Qualcomm libère le codec aptX de ses royalties

Le format aptX est une solution de communication audio via Bluetooth qui permet de porter un format Haute définition, Qualcomm vient de le « libérer » pour Android.

Le format aptX est vieux, il a été développé dans les années 80 comme un algorithme permettant de faire circuler un signal audio. Il ne connaitra toutefois son essor qu’avec la démocratisation du format Bluetooth, il y a une petite dizaine d’années. 

Stephen Smyth, le vrai papa de l’aptX

Qualcomm l’a pris sous sont aile à partir de 2015 et l’a développé. A la fois commercialement en le protégeant sous des licences restrictives et techniquement en le faisant évoluer ou en créant des puces dédiées à son usage. En aout 2017, Google a intégré le format aptX dans le code d’Android 8.0. Et si la rumeur veut que ce soit une intégration complète et libre du format, ce n’est absolument pas le cas.

Jusqu’à très peu de temps, le code d’Android prenait en charge le format aptX mais n’ouvrait pas pour autant le droit à une libre exploitation de celui-ci. On ne connait aucun chiffre exact lié à son usage mais on estime que le cout de licence n’était pas donné avec plusieurs milliers de dollars à débourser pour une « certification1 » puis un montant estimé à 1$ par produit vendu. En clair, pour ajouter le codec aptX sur un smartphone il fallait débourser X milliers de dollars par version de l’objet (par SKU ou Stock Keeping Unit). Cela veut dire que si vous avez trois versions du même modèle de smartphone avec des puces radio différentes pour adresser trois zones géographiques et parfois même des variations de coloris, vous deviez multiplier cette certification par autant de modèles. Puis sur chaque vente, conserver un dollar pour Qualcomm. Et cela même si le format aptX était bien intégré au code source d’Android par défaut. On comprend ainsi mieux pourquoi l’aptX est réservé aux produits assez haut de gamme.

Un coût élevé donc pour les constructeurs. Mais en échange de quoi, le format propose alors un boulevard technique pour faire transiter de l’audio. Le débit porté par la solution est de 384 kbps, ce qui permet de faire circuler un fichier compressé à 320 kbps sans aucune compression entre l’émission et la réception. Un avantage de qualité donc mais également de latence. Puisque l’émission n’a pas besoin de compresser le son, ni la réception de le décompresser, le signal qui transite ne nécessite que peu de temps de traitement. Un temps qui peut provoquer une latence plus ou moins grande sur de nombreux codecs. Un détail qui n’est pas apprécié de nos jours. 

Tant que les smartphones ne servaient qu’a écouter de la musique, cette latence n’était pas un souci. Mais avec des appareils qui permettent aujourd’hui de regarder des films ou de jouer, proposer un décalage entre l’action à l’écran et le son dans vos oreilles n’est plus franchement apprécié. On passe d’un codec Bluetooth de base qui propose 300 ms de latence, à une solution aptX qui tombe à 120 ms. Mieux encore, Qualcomm a mis en place une évolution de son aptX avec une version optimisée basse latence qui tombe à 40 ms. Cet aptX Low Latency nécessite une chaîne complète à ce format, que ce soit au niveau de l’émission que de la réception, il ne fait pas appel aux même puces.

Qualcomm a ensuite lancé une version Haute Définition du aptX en 2009. Celui-ci profite d’une compression pour augmenter son débit jusqu’à 576 Kbps. Il est également intégré à Android mais totalement orienté pour un usage audio puisqu’il propose une latence assez forte de 200 ms. Ce codec est peu utilisé au final par d’autres outils que les lecteurs audio. Il est suffisamment souple pour s’adapter à différents scénarios et les applications pourront détecter si son usage est possible. Par exemple si votre casque est compatible mais aussi si cela a un intérêt de le prendre en compte. Mieux, le codec peut être adapté suivant les programmes. Android peut ainsi monter ou baisser le débit en jouant sur la compression. Afin de baisser la latence pour lire un film on diminuera le débit de données, pour un fichier uniquement audio on augmentera le débit puisque la latence importe peu.

