Une boite de médicaments contre le Parkinson imprimée en 3D

Un groupe d’internautes se mobilise pour inventer une boite conçue pour faciliter la prise de médicaments contre la maladie de Parkinson.

L’histoire illustre l’évolution permise par internet et l’impression 3D ces dernières années pour la conception d’objets et le travail collaboratif. Elle commence par un réseau social, TikTok, où un homme, Jimmy Choi, présente ses exploits quotidiens.

@jcfoxninja

@slidismode inspired rollout. He did it first. I wanted to try. Using #fitness to raise #parkinsons #awareness #fitover40 #core #plank

♬ Ruff Ryders’ Anthem (Re-Recorded / Remastered) – DMX

Jimmy Choi n’est pas le gars que l’on croise tous les jours dans la rue, il est balaise. C’est le genre de type qui fait des pompes au petit déj, soulève de la fonte ou fait des exercice que la musculature moyenne n’arrive pas à suivre. Je suis pas un grand fan de ce réseau social, je ne suis pas non plus un accroc à la muscu mais le petit extrait que j’ai pu voir me donne une idée des prouesses du bonhomme.

Et Jimmy Choi a une autre particularité, une double. Il est atteint de la maladie de Parkinson. Et ça se voit. Cela se voit dans ses vidéos où dès qu’il relâche son énorme force musculaire, on peut voir son corps agité de tremblements. Et cela se voit également car contrairement à beaucoup d’autres « vedettes » de réseaux sociaux, il ne filme pas que les côtés « glamour » de sa vie. Il montre également son quotidien, celui qu’il partage avec la maladie. Et ça me renforce encore à penser que ce gars là est vraiment balaise.

Dans son combat quotidien contre Parkinson, il se trouve une épreuve aussi douloureuse qu’idiote et pourtant quotidienne. Celle de la prise de médicaments contre les effets de la maladie. De petites pilules ridicules que notre héros a bien du mal à attraper comme il le montre dans une de ses vidéos. Révélant ainsi, fin Décembre, une fragilité à laquelle on ne se serait pas douté de prime abord. Et la fragilité, ça peut également déplacer des montagnes.

Internet et l’impression 3D peuvent rendre le monde meilleur

Car cette vidéo remue. Voir un colosse au mains d’argile a quelque chose de touchant et si Jimmy Choi se livre ainsi, c’est pour partager le quotidien des malades de Parkinson et montrer la lutte de tous les jours qu’ils doivent mener face à la maladie. Le résultat est toutefois assez inattendu. Un groupe de personnes se mobilise et décide de faire ce qu’elles peuvent pour leur héros.

Et la vidéo finit par atterrir sous les yeux d’un dénommé Brian Alldridge. Un type qui n’a aucune expérience en design d’objet. Je veux dire, aucune expérience professionnelle. Lui, son truc c’est plutôt la vidéo et il a donc plus une formation graphique qu’autre chose. Il n’empêche, si il ne dispose d’une imprimante 3D, il  est tellement remué qu’il décide de commencer à concevoir une boite pour faciliter la prise des médicaments de Choi.

Sans avoir jamais rien conçu en 3D auparavant, il se met au boulot. Comme il manque d’expérience et qu’il doit se former à Fusion3601, il commence par réaliser un croquis de son idée de base. Croquis qu’il partage dans son propre réseau social. Ce croquis, visible ci-dessus, montre son idée de départ : une base rotative qui permet de séparer une seule pilule du reste du lot et de la faire circuler ensuite jusqu’à une ouverture où elle pourra chuter dans le creux d’une main ou directement dans la bouche. Sobre, efficace et suffisamment simple pour que cela soit réalisable en impression 3D.

