Pas de marque, pas de soutien connu derrière cette création ex-nihilo. Le Falco Prime A2 est une machine vraiment étrange et tout m’appelle à vous signaler de ne pas investir dedans.
Je suis toujours méfiant quand je vous parle de projets participatifs, car cette méthode est facile pour lever des fonds mais vraiment semée d’embûches pour les personnes qui vont financer un projet. Ici le Falco Prime A2 réveille mes inquiétudes à cause de plusieurs éléments. Non pas qu’ils soient forcément incohérents mais leur accumulation me pose problème.
D’abord et avant tout, l’objet lui même a du mal à se justifier techniquement parlant. Le Falco Prime A2 est un MiniPC cubique de 20 cm de côté qui ressemble à une sorte de caisson de basse posé sur des pieds anti-dérapant. A l’intérieur, on retrouve une base de carte mère AMD qui pilote un circuit mobile Dragon Range Ryzen 9 7940HX, une puce 16 cœurs Zen 4 et 32 Threads sortie en début d’année 2024 et qui fonctionne avec un TDP de 55 watts de base. Une puce particulière puisque son circuit graphique est clairement plus faible que les autres solutions de la marque. Un Radeon 610M avec 2 cœurs graphiques seulement. L’idée derrière cette solution est de mettre le paquet sur la partie calcul et d’associer ce processeur à un circuit graphique externe.
C’est ce qui est fait ici puisque le Falco Prime est livré au choix avec une intégration de GeForce RTX 4060M ou une RTX 4070M. La mémoire vive évoluera de 32 à 64 Go de DDR5-5200 (le maximum supporté par la puce AMD) sur deux modules SODIMM et le stockage de 1 à 2 To de SSD M.2 2280 NVMe PCIe 4.0. Un second stockage NVMe PCIe 5.0 M.2 2280 libre sera disponible sur la carte mère.
Mais ce n’est pas tout, là où le MiniPC se distingue vraiment des autres c’est dans les petits « à-côtés » qu’il propose. On retrouve ainsi un module avant de baies de stockage au format M.2 NVMe qui propose pas moins de 8 emplacements. De petits « caddies » permettront de positionner les SSD aux formats M.2 2230 à 2280 les uns à côté des autres pour profiter d’un stockage impressionnant avec une gestion RAID 0, 1 ou 10. Soit les modes RAID supportés par la puce d’AMD nativement.
On ne va pas s’arrêter là ont du se dire les personnes qui sont en charge de cette machine et ils ont rajouté en plus un module Wi-Fi7 et Bluetooth sur un port M.2 2230 pour la partie réseau sans fil. De son côté la partie Ethernet est tout aussi impressionnante avec deux ports Gigabit classiques et deux ports 10 Gigabit en prime.
On retrouve également une connectique classique avec deux ports USB 3.2 Type-A et Type-C en façade, un USB 3.2 Type-A au dos de l’engin, pas moins de quatre ports USB4, deux lecteurs de cartes MicroSDXC et SDXC, une sortie HDMI, un DisplayPort et enfin un jack audio combo 3.5 mm. La connectique de façade n’est pas directement accessible, il faut retirer une protection avant pour pouvoir brancher une simple clé USB ou insérer une carte SDXC.
Le tout est proposé à 799$ en version Ryzen 7940HX avec une RTX 4060M, 32 Go de mémoire et 1 To de stockage en financement participatif et 1299$ une fois « commercialisé ». Le modèle plus haut de gamme est équipé du même processeur mais bascule en RTX 4070M avec 64 Go de DDR5 et 2 To de SSD pour 999$ sous Kickstarter et 1599$ une fois dans le commerce. Ces prix sont HT mais cela revient à quelque chose comme 900€ avec 20% de TVA pour le premier modèle et 1135€ pour le second.
Qu’est-ce qui cloche dans le Falco Prime A2 ?