D’autres modulations du produit ont été proposées au fil du temps comme l’aPTX Adaptative lancé en 2018. Une idée assez intéressante qui va moduler le débit pour mieux le porter. En clair, si votre casque est éloigné de votre smartphone, le débit va être réduit à la volée par la puce de Qualcomm afin de le transmettre correctement. L’idée de base de cette adaptation est qu’il vaut mieux porter un signal audible même si il est de moins bonne qualité plutôt que de le brouiller avec des artefacts désagréables ou le couper complètement. Ce format n’a pas vraiment rencontré de succès commercialement auprès du grand public, peu de constructeurs s’en sont emparés. Il doit être assez couteux d’emploi tant au niveau licence qu’au niveau déploiement en terme de puces. J’en ai surtout vu dans des appareils professionnels.

Dernier bébé de Qualcomm, l’aptX lossless. Une version poussant le débit de transmission à 1 mbps. De quoi répondre techniquement au LDAC de Sony qui culmine à 990 kbps. Ce format nécessite un système de licence complet et n’est intégré par défaut dans aucun système. Il n’est d’ailleurs pas listé dans les composants du groupement Bluetooth SIG qui gère les formats du système sans fil.

L’écosystème Snapdragon Sound de Qualcomm

La libération de l’aptX par Qualcomm

Aujourd’hui, on apprend que Qualcomm aurait libéré l’aptX, le premier du nom ainsi que l’aptX HD. Ces formats, déjà intégrés à Android depuis Android 8.0 pour le premier et Android 10 pour le second, vont donc pouvoir être exploités par les fabricants de smartphones librement, dans la licence Open Source d’Android. Et ce, sans avoir à payer cette fameuse certification ni aucune des royalties sur la vente de leurs produits. Cela change évidemment la donne et cela va permettre à des produits entrée et milieu de gamme de proposer ce format par défaut.

Ce choix de la marque de rendre ces formats plus ouverts est assez logique. Tout simplement parce que la concurrence est désormais au niveau des deux versions de base de l’aptX de Qualcomm. Entre le LHDC, le LDAC propriétaires et les plus accessibles formats SBC, AAC et LC3, l’offre Bluetooth de transmission de signal audio est pléthorique et bon nombre de constructeurs préfèrent préserver le prix de leurs appareils en choisissant ces solutions plutôt que de basculer vers un aptX plus couteux. Les formats plus performants, plus spécialisés de l’aptX comme le Lossless ou l’Adaptative ne sont pas concernés par cette libération car ils n’ont pas de concurrence ouverte. Le LDAC, par exemple, nécessite une certification et des royalties chez Sony, l’équivalent de l’offre aptX Lossless de qualcomm.

Avec moins de smartphones aptX parce que les frais de certification et de vente sont jugés trop couteux, le format risque de perdre en visibilité. Moins de smartphones aptX vendus cela suppose également moins de SoC capables de les prendre en charge vendus. Qualcomm, en libérant ces formules, veut conserver la popularité du codec ce qui poussera les acheteurs de smartphones à choisir des modèles aptX ainsi que des casques compatibles. Cela fera perdre un peu d’argent d’un côté à la marque mais augmentera donc les ventes de puces. Le calcul qui a été fait est assez clair. Libérer les codecs et augmenter les ventes de puces est plus rentable que perdre son ascendant technique sur le marché et le travail marketing effectué sur le format depuis des années.

Que conclure si ce n’est que cela reste une bonne nouvelle ?

Qualcomm propose d’excellentes puces audio en aptX mais également des formules « prêtes à l’emploi » de réduction de bruit actives. Des combinaisons qui permettent de construire des casques audio d’excellentes factures à des prix très abordables. J’ai, par exemple, un casque audio de la défunte marque Taotronics 2 qui propose une réduction de bruit active ANC et de l’aPTX gérés par une puce Qualcomm. Si cela ne vaut pas un casque audio type Sony XM3 (qui utilisait également de l’aptX) à cause des autres éléments importants d’un casque audio de qualité. L’objet proposait des fonctions tout à fait convenables et ne m’a couté que quelques dizaines d’euros (39.90€) et non pas des centaines comme un Sony XM4 ou 5 moderne. C’est le casque que j’emporte partout sans complexe et qui est toujours prêt à rendre service sans problème.

La libération de ces formules aptX et aptX HD va surement pousser plus de constructeurs de casques à proposer des solutions de ce type et, ma foi, cela fera surement du bien au marché. Parce que l’offre de produits milieu de gamme va augmenter en qualité ce qui fera moins de place pour les produits vraiment trop médiocres d’un côté et assagira peut être les prix des modèles haut de gamme de l’autre.

