Un micro ordinateur à 3$ au format carte de visite ?

George Hilliard voulait une carte de visite originale ? Il a décidé d’en fabriquer une qui soit également un micro ordinateur. Un objet totalement exploitable et qui coûte moins de 3$ pièce. Un miracle ? Pas vraiment, plutôt une bonne leçon de design et d’ingénierie.

Le marché de la carte de visite est un véritable laboratoire de design et d’intelligence. Tout le monde se mesure dans un environnement connu et limité par des dimensions précises et un format particulier. Pour sortir du lot, il faut donc faire preuve d’une rare intelligence. Certains y arrivent par la typographie d’autres par des choix de matériaux et d’usinage précis. Georges Hilliard y est parvenu par un autre type de tour de passe-passe : l’électronique.

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Le souci de la carte de visite, c’est son format jugé aujourd’hui bien souvent obsolète de ce côté ci de la planète. On les prend plus par politesse qu’autre chose et je vous avoue sortir souvent de salons que je visite avec une bonne trentaine de cartes dont je ne sais pas quoi faire. La solution pour moi a été de les scanner avec une application prévue pour cela. Et après ? Après je m’en débarrasse. 

Et une fois au fin fond de mon smartphone, j’ai bien du mal à me souvenir de qui fait quoi, de qui m’a marqué ou non… C’est ce que Georges Hilliard a voulu éviter en proposant cette carte de visite si particulière.

Son projet était de proposer un véritable ordinateur sous Linux au format d’une carte de crédit. Un objet original qui aurait suffisamment d’impact et d’intérêt pour que personne ne le jette au bout de 5 minutes. Evidemment, ce format est ultra limité. Pas d’affichage ni de sortie vidéo, la carte se  connecte en USB sur un PC et se met en route une fois connectée. Le système ne prend qu’une poignée de secondes à démarrer et permet ensuite de se connecter à son interface pour lancer des applications spécifiques.

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Les SoC F1C100s sont visibles en haut à gauche. Les MicroSD vous donneront une idée de leur taille.

Georges Hilliard est ingénieur système, il conçoit spécifiquement des logiciels embarqués sous Linux. Proposer une carte de crédit pouvant faire tourner des développements ou des exemples de son travail est donc une excellente idée : elle montre une forme d’expertise. La carte, en plus des détails classiques imprimés dessus, embarque un SoC Allwinner F1C100s. Une solution ARM comprenant 32 Mo de mémoire vive qui est ici associée à 8 Mo de stockage flash. L’ensemble permet de faire tourner un noyau Linux 5.2. L’ensemble peut faire tourner du Python avec micropython, propose également des jeux avec 2048 et Rogue et évidemment un rappel du curriculum de George… Pour accéder à cette machine il faudra utiliser un terminal et de la ligne de commande. Ce n’est pas exactement la machine de monsieur et madame tout le monde mais cela montre bien les possibilités du produit.

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Chaque carte coûte moins de 3$ a fabriquer, le SoC à lui seul coûte 1.42$. C’est beaucoup évidemment pour une carte de visite mais il n’est pas nécessaire d’en donner une à n’importe qui. Hilliard le précise lui même « si vous en recevez une de ma part, c’est probablement parce que je cherche à vous impressionner ». Les clients potentiels du développeur recevront la carte, les autres auront sûrement droit à quelque chose de plus classique et de beaucoup moins cher. Le coût du développement particulier de cette idée étant largement compensé par le fait que la carte ait déjà fait le tour du monde en images. Reprise ici et ailleurs, elle a été propulsée dans tous les réseaux spécialisés comme un bon exemple d’ingénierie à suivre.

Ce genre de développement est devenu possible pour un particulier

Au delà de cet exemple de carte de visite, on constate qu’un particulier – même si c’est le métier de George Hilliard et que l’investissement nécessaire est compensé par la finalité professionnelle de la démarche –  peut désormais construire ce type de projet. 

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Son créateur nous donne d’ailleurs la recette au travers d’une page de son blog où il détaille ses recherches et ses dépenses. Les puces F1C100s à 1.42$, les PCB fabriqués par une société spécialisée à 0.80$, les 8Mo de mémoire flash à 0.17$ et les quelques autres composants à 0.49$ soit un total de 2.88$ pièce. Evidemment il ne faut pas  compter les heures de conception et de code, le four à refusion spécial qui sert à souder les composants sur la carte de visite ni le laser qui va graver le stencil nécessaire à la pose de la soudure aux points précis nécessaires à la bonne tenue de l’ensemble.

