semble que @Pierre tu avais parlé de Lenovo qui irait dans ce sens

    Le combo CM+CPU+chipset est plus délicat due à l’évolution de ce dernier suivant la politique des fondeurs

    Si en plus les fabricants faciliteraient le changement de l’écran qui est souvent une opération très délicate… car c’est une pièce qui s’use ….

    Comme d’ailleurs le clavier et le pad qui s’usent aussi !

    Ce serait top!

    Plus de pièces à recycler moins de pollution globale

    Répondre
  • 30 janvier 2025 - 12 h 28 min

    Pas con !!!
    Suggérer de jeter toutes nos machines actuelles « monobloc » pour en racheter des « évolutives ».
    Commercialement, c’est bien vu !!
    D’un point de vue environnemental… Moins, quand même.

    Répondre
  • 30 janvier 2025 - 16 h 44 min

    Bof, rien ne suggère de jeter l’existant. Juste de faire une transition technique dans la durée.

    Répondre
  • 1 février 2025 - 0 h 04 min

    @FlyDutch:
    C’est ce que propose Framework.
    Mais un laptop 16″, sans OS, sans carte graphique dédiée, avec un minimum d’équipement et d’entrées/sortie, il faut déjà compter ~2000 €.
    Soit un bon billet de +500 € par rapport à un laptop non évolutif HP/Dell/Lenovo. Pas facile à vendre malgré la promesse de réparabilité/évolutivité.

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  • CHP
    1 février 2025 - 17 h 02 min

    @ArnoH:

    On est d’accord. Et un doux rêve. De plus, il me semble qu’Intel y avait déjà songé à la fin des années 90.

    Sans parler que toute l’industrie informatique en serait chamboulée dans son intégralité. D’un côté les fabricants de systèmes complets et « upgradables » et de l’autre une industrie (chinoise) quasi dédiée aux « upgrades » et acclamée par tous ceux qui veulent acheter plus pour moins cher.

    Ce que propose Intel est à contre courant des tendances actuelles sur les PC portables et MiniPC ou quasi la totalité des composants sont désormais soudés sur un CM unique (CPU, RAM LPDDR5, stockage, connecteurs,…). Asus, DELL, HP, Lenovo et MSI sortez de ce corps.

    Je sais que c’est à contre courant des tendances écologiques mais comme cité, ci-dessus, même si l’initiative est louable, l’intérêt est vite limité par réalité du terrain (technologique) et l’évolution incessante des normes et des équipements.

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  • jth
    3 février 2025 - 7 h 33 min

    A une époque, tout etait upgradable dans un laptop: cpu (sur socket), gpu (mxm), ram, carte wifi (minipci, puis m.2), stockage, expresscard, ecran.
    Puis tout a commencé a etre soudé…

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