Parkinson

Il publie son schéma sur TikTok avec un appel à sa communauté pour trouver des solutions techniques afin d’améliorer et de produire la boite. Et la communauté suit, en masse. Après des milliers de vues, sa vidéo pousse un certains nombre de personne à se manifester. Soit pour aider à sa conception, soit pour en imprimer des exemplaires. Le prototype n’est pourtant pas encore fonctionnel, la base ne tourne pas et  les pièces s’assemblent mal. Je vous l’ai dit, Alldridge en est à ses débuts.

Ce n’est pas grave, l’idée circule et de nombreuses personnes avec plus d’expérience se sont déjà mises au boulot. Un internaute fabrique un prototype qu’il peaufine au papier de verre afin de vérifier la validité du design de l’objet. Il y parvient et attire encore plus l’attention sur le projet. D’autres personnes l’améliorent, règlent les divers problèmes posés par l’impression 3D, rendent la boite résistante aux projections d’eau et petit à petit améliorent l’idée de départ. 

Parkinson

Aujourd’hui, la boite en est à la version 5.0, elle continue d’être améliorée. Chaque prototype a été envoyé à Jimmy Choi pour recueillir précieusement son avis et ses remarques. Lui même a été assez enthousiaste dès le départ, indiquant que non seulement l’objet lui a facilité la vie et fait gagner beaucoup de temps mais également qu’il a permis de réduire fortement sa frustration et son anxiété. Le stress aggravant les effets de Parkinson, la petite bouteille est clairement salvatrice. Elle permet non seulement une prise en main facilitée mais évite de s’angoisser de peur de renverser l’ensemble de ses pilules sur le sol.

@hungryengineer

You guys are awesome! #fundraiser #parkinson #parkinsons #3dprinting #3dprinter #3dprinted #diy #michaeljfoxfoundation @brianalldridge @jcfoxninja

♬ Changes (2015 Remaster) – David Bowie

Un ingénieur en mécanique  du nom de David Exler s’est ensuite mis à fabriquer et à vendre des boites sur Etsy. Non pas pour se faire de l’argent de poche mais pour satisfaire la  demande de personne voulant une de ces boites et n’ayant pas les capacités à en imprimer une. A chaque achat, les 5$ de marge dégagés sont envoyés à la Fondation Michael J. Fox pour lutter contre le Parkinson. Bien d’autres continuent d’imprimer des boites mais le plan a encore évolué.

Alldridge veut maintenant breveter son idée de base de boite. Elle aidera les malades atteints de Parkinson et, peut être, d’autres sujets à différentes maladies. Le projet global consistera à laisser les internautes imprimer des boite au besoin, sans royalties. Tout particulier ayant besoin d’une de ces boites pourra en imprimer une lui même, sans aucun frais, à condition qu’il ne cherche pas à en tirer profit. Juste en téléchargeant le fichier 3D final quand il sera accessible. Alldridge a été totalement ahuri par le nombre de personnes l’ayant contacté pour essayer de breveter la boite à sa place pour pouvoir le vendre en masse afin de gagner de l’argent. Le fait que le design soit accessible à tous et qu’il ait été construit de manière commune ne semble pas empêcher certains d’y voir une potentielle source de gain facile. Pour lui cependant, l’important est de laisser l’objet en accès libre, facile et peu cher à imprimer.

Pas d’en faire une machine à cash. Le brevet sur le projet devrait empêcher ce type de manoeuvre.

@brianalldridge

Update on the pill bottle project. A huge thank you to everyone who has poured so many hours into this. #science #3dprinting #parkinsonsdisease

♬ So Fine – Trees and Lucy

Tout, dans cette histoire, est intéressant. On savait déjà que les « makers » étaient capables de se mobiliser du mieux qu’ils pouvaient pour des causes communes. Le nombre de simples particuliers ayant décidé d’imprimer des milliers de visières de protection pour le personnel hospitalier pour lutter contre la COVID nous avait déjà montré cette force. Ce genre de projet est tout  aussi significatif. Un groupe de personnes qui ne se connaissent pas et qui œuvrent pour en aider une autre. Des malades qui subissent en général des designs peu adaptés ou des versions de produits sur-mesures brevetées et hors de prix. Internet a ici permis de lier des personnes différentes dans le même élan commun, le même objectif. Un bien qui, parce qu’il a été réalisé par un groupe de personne  sans but commercial derrière, a permis d’en tirer un objet libre et répétable à l’envie.