Tout cela est un ensemble de compétences important que Hillard montre avoir acquis et maitrisé. Mieux, il en donne la recette pour que chacun puisse en profiter. Si le résultat n’est pas au niveau des productions industrielles, il est très impressionnant pour un travail « amateur ».

Plus que de retenir qu’un ingénieur a réussi ce type de tour de force technique, il me semble que ce qu’il faut retenir de cette aventure, c’est bien la possibilité qu’ont des particuliers, aujourd’hui, de réaliser ce type d’outil. Les investissements nécessaires ne sont pas hors de portée. Le fait de pouvoir compter sur des sociétés externes pour réaliser des PCB à très bas coût aide beaucoup mais il est possible de les réaliser soit même également. Un four à refusion coûte moins de 200€, beaucoup des logiciels sont Open-Source et totalement gratuits… 

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La seule limite est dans l’apprentissage de ces outils. Le code, l’électronique, les composants nécessaires. On croise désormais très souvent des projets de particuliers de ce type. Le travail de Philippe Cadic sur Snap-On-Air est un autre exemple de ce qu’il est possible de réaliser tout seul dans son garage. Alors certes, il n’y aura plus de Steve Wozniak capable de « pondre » un micro-ordinateur quasiment tout seul dans son coin et qui soit capable de rivaliser avec les productions professionnelles actuelles. Une aventure comme le Raspberry Pi a surpris tout le monde mais elle n’a aucun rapport de performances avec les solutions développées par les armées d’ingénieurs d’AMD, d’ARM, d’Intel ou de Nvidia par exemple. Cela dit, il est désormais tout à fait possible de concevoir des projets électroniques quasiment de A à Z sans avoir à débourser des fortunes.

Si il y a une bonne raison pour laquelle on doit s’intéresser et intéresser les plus jeunes au code et à ce type d’outils, c’est bien pour cela. Leur donner les moyens pour prendre en main des solutions électroniques qui apparaissent comme très complexes. Le travail de George Hilliard a fait le tour du monde en cette fin 2019. Je suppose que ce sera beaucoup moins spectaculaire dans quelques années si tout le monde considère ces éléments pour ce qu’ils sont : des outils comme les autres.

Fabriquer sa domotique, inventer ses propres outils électroniques, imaginer des choses qui n’existent pas ou qui n’existent plus… Les partager, les faire évoluer. Cela pourrait être un jour une tâche comme une autre. 


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24 commentaires sur ce sujet.
  • 30 décembre 2019 - 16 h 39 min

    Certe chapeau, maintenant par les temps qui courent, écologie toussa, est-ce bien nécessaire ?
    Quand je vois le nombre de cartes de visites qui partent à la poubelle car elles ne servent quasiment jamais …

    Répondre
  • 30 décembre 2019 - 16 h 47 min

    @Franck: Et bien justement.

    Plutôt qu’une carte qui partira à la poubelle imprimée en centaines d’exemplaires. quelques cartes qui n’iront pas à la poubelle en quelques dizaines, c’est mieux non ?

    Répondre
  • 30 décembre 2019 - 17 h 14 min

    Pierre, je n’arrive pas à comprendre la comparaison entre la Raspberry et AMD, Intel, ARM et NVIDIA. Est ce que tu pourrais développer un petit peu s’il te plaît, tu parles de performances mais de performances de quoi exactement ? Merci d’avance !

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  • 30 décembre 2019 - 18 h 06 min

    @Maurice: Raspberry Pi a été développé par une petite équipe sans grands moyens. Le projet est sans aucune comparaison avec ce qui est nécessaire à la production d’une puce ARM, Intel, Nvidia ou AMD moderne. Des solutions proposant des milliards de transistors et des moyens de développement comme de production qui ne sont pas à la portée d’un particulier ou même d’une petite structure. Je ne compare pas les performances entre les puces, ce serait ridicule. Mais simplement à l’engagement en ressources nécessaire à leur production.

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  • 30 décembre 2019 - 21 h 08 min

    Ma carte de visite, par un astucieux pliage, se déplie en marque-page.

    Et je l’offre accompagnée d’un roman acheté 50 Cts chez Gibert & consorts.

    C’est recyclable et low-tech tout en marquant les esprits !

    Bonne année à tous et toutes ! :-)

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  • 30 décembre 2019 - 22 h 05 min

    @Pierre : merci.

