Qualcomm et le rachat par Broadcom, merci mais non merci

L’offre impromptue de Broadcom concernant le rachat de Qualcomm se concrétise. Le montant indiqué est astronomique, pas moins de 130 milliards de billets vert pour racheter les actions de l’entreprise.

Mise à jour : Qualcomm vient de dire non merci à l’offre de rachat d’actions par Broadcom. La direction de Qualcomm a rejeté l’offre de rachat non sollicitée par Broadcom de la semaine dernière.

« La direction a unanimement conclut que la proposition de Broadcom a sous évalué de manière significative la valeur de Qualcomm compte tenu de la position de leader de la marque dans la technologie mobile et le futur de nos perspectives de croissance » a indiqué Paul Jacobs, le directeur exécutif de Qualcomm.

« Après un examen complet de l’offre, conduite en consultant nos experts financiers et juristes, la direction a conclu  que la proposition dévalue dramatiquement Qualcomm et pose d’énormes incertitudes juridiques faces aux législations de régulations. Nous sommes certains que la stratégie de la direction produire de meilleurs résultats que la proposition faite par Broadcom » déclare Tom Horton, PDG de Qualcomm Incorporated.

Fin du fantasme, il ne fallait donc pas s’affoler et encore une fois l’utilisation dui conditionnel était la bienvenue pour parler de cette annonce. Il y avait bien une offre dans les tuyaux chez Broadcom mais le fait de proposer ne signifie pas imposer, surtout à ce niveau de transaction.

Billet d’origine : L’offre est incongrue, on ne s’y attendait pas vraiment, mais elle a du sens. Hier, au travers d’une fuite de Bloomberg qui s’est taillé au passage un superbe scoop, on apprenait la volonté du géant des puces réseau de s’offrir le géant des puces mobiles. Plus tard dans la journée, les suppositions se sont avérées exactes et ainsi commence ce qui pourrait être le plus impressionnant rachat de l’histoire des semi-conducteurs.

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L’offre n’est pas hostile mais elle n’était pas au calendrier des deux marques. Broadcom se dit sans doute que c’est le moment ou jamais pour acquérir un Qualcomm dont l’ampleur est déjà assez énorme pour initier un mouvement de rachat d’une ampleur de ce type.

Broadcom achète en lot, veut bien s’offrir Qualcomm et sa future acquisition NXP même si elle n’est pas encore totalement validée1. Elle veut bien également se séparer de cette entité si cela devenait un élément bloquant le rachat. Bref, Broadcom veut vraiment acquérir Qualcomm, est prêt à s’endetter énormément pour y parvenir et à faire de gros sacrifices. On sent une sorte de fièvre et d’entêtement. Le deal se fera quoi qu’il en coûte à Broadcom.

L’actuel PDG de Broadcom, Hock Tan, indique que « ce rachat entrepris au nom de la complémentarité des activités [des deux sociétés] permettra [à Broadcom] de devenir le leader mondial des communications avec un impressionnant portefeuille de technologies et de produits ».

Les éléments techniques ne sont pas très intéressants mais montrent l’ampleur du pas franchi par Broadcom : L’acquisition de Qualcomm coûterait en tout 130 milliards de dollars et prendrait en charge la propre dette de la marque. Cela porte le montant du rachat d’action Qualcomm à 70 dollars pièce. Un bonus de 30% par rapport à son cours actuel. Un montant que Broadcom ne possède pas en cash mais qui se comptabiliserait en dette et qui serait financé par un trust d’investissement : Silver Lake Partners spécialisé dans les investissements de ce type.

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Si la volonté de Broadcom semble sans faille, la réalité du marché ne sera pas aussi rose.

Il faut d’abord que Qualcomm accepte cette offre, elle n’est pas hostile mais il faut que le conseil d’administration de la marque l’étudie pour prendre une décision : Pour le moment, Qualcomm l’étudie en précisant chercher à défendre au mieux les intérêts de ses actionnaires. D’un point de vue purement pragmatique, ces derniers pourraient effectivement y gagner à court et moyen terme avec un gros bonus sur leurs actions mais également avec la possibilité d’investir dans un nouvel acteur à la valeur impressionnante. Le chiffre d’affaires combiné des deux entités, en intégrant le rachat de NXP par Qualcomm, culminerait à 51 milliards de dollars. Un montant vraiment pas négligeable sur le secteur.

Si personne n’a vu le coup venir, c’est peut être parce qu’il tient plus du fantasme de la part de Broadcom que de la réalité. En fait, il semblerait que la réalité soit plutôt inversée. Que Qualcomm pourrait racheter Broadcom et non pas l’inverse. Si Broadcom pèse 111 milliards de dollars en bourse, Qualcomm n’est pas très loin avec 91 milliards de son côté. Surtout, si les deux firmes proposent de belles croissances, Qualcomm est, semble-t-il, plus vigoureux que Broadcom : Avec un Chiffre d’Affaires de 15,4 milliards de dollars, la marque de puces mobiles dispose de 4,5% de parts de marché de son secteur. Broadcom enregistre un chiffre d’affaire de 13,2 milliards de dollars pour 3,8% de parts de marché.