D’abord le tarif. 799$ pour le modèle « entrée de gamme », c’est fort peu. Entre les composants de base, le circuit Nvidia, la baie de stockage, les ports Ethernet et autres subtilités. Il me semble très difficile de construire cet objet pour si peu. Le modèle à 999$ parait plus cohérent mais le circuit graphique reste onéreux et très compliqué à obtenir pour un nouvel acteur sur ce marché. Les marques « connues » de MiniPC me disent souvent combien il reste complexe pour elles de mettre la main sur assez de pièces pour construire leurs machines.
Et cela nous amène à la seconde question autour de ces engins. La campagne Kickstarter présente en tout et pour tout 150 machines seulement. 150 MiniPC Falco Prime A2 sont mis en vente en financement participatif. 20 machines en version RTX 4060M, 130 en version 4070M. C’est… fort peu. 150 machines avec des marges au mieux extrêmement serrées au vu des composants, ce n’est tout simplement pas rentable pour personne. Entre l’assemblage de si peu de pièces, la gestion et la Recherche et Développement du projet, il n’y a pas de quoi payer les composants, leur assemblage et la fabrication des cartes mères sans parler de payer les frais de gestion Kickstarter et tout le reste. Je ne parle pas des frais de fabrication, des moules et autres qui nécessitent des investissements importants et qui ne seront jamais rentabilisés avec 150 pièces.
je ne m’attarde pas sur le ridicule de la comparaison avec un Mac M4…
Si on considère cette campagne de financement participatif comme un moyen pratique de se faire de la publicité pour ensuite vendre des engins plus rentables parce que plus chers, pourquoi pas. Mais là se pose une seconde question : avec quels canaux de distribution ? Qui va vendre ce Falco Prime A2 et avec quelle marge ?
L’équipe en place pourrait le proposer en direct via une plateforme de distribution mais il ne s’agit pas ici d’un MiniPC classique abordable et sans grosse complexité technique. Personne ne va commander un engin commercialisé à 1599$ (1820€ avec 20% de TVA) sans un soutien un peu plus local. Sans une grosse équipe de développement derrière prête à assurer la correction de bugs, l’optimisation d’un BIOS et de pilotes. La complexité de ce MiniPC particulier est vraiment importante et le risque à prendre en le commandant à distance sans un support plus dense et local est difficile à accepter.
Que nous montre la campagne du Falco Prime A2 ?
Rien, enfin si, un boitier vide en photo et des images issues d’un catalogue libre de droits. Il est difficile de voir la ligne directrice du projet avec une solution qui serait à la fois experte en stockage, en jeu, en usage classique et également en réseau. Mais à la rigueur pourquoi pas, il y a probablement des gens à qui ce tout-en-un peut convenir. Mais qu’en est t-il réellement du produit ?
Mis à part une vidéo très peu informative, sans son qui montre quelqu’un assis devant un écran et qui lance un bench de stockage, rien. On connait la technique de l’écran posé à côté du PC. Atari nous l’a faite pour la démo de sa console VCS. Rien ne nous dit que cet écran est connecté au MiniPC. Et même si c’est le cas, cela ne veut pas dire que ce prototype est autre chose qu’un assemblage unique et artisanal. Le reste des vidéos sont des captures d’écran qui peuvent être issues de n’importe quelles solutions commerciales ou bricolées.
Si on regarde d’un peu plus près l’équipe en charge du développement, le MiniPC ne repose que sur les épaules d’une toute petite équipe. Le créateur du projet, la personne en charge de l’électronique, un type pour la partie mécanique et le design et quatre personnes en charge respectivement du marketing, du développement commercial et de la communication. Cela fait un MiniPC extrêmement complexe à concevoir et à réaliser aux mains de deux personnes. Alors je veux bien qu’il y ait des génies capables de faire des choses affolantes comme ceux que je vous montre régulièrement dans des projets Do It Yourself. Mais concevoir une carte mère avec autant de fonctionnalités, piloter les différents éléments en jeu et ajouter à cela la partie mécanique du système de SSD sur caddies à deux personnes, cela me parait extrêmement hasardeux. Pour ne pas dire impossible.
