Quarante six millions de Raspberry Pi vendues en 10 ans, l’air de rien c’est un bon rythme de croisière pour une solution absolument en dehors de toutes les normes informatiques connue. Un produit certes vendu à bas prix mais proposé sans grosse campagne de publicité autre que le bouche a oreille, sans véritable infrastructure de vente au départ et surtout dans une logique totalement a rebrousse poil du marché informatique actuel.
Le 29 février 2012 a démarré officiellement la carrière commerciale des Raspberry Pi. Ces ordinateurs proposés sous un format de carte unique, vendus à un prix des plus abordable et ouvertes sur le monde. Pas encore nés Ils étaient déjà très attendus par le public. Un public de niche, de connaisseurs, mais un public fébrile face aux promesses du produit. Dans l’attente d’une solution de ce type depuis fort longtemps. L’équipe de Raspberry Pi n’avait pas encore de carte à proposer que des dizaines de milliers de personnes avaient déjà téléchargé le système d’exploitation Linux, bricolé autour d’une distribution Debian, mis à disposition sur le site de la fondation.
L’attente était tellement palpable que le jour où les cartes ont enfin été disponibles, l’offre n’a pas suffit a couvrir la demande. Le premier lot de cartes était maigre. quelques milliers d’unités seulement avaient été livrées suite à la commande de la fondation. Il en aurait fallut 10 000, 50 000, 100 000… Les premiers mois la popularité de la carte a été grandissante, fulgurante. Les chiffres ont été vite, très vite. A une époque je fêtais ces micro anniversaires sur le blog. Racontant le premier million de Raspberry Pi vendues et leur impact déjà puissant. Puis les 5 premiers millions, les 10, les 20 et c’est devenu rapidement ennuyeux. Aujourd’hui, à 46 millions d’unités vendues, j’ai bien envie d’applaudir mais plus vraiment la force d’aligner les bougies. Il y en a trop.
2012 a été le coup d’envoi de l’aventure avec de premiers modèles qui ont montré que cette idée d’une carte-PC ouverte, programmable et pouvant dialoguer avec l’extérieur était une vraie attente du public. En février 2015 sort le Raspberry Pi 2, qui ne durera pas longtemps puisqu’il sera remplacé par le Pi 3 en mars 2018. Mais cette année d’existence pour la seconde version fera toute la différence. C’est le début de l’ouverture au grand public. L’arrivée d’un SoC Broadcom Cortex A7 sur 4 coeurs avec plus de performances et surtout le début d’une nouvelle phase d’approche. Celle des tutos. Je me souviens de l’effervescence incroyable de la toile autour des Raspberry Pi alors. On trouvait tous les jours de nouveaux guides pour faire des choses originales avec cet ordinateur de poche. Des trucs vus et revus aujourd’hui mais qui paraissaient alors totalement incroyables. Et le mieux ? C’est qu’on pouvait suivre le tuto à la lettre, glisser sa carte mémoire dans l’appareil, relier quelques fils sur les broches de son Pi et voir sa création exister : appareils photo, piratebox, lecteur multimédia, ordinateur d’appoint, solutions domotiques. Au petit matin en prenant son café on voyait une nouvelle idée émerger avec une Pi. Une idée proposée à tous, que l’on pouvait copier, modifier, faire évoluer.
Un lecteur audio construit sur une base de Raspberry Pi, toujours aussi séduisant
Toutes les idées n’étaient pas bonnes, la carte n’était pas assez musclée pour faire vraiment ce qu’elle prétendait pouvoir faire dans certains tutos mais… on avait les mains dans le cambouis, on testait, essayait, tripatouillait autant de câbles que de lignes de commandes. Avec une certaine ferveur, de la passion, de l’énervement également. Mais sans la crainte de casser son précieux PC. La solution fonctionnant sur un stockage externe, il était facile de toujours retomber sur ses pieds.
Cet engin d’un format brut était alors parfaitement justifié. Un truc qu’on pouvait visser partout et qui se transformait en n’importe quoi. Les autres développements de la solution ont persisté dans cette idée d’une carte abordable, toujours plus performante, avec des fonctionnalités finalement incroyables au regard de son tarif.
Et le grand public s’est emparé du Pi à cette époque, parfois juste comme un outil, d’autres fois comme une expérience. Certains n’en voulaient que pour le transformer en jukebox numérique. D’autres avaient a peine terminé un projet qu’ils en lançaient un autre… D’autres collectionnaient les cartes et les réalisations. Et en quelques années, avec le Pi3 puis le 4 ont vu l’idée de base de la fondation devenir de plus en plus connus et reconnus.
Et que dire des autres cartes nées dans le sillage de cette solution ? Des constructeurs se sont penchés sur des projets concurrents. Ont retroussé leurs manches et ont imaginés des alternatives autour d’autres SoC avec d’autres idées. Des développements en tous genre, dans plein de formats sont nés. Des millions de machines fonctionnent aujourd’hui à travers le monde grâce à des Pi ou des cartes du même tonneau. Des industriels ont d’ailleurs pris le relais des amateurs en intégrant les solutions de la fondation au sein de produits commerciaux tout ce qu’il y a de plus classiques.