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  • 30 décembre 2019 - 23 h 42 min

    …il semblerait qu’il y ai eu un bogue…

    Le premier ARM a été fait seulement par 2 ingenieurs… et a fonctione du 1er coup, presque un miracle. Mais ça c’était avant, maintenant c’est plutôt de l’ordre de 3000 personnes chez ARM.

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  • 31 décembre 2019 - 4 h 43 min

    Il y en a certains ici qui semblent n’avoir rien compris à la thématique de l’article…

    Répondre
  • FQ
    31 décembre 2019 - 8 h 00 min

    Je suis toujours scotché de voir des projets particuliers arriver à un tel aboutissement.
    Bien sûr on peut tous faire telle ou telle partie facilement, mais le faire dans sa globalité nécessite vraiment du temps, surtout pour arriver à une telle intégration.

    Moi, je dis chapeau.

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  • 31 décembre 2019 - 8 h 02 min

    Je l’avoue mais je n’insiste pas pour éviter d’être trop lourd.
    Je comprends pas pourquoi il y a ARM qui fait le design avec Intel qui fait le design et la gravure avec AMD qui fait le design et qui fait graver, avec une fondation Raspberry qui utilise un Broadcom et qui a des millions de collaborateurs et des millions de ventes. Une différence de moyens. De moyens financiers ? Et qu’est-ce qu’il y a de nouveau à produire sa propre domotique avec par exemple de l’esp32 plutôt que de mettre sa maison et ses données dans les mains de Google, d’Amazon ou de Xiaomi ? Voilà, je ne comprends pas bien mais c’est pas grave, une nouvelle année arrive et j’ai fait la résolution d’essayer de comprendre plus.

    Répondre
  • 31 décembre 2019 - 10 h 35 min

    Pour moi, la plus extraordinaire carte de visite est une carte origamique 2 faces,
    mais qui permet de montrer beaucoup d’autres faces, tout en restant rectangle !
    Je viens de chercher un exemple sur Internet pour Vous la montrer,
    mais elle est assez difficile à retrouver…

    Répondre
  • 31 décembre 2019 - 11 h 08 min

    Le même Allwinner qu’il y a dans la Pocketgo première du nom, pas la folie.
    Ok je m’éloigne du sujet….

    Répondre
  • 31 décembre 2019 - 11 h 19 min

    J’adore ce genre de projet, d’une part, pour le gars qui va au bout de son idée, d’autre part, comme Pierre le fait remarquer, c’est la faisabilité par « tous »!
    Tous comme le bricolage du bois s’est démocratisé il y a une vingtaine d’années, avec des machine polyvalentes a porté de toutes les bourses (c’est fou ce que l’on peut faire avec une défonceuse a 200€ ;)) et tant d’autres hobby, il en est quasiment de mème aujourd’hui avec l’électronique numérique avec des outils plus qu’abordables.
    Sans compter la disponibilité des informations sur le net et l’accès aux composants facilité…

    Répondre
  • 31 décembre 2019 - 17 h 28 min

    Moi je dois être old school… J’aime bien mon petit organiser de carte de visite !
    Mais pour y rentrer il faut montrer patte blanche, car après vous êtes sûr d’être rappelé !

    C’est plutôt un annuaire pour moi

    Répondre
  • 31 décembre 2019 - 22 h 05 min

    @Pierre : Merci pour le partage :)
    La comparaison avec le RPi est parfaitement valide : une (ou quelques) personne(s) peuvent désormais concevoir et assembler des objets complexes à partir de composants peu coûteux si (1) elles ont passées le temps nécessaires à acquérir les compétences et (2) leur objectif est clair (ici, se faire connaitre professionellement, pour le RPi offrir aux enfants un « PC » peu coûteux pour apprendre la prog).
    Il y a 15-20 ans cela aurait été très difficile car les composants standards et les outils étaient hors de prix .

    Répondre
  • 2 janvier 2020 - 8 h 24 min

    @Pierre Lecourt:
    lol… pardon mais sérieux, qui utiliserais ca??
    Sachant qu’il faut connecter la carte à un pc, a par quelques curieux qui testerons 2 minutes et ne feront rien avec..Excuse moi mais bon, le commentaire précédent est tout a fais judicieux!
    De l’électronique pour un usage limité (voir unique)=très forte pollution!!
    A bon entendeur!