Le développement de MiniPC beaucoup moins complexes se font par équipes d’ingénieurs expérimentés et ayant pas mal de support dans leur domaine. Chacun faisant sa part sous la direction d’un chef d’équipe. Cela permet de construire des choses assez rapidement et en se basant énormément sur les designs de référence des concepteurs de processeurs. Ici le nombre de points qui sont hors du cadre de ce que documente AMD sont nombreux : la gestion des quatre ports Ethernet dont deux en 10 Gigabit par exemple. La gestion des 8 SSD M.2 NVMe également. Tout cela est d’une complexité démentielle pour une équipe de deux.
Et surtout, encore une fois, tout cela n’a aucune possibilité d’être rentable avec 150 machines vendues seulement. Même en imaginant 50% de marge sur les machines (ce qui est totalement délirant et ne prend pas en compte les frais de gestion de la campagne ni aucune espèce de réalité de prix du marché.), cela ne fait que 73 000$ de chiffre d’affaire au final. Pas de quoi assumer la gestion d’un tel projet à 7 personnes.
Mais pour finir, ce qui m’interpelle le plus avec ce projet, c’est sa simple faisabilité technique. Toute personne ayant déjà essayé de fabriquer quelque chose de ce type sait à quel point cela est complexe. Un simple appareillage comme cette baie de caddies à l’avant du boitier est d’une difficulté incroyable à mettre en place. Alors fabriquer tout un PC autour, faire tenir le tout dans un cube de 20 cm de côté et y ajouter tout ce qui est promis me parait très très délicat.
Et d’ailleurs, si on additionne les lignes PCIe disponibles sur la puce AMD Ryzen 9 7940HX et celles nécessaires à la machine, on se rend compte d’un petit problème. Le Ryzen gère en tout 28 lignes PCie qui servent à piloter différents éléments du PC. A elle seule la solution graphique RTX 4070M est censée occuper 16 lignes PCIe pour exploiter toutes ses capacités. Il ne reste alors plus que 12 lignes PCIe libre. Les SSD intégrés à la carte mère sont indiqués comme occupant à minima 8 lignes en tout. Cela ne fait donc plus que 4 lignes disponibles… Et il faut ajouter à cela 8 SSD M.2 NVMe, de l’USB4, un Wi-Fi7, des ports Ethernet Gigabit et 10 Gigabit ? Par quel miracle tout cela fonctionne t-il ? En dégradant les performances de tous les composants au minimum pour tout faire tenir ? Tout cela ne tient pas debout.
Vous l’aurez compris, pour moi ce Falco Prime A2 me parait fort bancal. Autant techniquement que commercialement parlant. Le recours à un financement participatif « tout ou rien » comme le propose Kickstarter n’est pas non plus très rassurant puisque si la plateforme assure que l’engin ne sera financé que si un certain plafond est atteint, ce n’est pas vraiment un gros défi. La somme à recueillir pour ce plafond n’est que de 4739€. Autrement dit, pas grand chose avec des engins à 799$ pièce minimum.
Je peux me tromper mais mes sens d’araignée sont en alerte maximale. J’ai tenté de rechercher des infos sur les différents noms des protagonistes de cette histoire sans ne trouver aucun retour lié à du développement informatique. L’équipe a recruté tout ce qui existe en terme de solutions de promotion de sa page. Des « collaborateurs » spécialisés dans le buzz maximal de ce type de campagne. Pas moins de 11 équipes qui doivent également demander leur part du gâteau et qui diminuent d’autant les rentrées d’argent sur les 150 machines annoncées. Un gros effort de marketing d’un côté et le service minimum côté conception. Une balance assez étrange pour un produit aussi complexe.
Derrière la page Kisckstarter, il n’y a pas de site, pas de marque, pas même une page Facebook. Rien d’autre qu’une liste de noms assez génériques et une chaine Youtube « @readygrip » au nom de Winnie Wong avec 2 abonnés.