Mais l’impact le plus fort n’est sans doute pas encore arrivé. Ce sera sans conteste celui provoqué par la carte sur le cerveau de millions d’utilisateurs, en particulier des plus jeunes. Le fait d’avoir un ordinateur a bidouiller, a programmer, a faire interagir avec le monde et piloté par une distribution libre et malléable. Le même impact que celui provoqué par le BBC Micro, l’ordinateur que la BBC a distribué aux élèves anglais dans les années 80 et dont je vous parlais lors de l’arrivée de la carte Micro:bit en 2015. Les Raspberry Pi ont ouvert la voie à des millions de développeurs en herbe, de futurs hackers, recycleurs, ingénieurs et autres programmeurs qui auront découvert ce monde après un investissement de quelques dizaines d’euros dans une petite carte verte… Eben upton est lui même un enfant de ce BBC Micro, même si le sien a été acheté d’occasion quand il avait… 9 ans.
Comme beaucoup d’icônes, le Pi a une carrière au cinéma…
En 10 ans ce projet destiné à encombrer les bureaux de geeks est devenu un produit aussi utile qu’emblématique, une icône. Une icône dans la tourmente aujourd’hui suite aux diverses pénuries qui secouent le marché. Eben Upton revient sur le problème du manque de composants qui affectent la livraison de Raspberry Pi dans une interview donnée à The Inquirer, Upton c’est le papa de la fondation aujourd’hui et il indique que l’impact est très clair sur les livraisons de cartes. La fondation livre un demi million de Raspberry Pi par mois. Mais il y a environ un à deux millions de Pi en retard par rapport aux besoins du public. Sans qu’il sache très bien quand la situation redeviendra plus stable à nouveau.
Une situation d’autant plus frustrante que la fondation reste une fondation et son ambition n’est pas de faire de bénéfices sur les cartes de la même manière qu’une société classique. L’inflation rencontrée autour des Raspberry Pi n’est donc absolument pas de son fait.
Autre point abordé et particulièrement intéressant, la possibilité de passer à une solution RISC-V pour le futur. Il va sans dire qu’un Raspberry Pi 5 sortira un jour mais pourrait t-il être sous RISC-V ? Pas pour le moment indique Upton, ce n’est pas prévu. Il est impossible pour la fondation de prendre une licence RISC-V pour le moment, et aucune puce disponible aujourd’hui est aussi performante que ce que propose un Raspebrry Pi 4. Mais on peut « espérer dans le futur » un mouvement vers cette architecture de SoC.
Paradoxalement l’arrivée d’un tel produit à l’horizon 2030 a baissé suite à la fin de l’aventure du rachat d’ARM par Nvidia. Upton explique que si le rachat avait eu lieu, de nombreux acteurs du marché se seraient tournés vers la solution RISC-V pour avoir une porte de sortie d’avec ARM à moyen et long terme. Cette migration aurait permis d’accélérer grandement les développement autour de cette nouvelle architecture. Comme le rachat d’ARM par Nvidia n’a pas abouti, l’écosystème va rester tel quel. Réduisant la chance de voir un Pi RISC-V de 20 à 10% d’ici 2030…
Bref, Raspberry Pi a 10 ans, et c’est une aventure incroyable à laquelle nous avons pu assister. Une aventure qui continuera, je l’espère, pendant longtemps.
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« Il est impossible pour la fondation de prendre une licence RISC-V pour le moment »
C’est de la langue de bois. C’est une architecture libre et ouverte. A priori il n’y a pas besoin de licence.
Est-ce correct ?
@gandf: Disons que la fondation achète une licence. Qu’en faire ? Il faut recruter des ingé pour en faire une puce, trouver un créneau pour la faire fabriquer et obtenir une solution aujourd’hui moins performante ? Cela couterait beaucoup plus cher pour un résultat moins bon, je suis pas sûr que ce soit le bon calcul a faire.
@Pierre : et pourtant, avec un bon soutien financier, par ex de l’EC, ce serait facilement envisageable et un pas vers l’open hardware et l’indépendance EU en la matière.
Mais bon ça n’a pas l’air d’être la priorité.
@eeegr: Je dis pas que c’est pas envisageable mais l’UE n’a aucune raison d’aider une fondation UK… Et comme dit Eben Upton, c’est envisagé.
Maintenant tu regardes ce que font les pays d’UE en matière de souveraineté numérique, tu pleures. Ils hébergent leur PDF ADOBE ACROBAT annonçant leurs intentions futures en la matière sur des serveurs MICROSOFT pilotés par des puces INTEL…
Avant la raspberry j’utilisais un plug-computer.
Quand la Raspberry Pi est sortie j’en ai commandée une immédiatement et encore aujourd’hui elle fait tourner un serveur web.
Joyeux anniversaire !
Et merci.
Grâce au RBPI faire de la musique avec un ordinateur sous Linux s’est considérablement simplifié pour moi.
Avant, il fallait bien comprendre le fonctionnement de la chaîne audio (Alsa, jack, MIDI, séquenceur, instruments virtuels, plugins, routage, effets etc). Plutôt ardu, parfois frustrant.
À présent, avec un RBpi, un Dac audio ou une carte son USB et une distribution adaptée comme Zynthian (https://zynthian.org/ que je recommande vivement), c’est un vrai bonheur.
Tu branches, tu joues.
De plus, on a le plaisir de se fabriquer soi même cette petite merveille complètement Open Source (soft+hardware).
C’est tellement cool que j’en ai fait 3 :-)
@Luc: +1000!!!!
@Luc : non non, pas « complètement Open Source »… ;) https://fr.wikipedia.org/wiki/Raspberry_Pi#Pilotes
« but the board is not open hardware. » https://opensource.com/resources/raspberry-pi
Alors que Pine64 l’est dans son ensemble si je ne me trompe pas ;)