Merci à David pour l’info

Notes :

  1. Une manière de faire passer la pilule du paiement des  droits d’exploitation des codecs et autres systèmes embarqués dans les produits comme les smartphones est de les certifier. Cela consiste à constater que le smartphone sait bien utiliser le codec…
  2. Marque qui a joué avec le feu en trichant sur les notes et les étoiles sur Amazon.

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7 commentaires sur ce sujet.
  • 17 mars 2023 - 11 h 37 min

    La partie sur le fait qu’un truc compressé à 320 kbs passe sans changement, c’est une erreur.

    En Bluetooth A2DP, dans (presque) tous les cas, t’as une recompression dans le code de transmission. On a affirmé pendant longtemps qu’Apple le faisait pas et transmettait l’AAC directement, mais c’est pas le cas et c’est vérifiable facilement : si t’as les sons de l’interface dans le casque, c’est forcément recompressé. Même en aptX : ce qui sort passe dans l’encodeur aptX, avec des pertes. C’est pas les mêmes pertes que l’AAC ou le SBC vu le fonctionnement interne, mais il y a pertes.

    Le seul cas pratique où j’ai pu tester réellement une transmission directe, c’est quelques vieux casques Bluetooth qui accepte le MP3 en entrée (c’est dans la norme mais personne le gère en pratique depuis une dizaine d’années) avec de vieux pilotes. Les stack Bluetooth modernes supportent plus le MP3 depuis un bail, et même avec les cas précis qui le faisaient, t’avais des limites (genre 128 kb/s max).

    D’ailleurs, les 990 kb/s du LDAC, c’est la même poudre aux yeux : c’est inutilisable en pratique. Les rares smartphones compatibles démarrent à 660 et passent à 330 kb/s dès qu’on bouge. Pour vraiment transmettre à 990, faut un émetteur dédié, être pas trop loin du casque et dans un endroit sans perturbations (aka : ça arrive jamais).

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  • hle
    17 mars 2023 - 11 h 44 min

    >proposer un décalage entre l’action à l’écran et le son dans vos oreilles n’est plus franchement apprécié.

    Sur iOS, quant il détecte un casque sans fils: la vidéo est retardé pour quelle soit synchrone avec le son au final. Il font pas ça sur Android ?

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  • 17 mars 2023 - 12 h 11 min

    @Dandu: Ah ? J’étais persuadé que c’était la méthode employée. Tu as sans doute raison, si l’interface est prise en compte c’est forcément pas une gestion directe, ce serait trop compliqué a gérer sinon. J’ai jamais tilté.

    Pour les codecs en 900 kbps ou 1 mbps c’est le grand classique oui, comme tous les débits en général : les constructeurs affichent des résultats de laboratoire pas ceux de l’usage moyen.

    @hle: Cela dépend des applications.

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  • 17 mars 2023 - 12 h 53 min

    C’est ce qui est amusant avec les accros du smartphone.
    A une époque ils me disaient qu’il fallait de l’espace de stockage pour pouvoir écouter du flac ou des MP3 à 320kbps, ce sont aujourd’hui les mêmes qui utilisent des airpods.

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  • 18 mars 2023 - 15 h 04 min

    le xm3 etait deja compatible ldac mais oui l’aptx en fait partie.

    merci pour cette article :) .

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  • 20 mars 2023 - 9 h 35 min

    @hle:
    Si mais ça ne marche que pour les vidéos. Dans un jeu vidéo tu ne peux pas décaler l’image, puisque tu réagis aux contrôles de l’utilisateur. Tout ce qui est interactif avec une entrée de l’utilisateur souffre de la latence.

    Et +1 avec Dandu sur la recompression, je me suis fait la même réflexion en lisant l’article.

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  • 20 mars 2023 - 9 h 37 min

    @benoitb:
    Petite précision pour la fonction correction du décalage audio/vidéo en bluetooth sur mon Galaxy S20: ça marche très bien dans Youtube et dans le lecteur vidéo fourni par Samsung. Mais pas dans VLC.

    Et j’ai un casque Sennheiser BT un peu bizarre pour lequel en SBC ou AAC la correction de décalage fonctionne bien mais pas en aptX.

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