C’est un excellent exemple de fonctionnement vertueux d’Internet, un exemple qui va dans le sens de son objectif premier. Le partage d’information et la mise en commun des réflexions de chacun.

Source : TheVerge

Notes :

  1. Fusion360 est un logiciel de conception 3D très populaire dans le monde de l’impression 3D.

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10 commentaires sur ce sujet.
  • 25 janvier 2021 - 12 h 46 min

    Merci Pierre pour avoir rapporté ce beau fait. Ça redonne foi en l’humanité 2.0. Quand l’égotisme et son corollaire l’appât du gain sont mis de côté, l’être humain est capable de grandes et nobles choses.
    Ce qui me surprend ds l’histoire, c’est qu’aucun labo pharmaceutique n’aient pensé un instant à la difficultés des patients vu le conditionnement inadapté des pilules…

    Répondre
  • 25 janvier 2021 - 13 h 11 min

    Ce principe de base tournante existe pour les toutes petites granules d’homéopathie.

    On fait tourner le tube, les granules tombent dans le réceptacle transparent que l’on détache ensuite pour ingérer les granules.

    Une belle initiative en tout cas.

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  • 25 janvier 2021 - 16 h 52 min

    Idem, je ne peux que saluer la cause. Respect !

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  • hle
    25 janvier 2021 - 18 h 01 min

    @sourioplafond : Oui transparent, c’est ce qui manque pour voir le cachet.

    Ça existe pour les imprimantes 3D, pour faire des boites transparentes ?

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  • 25 janvier 2021 - 19 h 40 min

    Juste envie de mettre un j’aime.

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  • 25 janvier 2021 - 20 h 05 min

    @hle: Avec ce type d’imprimante par dépôt de fil (FDM), on peut imprimer avec des matériaux transparents, mais la transparence n’est vraiment pas bonne. Avec des imprimantes utilisant des bains de résine (SLA), on obtient des objets beaucoup plus translucides. Mais, dans les deux cas, c’est suffisant pour visualiser la présence d’un cachet.

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  • 25 janvier 2021 - 22 h 31 min

    Des masques, des visières, des boîtes de pilules
    Et tout ce qui n’est passé devant nos yeux
    À quand un Nobel de la paix pour les imprimeurs 3D
    Merci Pierre pour cette belle histoire

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  • 25 janvier 2021 - 22 h 58 min

    @sourioplafond: Oui, en effet. Mais le tube pour guider la pilule ou le cachet sans risque de le perdre en route est nouveau, ce me semble. Le capuchon des tubes d’homéopathie n’est clairement pas pratique si on a les mains qui tremblent.

    @Pierre Lecourt: Merci de nous faire connaître cette histoire. J’aime les gens qui embellissent le monde. Heureusement qu’il y en a toujours plus que des malfaisants.

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  • 26 janvier 2021 - 14 h 00 min

    En fait il y a tout un tas d’objets faciles à fabriquer qui n’existent pas dans le commerce qui pourraient rendre service à beaucoup de malades
    des objets tout simples
    Il faudrait un site spécifique comme thingiverse, mais orienté bien-etre de la personne et la possibilité d’étudier les demandes d’usage qu’on ne connais pas parce qu’on est pas malade

    je vais tenter de les contacter, j’ai déjà quelques objets

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  • 27 janvier 2021 - 22 h 11 min

    et dire que ça pourrait être vendu 200€ remboursés par la sécu… quel gachis

    Sérieusement ça fait plaisir à lire, merci pour ce partage.

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