Comprenez moi bien, je serais ravi que Windows 10 ARM fonctionne, qu’un écosystème logiciel se construise autour de cette nouvelle gamme de processeurs. Cela motiverait l’ensemble des acteurs du marché à proposer des alternatives efficaces et aboutirait sans doute à l’éclosion de solutions plus accessibles. Je crois même que si ARM venait à émerger dans le monde des PC, cela rendrait peut être possible l’apparition de solutions Linux. Mais au vu des découvertes de ce Week End, je n’y crois tout simplement plus.
Que c’est-il passé ce Week End ? Microsoft a fait une jolie boulette en propulsant sur son site web des documents destinés aux développeurs autour du fonctionnement de Windows 10 ARM. L’idée derrière ces éléments est de montrer aux développeurs comment « porter » leurs applications pour Windows 10 ARM. Et ce document est très révélateur du fonctionnement du nouveau système.
Pour se faire comprendre, Microsoft propose de lister les limitations du nouveau système en le comparant à un Windows 10 actuel tournant sur une plateforme x86 de chez Intel ou AMD. Microsoft a du se mordre les doigts d’avoir publié ces informations puisque les éléments ont disparu du site. Elles restent cependant lisibles un peu partout sur des sites spécialisés.
Le forcing pour faire adopter Windows RT avait été… intense
Un Windows 10 ARM qui reste limité par rapport à un Windows 10 classique.
La promesse de Microsoft pour la sortie de Windows RT a été très floue. On promettait beaucoup de trucs tape à l’oeil, une excellente autonomie et de belles performances dans des usages classiques comme le multimédia, la bureautique basique et la navigation web peu gourmande. Au final, la pauvreté du magasin d’application de Microsoft et les limitations du système par rapport à l’idée que l’on se fait d’une solution Windows ont rapidement enterré le projet. Les constructeurs étaient furieux des maigres ventes de leurs machines. Les machines ont fini bradées et j’ai même eu vent de cartons de tablettes parties au recyclage à grands frais pour une marque. Fabriquer, stocker puis détruire c’est un peu la triple peine pour un constructeur.
Avec Windows 10 ARM, Microsoft a donc retroussé ses manches et fait LA promesse qui pouvait tout changer. Les engins tourneraient bien sur des solutions ARM mais pourraient également émuler des programmes classiques. Autrement dit, votre machine Windows 10 ARM serait capable de faire fonctionner les applications que vous utilisez actuellement sur votre PC classique. Le prix à payer de cette émulation semble une légère baisse de performances face à de l’exécution de code x86 par une puce x86. La récompense promise est la présence d’un modem 4G et une énorme autonomie pour chaque machine. Microsoft et Qualcomm n’ont pas hésité à parler de 24 heures d’utilisation pour des solutions sous Windows ARM.
Dans ces conditions, le pari me semblait correct. Un acheteur de ce type de solution sous Windows 10 ARM pouvait donc espérer avoir un engin à l’autonomie plus que solide, avec une connectivité permanente et rapide et même si les performances allaient être en dessous de celles d’une puce classique pour certaines applications, au moins toutes pourraient tourner dessus. Pas de risque de se retrouver le bec dans l’eau avec une solution qui ne fonctionnerait plus à l’avenir.
Manque de bol. Ce n’est pas du tout le cas.
Premier point qui me fait mal, le rétropédalage concernant Windows 10 ARM et la compatibilité des applications 64 bits. Si un porte parole de Qualcomm annonçait, il y a un tout petit peu moins d’un mois, que toutes les applications tournant sur un processeur Intel pourront tourner sur un processeur Qualcomm, il semblerait qu’au final ce ne soit pas le cas.
Microsoft confirme que les applications x64 ne fonctionneront pas sur Windows 10 ARM. Ce qui est un vrai problème pour certaines applications et certains utilisateurs qui n’ont pas d’équivalent applicatifs en 32 bits. De nombreux éditeurs, notamment chez les professionnels, ont tout simplement cessé de développer en 32 bits pour se concentrer sur le 64 bits. De fait, à moins que le parc de machines Windows 10 ARM explose (En général les développeurs préfèrent indiquer les limitations techniques de leurs applications plutôt que de développer de nouveaux pilotes), il y a peu de chances qu’ils retravaillent un jour leurs logiciels dans ce format. Les applications ARM64 seront pourtant compatibles en théorie, le système sera d’ailleurs livré avec des applications ARM64 comme le menu démarrer, la fonction Cortana ou le Bloc Notes, mais il sera impossible d’installer une application ARM64 tierce sur ces machines.