De là à dire que cette campagne est un scam, il y a un pas que je ne vais pas franchir. Mais je vous décourage vraiment d’investir dedans. Il y a beaucoup trop de risques ici pour dormir tranquille. Le principal étant que comme toutes les campagnes de financement participatif, la date annoncée de livraison pour mars 2025 pouvant être repoussée encore et encore avant que les livraisons soient finalement annulées et votre argent englouti. Comme d’habitude, ne perdez pas de vue que vous n’êtes pas client de cette société en passant par Kickstarter. Vous êtes un investisseur. Et qui dit investissement dit risques sans aucune garantie légale de revoir votre argent.
Source : Kickstarter
Merci à Michel pour l’info.
2,5€ par mois | 5€ par mois | 10€ par mois | Le montant de votre choix |
Apparemment c’est pas leur coup d’essai : https://www.kickstarter.com/projects/readygrip/falco-prime-a2-next-level-mini-pc-for-the-modern-era
La précédente campagne a été annulée pour soit disant « make some improvements. We updated the pricing of the rewards and also updated the configuration and reorganized the rewards so the add-ons are not confusing. »
Avec dans la foulée déplacement du siège de Hong Kong to Arizona AZ et remplacement du créateur de la campagne de Jennifer Pineda pour Elisabeth Megan Shin……
Un vieux sage aurait pu dire : Fuyez pauvres fous
@Dorango: Le créateur de campagne est la personne qui met les éléments en forme sur KS, pas la responsable du projet. C’est un élément a prendre en compte.
Pierre, tu cites le caisson de basse comme inspiration du design, moi j’y vois aussi beaucoup de la machine à laver à hublot… ;-)
La mariée est trop belle dit on.
Cela dit, si derrière il y avait la certitude d’un truc qui tienne la route, l’idée est plutôt pas mal: propser des usages variés avec une bonne base matérielle.
Là, on ne sait pas comment on gère 8 DD NVMe par exemple.
Effectivement, les lignes Pcie sont en nombre limité et gare aux promesses trompeuses tant sur les capacités rėelles du matériel et celle de l’équipe aux commandes.
@eeegr: Il y a de ça aussi, d’autant que cela peut permettre de blanchir… de l’argent.
Et puis comme tu le fais remarquer, on ne voit pas l’intérieur de la bête. Pas même un plan, ou le classique schéma qui montre le flux d’air avec à côté un nom marketing façon « extra premium next-generation air flow ©®™ ». Juste rien. C’est quand même un très, mais alors très mauvais signe 😁
C’est quoi l’intérêt d’avoir 8 ports NVME dans une machine gaming à part faire péter des scores sur des benchmarks disques ?
Leur rack amovible pour M.2 ressemble au leader du secteur Icy Dock Adaptateur.
Carte Adaptateur avec Rack Amovible MB840M2P-B
https://www.amazon.fr/dp/B089VR1CJGa 87€ (sans SSD), je voit mal en mettre 8 dans un PC au prix indiqué !
Pour les 8 slot M2 , cela existe mais c’est très onéreux :
https://www.ldlc.com/fiche/PB00571253.html
Après vient également la carte mère ou contrôleur qui accepte ce type de rack…..
Cela ne rentre pas dans le prix effectivement !
ICY DOCK ToughArmor MB872MP-B
Rack Amovible métallique pour 12 SSD M.2 SATA dans un baie externe de 5.25″
https://shop.hardware.fr/fiche/AR202104270070.html
pour 500€
Quand le chiffre d’affaire se transforme en bénéfice, cela dégage de belles marges
@popol: Oui mais cela fait pleurer les investisseurs dans les chaumières…
Effectivement ça laisse un peu perplexe comme projet…
Pierre connais-tu des alternatives crédibles miniPC + GPU Nvidia, quitte a perdre en compacité par rapport à un miniPC. Je cherche quelque chose dans ce genre principalement pour du traitement photo, j’ai fait des tests avec un miniPC récent Ryzen + 780M et c’est un peu court. Et les montages miniPC + eGPU ne m’ont pas l’air très compacts/pratiques finalement.
J’ai vu que minisforum a un 790s7 en train de sortir, as-tu des infos dessus? Le format serait peut être un bon compromis.