La bataille juridique entre Qualcomm et ARM continue

Le conflit qui s’est enlisé depuis des mois dans des tractations techniques se poursuit entre Qualcomm et ARM.

Nuvia est toujours au centre du sujet, la marque rachetée par Qualcomm en 2021 a mis le feu aux poudres entre les deux entités. Qualcomm et ARM dansent ici une dernière valse avant d’en venir vraiment aux griffes.

Résumé rapide de la situation. Nuvia est une startup qui développe autour du jeu d’instruction ARM. Elle paye donc les licences et royalties nécessaires à ce développement de produit. Qualcomm fait de même et verse également sa dîme à ARM. Qualcomm rachète la startup Nuvia qui devient donc une entité intégrée de la marque. Qualcomm estime que sa division Nuvia étant intégrée, elle est couverte par les licences de Qualcomm et n’a donc plus à payer celles-ci de manière indépendante. ARM ne l’entend pas de cette oreille et veut que Nuvia continue à payer ses licences à part. Les deux firmes s’engagent dans une procédure de contentieux.

Aujourd’hui, ARM pousse le bouchon un peu plus loin en signifiant à Qualcomm qu’elle souhaitait annuler le contrat qui liait les deux entreprises. En clair, une fin de contrat pour signifier à Qualcomm qu’elle n’aurait plus le droit d’exploiter les licences ARM et donc de développer ses fameuses puces Snapdragon et autres.

Cela ne veut pas dire que les deux entreprises ne s’entendent plus, Qualcomm verse toujours des sommes importantes à ARM et les ingénieurs des deux entreprises travaillent de concert. Il s’agit ici d’un pas de plus dans une escalade juridique entre les deux entités. On apprend cela via Bloomberg quelques heures après l’annonce de Qualcomm de ses nouveaux processeurs Snapdragon basés sur ARM. Une annonce de sortie qui représente un investissement lourd avec un développement onéreux et une stratégie marketing complète, ce qui engage à nouveau les Snapdragon sur la voie ARM pour les années à venir. Des puces qui sont déjà annoncées par les plus grands acteurs du marché mobile qui ont déjà avancé de fortes sommes pour l’intégrer dans leur design. C’est donc le moment idéal, le plus critique, pour que ARM puisse taper du poing sur la table. Un moment où les conséquences techniques tombent en cascade.

Quelles conséquences tout cela va-t-il avoir sur le marché ? presque aucune.

Avez-vous déjà vu de grands groupes industriels capitalistes vivant en symbiose en venir aux mains de manière à altérer gravement la santé financière des deux entreprises pour un gain absolument nul ? Moi jamais. Si ARM gagnait son pari et empêchait Qualcomm de développer son jeu d’instructions pour ses Snapdragon, ARM se tirerait un boulet de canon  dans le pied. La fin des Snapdragon entrainerait des pertes de royalties et de licences colossales. ARM n’a absolument aucun intérêt à ce que Qualcomm accepte cette fin de contrat.

Il s’agit ici purement et simplement d’une manœuvre de négociation de la part d’ARM. Un moyen de renégocier le contrat qui lie les deux entités. Je suppose que ARM veut réintégrer Nuvia dans le contrat et que Qualcomm s’y oppose.

Au final, il ne se passera absolument rien de visible d’un point de vue technique, les puces sortiront comme à l’accoutumée, les ingénieurs des deux sociétés continueront de visio-conférencer et les fabricants de smartphones et autres appareils recevront leurs puces en temps et en heure pour leurs nouveaux modèles. 

Un jour, dans une tour quelque part aux USA, un groupe d’avocats défendant les intérêts d’ARM et un autre groupe d’avocats représentants ceux de Qualcomm vont arriver à négocier un nouveau contrat qui ira dans l’intérêt des deux entreprises. Qualcomm payera un peu plus cher ses royalties, calculera différemment ses marges, des feuilles de papier seront signées, des poignées de mains seront serrées et tout ce petit monde ira fêter ça dans un restaurant chic déjà réservé au préalable. Un communiqué de presse conjoint sera établi et envoyé à tout le monde pour rassurer les foules. Ce sera la fin de cet épisode juridico-technique.