Plus inquiétant, il y a très peu de chances que votre matériel ancien tourne sous Windows 10 ARM. Si les logiciels qui tourneront sur le système peuvent être issus du monde x86, ce n’est absolument pas le cas des pilotes qui doivent impérativement être développés en ARM64. Autrement dit, si vous possédez un scanner ou une imprimante USB assez ancienne mais toujours fonctionnelle, il est peu probable que vous ne puissiez l’utiliser de manière classique avec votre PC. Il faudra probablement passer par un système en ligne. Pareil pour des accessoires variés qui vont de la souris avec des fonctions particulières aux matériels professionnels : Lecteurs de codes barre, sondes de calibration, scanner de diapo, etc…
Alors, certes, c’est une vision très sédentaire des usages de ces machines et le système est plus pensé pour un usage mobile. Mais acheter un produit « Bancal by design » qui ne pourra pas sauver une situation le jour où le besoin s’en fera sentir par incompatibilité pure et simple, ne me parait pas des plus évidents. Quant à espérer un développement de pilotes ARM64 de vieux outils, c’est à mon avis encore plus illusoire.
Dans un domaine plus ludique, Windows 10 ARM ne prendra pas en compte tous les jeux basés sur OpenGL au dessus de la version 1.1. Ils ne sont pas légion à n’employer que OpenGL mais certains permettent de dégager de meilleures performances face à l’utilisation de DirectX. Cette seconde librairie sera bien prise en charge par Windows 10 ARM et les joueurs pourront donc en profiter avec un petit bémol, cependant. Pas de solutions tierces pour lutter contre la triche en ligne, les solutions d’identification fines par DRM utilisées pour éviter la triche ne fonctionneront pas sur la plateforme.
Plus technique et touchant moins de monde, des fonctions seront absentes des systèmes Windows 10 ARM comme l’Hyper-V, la virtualisation de Microsoft.
Dans l’ensemble, beaucoup des éléments publiés par Microsoft mettent l’accent sur l’obligation pour les développeurs de retravailler leurs applications de manière à les rendre compatibles avec la nouvelle mouture du système. A vrai dire, toute la publication tourne autour de cela et c’est un point qui fait plutôt peur. Plein de petits détails peuvent empêcher une application en théorie compatible de marcher correctement sur un PC Windows 10 ARM. Il suffit, par exemple, que le développeur ait indiqué que son application fonctionne sur Windows Mobile quand elle détecte une puce ARM pour que l’ensemble refuse de fonctionner.
D’autres détails font tâche, également, comme le fait de ne pas pouvoir personnaliser le système à son avantage. Certaines applications pratiques qui se fondent au système en améliorant ses capacités sont ainsi déclarées incompatibles avec Windows 10 ARM. Des outils comme DropBox ou Clover ne seront pas compatibles en l’état. Un simple outil comme 7Zip qui propose dans l’explorateur de fichier une fonction de décompression rapide pourrait ne plus fonctionner…
Microsoft communique ainsi pour pousser les développeurs à préparer le terrain du nouveau système. Espérant ainsi proposer un magasin d’applications adapté prêt à l’emploi lors de la sortie effective des machines.
Reste a savoir si les éditeurs vont juger suffisante la promesse de Microsoft pour investir de l’argent dans un développement spécifique. On reste toujours dans le problème de l’œuf ou la poule. Il faut des applications compatibles pour que Windows 10 ARM connaisse le succès d’un côté. Il faut des ventes massives de ces machines sous ARM pour que les éditeurs aient un intérêt à développer des mises à jour ou adapter leur production.
Demander à un développeur d’une application uniquement disponible en x64 de la retravailler en 32 bits me semble très courageux de la part de Microsoft. Cela me fait penser à un PDG de grand magasin qui se retrouverait en short au milieu de son antre et qui réclamerait aux diverses marques exposées dans ses rayons de lui coudre des fringues sur mesures gratuitement. Au développeur qui travaille depuis des années sur des applications x64, Microsoft demande de dépoussiérer ses livres de code pour la développer en ARM ou en x86. Au développeur qui peaufine du code en OpenGL depuis 1998 date à laquelle la version 1.2 est sortie, on leur demande de basculer sur la bibliothèque maison DirectX 9. Au fabricant de matériels qui utilisent des pilotes classiques x86 en 32 ou 64 bits ? Refaites donc un pilote !
Cela ressemble furieusement à la tête de liste des griefs faits à Windows RT à sa sortie. A ce pourquoi les gens qui achetaient des solutions RT en magasin avant de les ramener quasi systématiquement ensuite. « Ça ne marche pas avec mes applications » étant probablement la phrase la plus entendue avec « mon imprimante ne passe pas ».
Le pire étant que le jeu en vaut de moins en moins la chandelle car les promesses de Windows 10 ARM commencent à largement se ternir face à l’offre concurrente classique. Intel et AMD n’ont pas arrêté de travailler leurs puces en attendant que Qualcomm débarque sur ce marché. Les deux marques proposent désormais plus de solutions sur ce secteur et certaines de leurs dernières créations sont réellement très impressionnantes. Le fait de voir AMD revenir dans la course provoque une certaine émulation entre les deux marques qui pourrait renouveler le parc de processeurs plus rapidement que ce à quoi on pouvait s’attendre il y a un an.