    Répondre
  • 2 janvier 2020 - 10 h 37 min

    @nisya: Qui va utiliser ça ? Bonne question. Peut être les rares chanceux qui vont en recevoir une, c’est à dire des clients potentiels qui pourront comprendre le travail du créateur de la carte et qui verront ici son ingéniosité ? Parce que les cartes de visite en général personne ne les « utilise » vraiment non ?

    Je suppose, encore une fois, qu’entre le gars qui imprime 500 cartes de visite par mois et qui les distribue à tout va et lui qui en imprime 10 de cette manière et qui les donne spécifiquement à des gens potentiellement apte a comprendre l’intérêt de son travail, il y a une certaine balance entre les différentes pollutions ?

    Répondre
  • 3 janvier 2020 - 1 h 07 min

    Le format me rappelle sur la chaîne youtube de Stéphane Marty une calculatrice Casio solaire au format carte de crédit : j’étais étonné de voir un tel objet issu des années 83 ! On faisait déjà des minimachines, et écolo en plus !

    Répondre
  • 3 janvier 2020 - 9 h 44 min

    @prog-amateur:
    Il n’y a rien d’étonnant : nos grands-mères étaient bien plus écolos que nous. Ainsi que les méthodes d’agricultures traditionnelles (cf. le film demain, https://www.demain-lefilm.com/). Je déborde du sujet mais vu que l’on parle d’écologie …

    Répondre
  • 6 janvier 2020 - 21 h 09 min

    L’idée est très originale, chapeau bas.
    Mais après, pour le côté « soudainement à porté de tous », ça n’a rien de très nouveaux.
    De tout temps (enfin, depuis les début de l’électronique, hein), les passionnées autodidactes ont toujours eut la possibilité de réaliser leur propres cartes électroniques, autour de microcontrôleur ARM, PIC ou autres.
    Il existe des logiciel de CAO électronique et de routages open source ou freeware depuis au moins les années 90. Des boîtes (ou des particulier bien équipé), proposent de graver et découper les PCB en toute petite quantité, voir à l’unité. Et sinon, les kit de gravure et d’insolation ne coûtes pas très chère (moi-même j’en avais un étant jeune).
    Contrairement au gros proc x86, les doc des microcontrôleurs se trouvent facilement, et ils ne nécessitent pas beaucoup de composant annexes pour les mettres en oeuvre.
    Le multi-couche et les CMS était un peu moins à la porté des particuliers dans les années 2000, mais comme pour les machines d’impression 3D et les tables de fraisage CNC, les prix baissent d’années en années, mettant ces techno à porté de tous et c’est très bien.

    Répondre
  • 7 janvier 2020 - 21 h 36 min
  • 8 janvier 2020 - 11 h 09 min
  • 8 janvier 2020 - 11 h 45 min

    @TiTi: Qui a parlé de soudaineté ? Vous vous focalisez sur une mauvaise lecture du billet. Personne n’a dit que c’était le premier ou que c’était impossible avant…

    Juste qu’aujourd’hui un particulier peut faire faire, sans investir des sommes folles, des PCB de ce type pour une bouchée de pain.

    Il n’est plus nécessaire que d’avoir accès à un ordinateur, un logiciel gratuit de conception de circuit et un accès au net pour y parvenir.

    Répondre
  • 16 janvier 2020 - 15 h 28 min

    Bonjour, quelques remarques comme la grêle après la vendange:

    – Steve Wozniak n’a pas conçu le processeur de l’Apple. À l’époque non plus un particulier n’avait pas les moyens des fabriquants de semiconducteurs, et le 6502 n’était pas puissant, l’état de l’art ni comparable aux processeurs des mainframes. Je ne comprends pas non plus la comparaison d’un produit fini, utilisant des composants adaptés sa vocation (micro-ordinateur en kit pour l’Apple, carte de développement bon marché pour la RaspberryPi), avec les composants développés par AMD ARM Intel ou Nvidia.

    – pour l’aspect écolo il faut tenir compte de l’énergie grise (celle dépensée pour extraire/transporter/transformer les matières première et composants, leur recyclage) et la pollution engendrée par leur destruction.
    La proportion quelques dizaines électroniques pas pire que quelques centaines papiers me semble très optimiste.

    Ce qui est à imiter, et n’apparaît pas dans la recette aimablement fournie, c’est l’usage sélectif que vous soulignez: c’est un support pour transmettre un contenu/une démonstration à quelques privilégiés, en précisant que ce n’est pas une carte jetable mais recyclable comme tout produit électronique.

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