Autre point intéressant, la force technologique des deux entités. Qualcomm serait à la tête de plus de 70 000 brevets contre plus de 20 000 seulement pour Broadcom. Ces brevets sont des machines à cash pour les deux entités, leur commercialisation, les redevances qu’ils imposent permettent de dégager de juteux bénéfices. Et on se dit au regard de ces portefeuilles que Qualcomm dispose d’un plus fort potentiel que son ogre. Ces brevets sont également complémentaires et les additionner en ferait un énorme portefeuille quasiment incontournable sur le secteur. Ce qui ne serait pas forcément une très bonne nouvelle pour la nouvelle structure. Actuellement, Qualcomm se bat déjà avec plusieurs organismes régulateurs en Asie et en Europe pour éviter d’être très lourdement taxé sur ses bénéfices pour abus de position dominante. Devenir encore plus riche en brevets pourrait mettre des bâtons dans les roues à la nouvelle structure.

Broadcom s’est donné un objectif rapide pour un rachat de cette ampleur, une petite année pour clore le dossier et faire main basse sur le géant de la 4G. L’hypothèse d’un calendrier si court est presque un vœu pieu de la part de la marque. Une annonce probablement stratégique destinée à caresser les porteurs d’actions dans le sens du poil… difficile de croire qu’avec les antécédents des deux sociétés et leurs dossiers en cours, l’offre de rachat sera aussi rapide.

Une constatation cependant, la grande quête de la pierre philosophale a enfin abouti, au vu des montants astronomiques engagés pour cette acquisition, on ne peut que vérifier que le silicium a bien le pouvoir de se transformer en or, ou en billets verts…

Notes :

  1. Le rachat de NXP par Qualcomm a été lancé en Octobre 2016 mais pour le moment n’a pas été finalisée. Dernièrement la Commission Européenne a demandé une enquête sur les implications de cette acquisition.

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9 commentaires sur ce sujet.
  • 7 novembre 2017 - 13 h 24 min

    /me cours partout en s’arrachant les cheveux et en criant « on va tous mourir!!! »

    Répondre
  • 7 novembre 2017 - 14 h 22 min

    @H2L29: T’imùagine le jour ou Broadcom s’entend avec Qualcomm pour créer une passerelle plus rapide entre les émission et réception ? L’Internet à 2 vitesses en hard !

    Répondre
  • 7 novembre 2017 - 19 h 00 min

    C’est peut-être le début d’un feuilleton captivant. Avec ses avantages mais aussi risques pour les clients finaux.

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  • 7 novembre 2017 - 19 h 35 min

    @Pierre Lecourt: ben pour ceux comme moi qui ont connus les pilotes atheros libres, la possibilité de créer des interfaces virtuelles et le mode monitor/ap…, puis le retour à des pilotes propios quand c’est devenu qualcom, de l’autre coté chez broadcom toujours proprio et l’impossibilité de changer de mode de la carte, la galère à installer à une époque sans passer par la compil’ bref, perso je vois pas le rachat d’un bon oeil d’un point de vue client final

    clairement ce qu’on a pu gagner à un moment coté liberté on est en train de nous l’enlever :/

    restera toujours les puces ralink qui sont pas gégé non plus

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  • 7 novembre 2017 - 20 h 07 min

    Quand on pense que Qualcomm, créé en 1985, a aussi distribué du soft.
    Emilio
    Les soft étaient qpopper en 1993, serveur pop opensource, un des meilleurs et eudora en 1991, excellent client mail.

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  • 7 novembre 2017 - 22 h 17 min

    mouais, il faut lire le communiqué financier : une partie sera payée en monnaie de singe émise par Broadcom (ses porpres actions), l’autre par de la monnaie de singe émise par des banques commerciales. Aucun billet en dollar (monnaie de singe émise par la FED).a

    Répondre
  • 7 novembre 2017 - 22 h 32 min

    @dodudindon: Ah oui, une certaine allergie à la métaphore et à l’humour donc. Quand on parle de transformer le Silicium en or tu ne saisit donc pas la pointe de sarcasme ?

    Répondre
  • 7 novembre 2017 - 22 h 59 min

    C’est un monde de dingue avec des géants de l’internet et des géants de telecoms. Trump doit être aux anges avec des opa pareilles, ainsi que le Nasdaq et Wall Street !

    Répondre
  • 16 février 2018 - 17 h 27 min

    […] annonçait d’une manière presque outragée que l’offre de départ de Broadcom sous évaluait largement la valeur de la société. Les 130 milliards de dollars promis par Broadcom semblaient insuffisant pour s’offrir le […]

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