Les avantages annoncés du mariage Qualcomm et Microsoft étaient assez nombreux : Grande autonomie, compatibilité importante et connectivité sans faille.
Pour la compatibilité, le projet commence à prendre un peu de plomb dans l’aile avec les limitations et problématiques évoquées ci-dessus.
Pour l’autonomie, je suis toujours dubitatif et je demande à voir en pratique. Pour rappel, Qualcomm et Microsoft annonçaient près de 30 heures de lecture vidéo en streaming en utilisant de la 4G. Un très joli score mais qui n’a rien à voir avec l’usage d’un PC en réalité. Pour parvenir à ce score, le système s’appuie sur des fonctions « câblées » du processeur qui ne demandent que très peu de ressources : La 4G et la lecture vidéo sont des tâches hyper spécialisées qui n’ont absolument rien à voir avec l’usage d’un PC classique. En bureautique, en surf, en calcul ou en jeu, un portable sous Windows 10 ARM se retrouvera avec la même problématique qu’un portable classique. La différence proposée par le TDP de son SoC ARM restera négligeable. Les postes les plus gourmands en énergie resteront le Wifi, l’affichage et le stockage et non pas forcément la partie calcul. Avec un TDP généralement situé entre 2.5 et 5 watts, le Snapdragon 835 n’est, par exemple, pas très éloigné d’un Core M3-7Y30 d’Intel.
L’avenir nous dira ce qu’adviendra de ces machines sous Windows 10 ARM. Pour le moment, le bilan n’est pas à leur avantage. Les modèles présentés ne sont pas devant d’un point de vue tarif. Ils seront moins performants dans tous les usages logiciels classiques du monde Windows et resteront incompatibles avec énormément de materiels déjà présents chez les utilisateurs. D’autres acteurs ont fait par de leur intérêt pour la plateforme dont Xiaomi et Samsung. Pour le moment, beaucoup restent en attente des résultats des ventes des premières machines, de l’adoption réelle du système, pour se lancer.
Si les performances de leur listes de compatibilité logicielles ne sont pas au rendez-vous, si les intégrations pratiques mises en place par de nombreux éditeurs disparaissent… Bref si ce nouveau Windows bouleverse trop les habitudes des utilisateurs et malgré un vernis de surface qui le fera ressembler à l’ensemble des Windows, il n’y aura, en réalité, aucun avenir pour le système. On l’a vu par le passé avec d’autres moutures de Windows délaissées par les utilisateurs, si il est un crime plus grave que tous les autres pour un système d’exploitation, c’est bien de perturber les habitudes.
Source : Neowin
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@elpehant azaz:
Le GPD Pocket est un netbook survitaminé, idéal en mobilité.
Léger, très bonne autonomie, à l’aise et fluide en navigation web, bureautique, lecture multimédia et jeux peux gourmands, il a peu de défaut.
Je suis souvent en déplacement, pour la prise de notes il a remplacé mon ordi de 1,5 kg et m’évite de devoir prendre une sacoche supplémentaire.
@amphiprions:
Je ne pense pas que Windows soit mort. Microsoft tente de conquérir le monde des smartphone, peu performants, avec sont système d’exploitation qui profite pleinement de l’architecture x86. En voulant passez sur de l’ARM, on voit très bien que windows, n’est pas du tout adapté, (multitâche, mode protégé, accès aux périphériques …) tout est différent.
On ne verra jamais des machines nécessitant pas mal de calcul et de multi tâches en ARM, on peut le faire, mais avec des performances médiocres au finale comparé à du x86.
@uko: Idem.
Merci Pierre pour ces informations.
@Guss_: « On ne verra jamais des machines nécessitant pas mal de calcul et de multi tâches en ARM, on peut le faire, mais avec des performances médiocres au finale comparé à du x86. »
Ah oui ?! Médiocres !… C’est pour ça que des ARM vont être utilisés pour améliorer le Tianhe-2 ou que Fujitsu va l’utiliser pour faire de l’exascale ?!
https://www.silicon.fr/les-supercalculateurs-arm-jouent-les-gros-bras-150874.html?inf_by=5a409d22681db8760b8b497e
Croire que les ARM sont limité aux smartphones, c’est être bien loin de la réalité.
[…] si c’est la sécurité qui importe. Le pire dans ce scénario d’usage c’est que Windows 10 ARM devient plus capable avec son émulation 32 bits que Windows 10 S ! Une machine avec un processeur conçu pour exécuter les applications Windows 32 et 64 bits se […]
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