La seule conséquence réelle de toute cette affaire sera probablement une très légère hausse du prix des puces et donc, à terme, une évolution du tarif des matériels qui les emploie. Oui, vous allez payer d’une manière ou d’une autre, le café gourmand des avocats des deux firmes.

L’autre conséquence probable est plus diffuse. Cette escalade conflictuelle entre Qualcomm et ARM va probablement inciter plus de monde à loucher du côté de RISC-V. Un autre jeu d’instructions offrant beaucoup plus de libertés de développement et de commercialisation.

Que se passe t-il entre ARM et Qualcomm ?


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6 commentaires sur ce sujet.
  • 23 octobre 2024 - 13 h 10 min

    Arm est entrain de scier la branche sur laquelle ils sont assis.
    Leur agressivité juridique ne fera que renforcer les architectures comme RISC-V

    J’ai d’ailleurs l’impression que dans les contrôleurs embarqué arm perd des parts de marché importantes au profit de risc-v.

    Répondre
  • 23 octobre 2024 - 13 h 16 min

    @Gilles: Franchement, c’est un truc hyper commun dans l’industrie. C’est le quotidien de nombreuses sociétés de recevoir et d’envoyer ce genre de messages. Simplement ici cela touche à un écosystème qui a droit à la une des journaux parce que « Qualcomm » est connu et qu’il est présent dans beaucoup de poches. De même avec Intel ou Apple, ça fait du clic et donc ça vend de la pub. Et plus tu es alarmiste plus tu as de clics.

    Par contre, tu as raison, RISC-V prend du poids dans beaucoup de secteurs.

    Répondre
  • luc
    23 octobre 2024 - 13 h 57 min

    Le risc-v a t-il un avenir ?

    En ce moment les embargos des technologies silicium se multiplie que ce soit en brevet ou en fabrication.

    La chine developpe une architecture mips pour contourner les sanctions sur le x86.

    Le risc-v sont avenir vient du pouvoir des producteurs dans les prochaines années contre le pouvoir des consommateurs depuis 50 ans.

    Du coups celui qui est producteur est celui qui produit l’énergie la moins chère.

    Répondre
  • 23 octobre 2024 - 14 h 14 min

    P’tite faute de frappe: « taper du point » -> poing

    Répondre
  • 24 octobre 2024 - 11 h 57 min

    @Gilles:

    Bonjour,

    Ce n’est pas qu’une impression.
    Beaucoup se focalisent sur le fait qu’ARM entre sur le marché des laptops et des serveurs et prend donc des parts à Intel/AMD. Et que ARM serait une sorte de rouleau compresseur que rien ne peut arrêter. Cette vision est tronquée et ne prend pas en compte l’ensemble des marchés ciblés par ARM et ses partenaires.
    Or il ne s’agit pas d’un move opportuniste, mais d’une volonté exacerbée de chercher de nouvelles débouchées, pour consolider ses revenus à cause de pertes de marché dans l' »embedded ».

    Article d’avril 2021 :
    https://spectrum.ieee.org/riscv-rises-among-chip-developers-worldwide

    En gros ARM et ses partenaires se retrouvent en tenaille entre Intel/AMD (le x86) dans le marché large du x86 (laptop, desktop et server), et le marché de l’embarqué (gadget, matériel de communication, et autres …) de nature non fidèle (l’applicatif suivra et pas l’inverse) qui est pénétré par RICK-V et OpenPOWER.

    L’aventure Apple/ARM n’est pas reproductible par tout le monde (voir même personne d’autre).
    Et cela est seulement possible grâce aux capacité d’Apple de maitriser de façon poussée son matériel ET son logiciel (capacités acquises tout au long de l’histoire d’Apple).

    Bonne journée.

    Répondre
  • 20 décembre 2024 - 22 h 59 min

    […] Je vous ai déjà expliqué pourquoi la crainte d’une fin de contrat entre ARM et Qualcomm ét…. Il est difficile d’imaginer que les deux entreprises ne trouvent pas un accord et que ARM coupe les droits au papa des Snapdragon de développer de nouvelles puces. Tout simplement parce que les deux entreprises perdraient énormément d’argent. Mais au regard des sommes réclamées par ARM, c’est-à-dire 50 « petits » millions de dollars, pour que tout rentre dans l’ordre. Il n’y a même plus de débat à avoir. Ce procès coutera probablement plus cher en frais juridique que ces 50 millions de dollars. […]

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