Calendrier rocambolesque, les équipes de LesNumeriques et de Gamekult1 ont tout juste eu le temps de poser leurs cartons chez TF1 qu’ils apprenaient avoir été « revendus » à Reworld Media. Cela ne vous évoquera peut être pas grand chose mais cette nouvelle est assez catastrophique pour la presse en ligne.
Les marques de Unify
TF1 avait depuis quelques années la volonté de se positionner plus fortement sur le web, la chaine de télé a donc créé il y a quatre ans la marque Unify qui a regroupé de nombreux sites parmi les plus populaires de la toile française : Marmiton, Doctissimo ou AuFéminin. A grand coups de rachats, Unify s’est emparée de beaucoup de pépites afin de créer une vaste audience sur de nombreux sujets forts. Pour toucher les segments informatique et conso en général ainsi que le jeu vidéo, Unify a mis la main sur Neweb, le groupe qui chapeaute les sites que sont LesNumériques et Gamekult, ainsi que leurs régies publicitaires.
Un rachat qui s’est accompagné d’un regroupement géographique puisque les équipes de ces sites – et des entités annexes comme CnetFrance ou ZDNet – se sont retrouvées embarquées dans la même aventure. TF1 a bien fait comprendre aux rédactions que le rapprochement physique des différentes entités était à la fois indispensable et salutaire. Tous les salariés ont donc fait leurs valises, abandonné leurs habitudes et pris possession de nouveaux locaux chez TF1 le 26 Juin dernier.
Soit 24 heures avant l’annonce d’un accord avec Reworld Media pour la reprise de la totalité de la division Unify et donc des équipes fraichement débarquées. Cet accord n’est pas encore validé par les autorités de la concurrence mais ne devrait pas poser de problèmes et la transaction devrait avoir lieu rapidement. Il ne fait donc absolument aucun doute que pendant que TF1 martelait que les synergies du groupe nécessitaient un rapprochement en leur locaux, ils négociaient en même temps avec Reworld Media la reprise des équipes. Ce qui forcerait un futur déménagement.
12 sites sont ainsi repris pour environ 25 millions de visiteurs uniques mensuel et 200 millions de pages vues annuels. Les régies vidéo, studio de création ainsi que les régies publicitaires et studio d’influence de Unify changent également de mains. Reworld Media deviendrait ainsi un mastodonte de l’internet Français avec 36 millions de visiteurs uniques.
@LamHua sur Twitter
La douche froide
Vous imaginez la situation pour les salariés, journalistes, équipes commerciales et techniques des différents sites ? Déménager dans un nouveau lieu vanté comme le berceau d’une aventure au sein d’un grand groupe Européen comme TF1 avant d’apprendre, littéralement quelques heures plus tard, qu’on a été négocié par ce grand groupe pour une autre entité ? Le coup au moral doit être difficile.
TF1 a tout planifié comme si de rien n’était. Une fête d’accueil a été organisée et permis aux nouvelles équipes d’intégrer l’entreprise. Des badges ont été distribués et les postes clairement mis en place pour accueillir tous les salariés. Tout cela pour quelques heures seulement.
De ce que j’ai pu comprendre auprès de différents acteurs dans le milieu, la volonté de TF1 de créer un canal stratégique sur le Web permettant de profiter d’une synergie télévision/internet s’est largement dissipée. D’abord parce que les relais imaginés pour passer de l’un à l’autre des médias n’étaient pas aussi évidents qu’espérés. L’étanchéité des usages étant plus grande que prévue. Difficile de faire allumer son poste de télé à un internaute pour suivre un contenu qu’il ne maitrisera plus. Et si il semble plus simple de faire basculer un téléspectateur vers un contenu lisible sur son smartphone, cela pose d’autres problématiques. En particulier celle de la perte d’attention du sujet de l’indisponibilité de son cerveau au moment où il lâche le grand écran…
Autres pistes, celle d’un désamour des moteurs de recherche de certaines pépites autrefois considérées comme hyper rentables. Les nouveaux changement d’algorithmes de Google seraient beaucoup moins généreux avec les forums qui faisaient la richesse – au propre comme au figuré – de certains sites comme Doctissimo. Les contraintes RGPD qui empêchent certaines synergies publicitaires espérées par cette diversification n’aidant pas, la recette voulue par TF1 / Unify était finalement moins simple a faire prospérer. Si on ajoute le fait que le groupe Unify a du mal a atteindre la rentabilité, cela fait de solides arguments pour essayer de couper cette branche.
Il faut dire que TF1 est sur un autre grand chantier, celui du rapprochement avec M6. Un travail important qui ne devrait pas poser de problèmes aux autorités de la concurrence et qui va permettre au groupe de se positionner comme un poids lourd publicitaire. La télé, ça paye. Et dans cette perspective les 300 salariés de Unify ne sont probablement plus vraiment considérés comme des atouts mais plutôt comme un caillou dans la chaussure d’une marche vers le succès. TF1 se voit en éditeur et producteur de contenus télévisuel plus qu’en patron d’un groupe de presse en ligne.
Les états d’âme de certains ont transpiré sur Twitter. Pour d’autres cela a été des échanges plus privés mais la situation est évidemment compliquée pour les salariés.
Reworld Media ou l’uberisation de l’info
Je connais assez bien les équipes concernées. Je ne les fréquente plus trop physiquement mais j’ai par le passé travaillé avec certaines d’entre elles. J’ai vu naitre Les Numériques. J’ai connu Vincent Alzieu au tout début de cette belle aventure et côtoyé de loin en loin de nombreux journalistes de ses équipes : Regis Jehl, Guillaume Henri, Marie Ciolfi, Mathieu Chartier, Tanguy Andrillon… J’ai lu quantité et quantité des papiers de toute la rédaction et ait même collaboré brièvement avec Florent Alzieu du temps de Blogeee.
J’ai également bossé avec les équipes de CNetFrance, même si elles ont bien changé depuis mon départ. Côtoyé les équipes de ZDNet. Et j’ai également pas mal fréquenté la famille GameKult en travaillant non pas avec eux mais plutôt « à côté » d’eux dans trois locaux différents. Certains de ces gens sont mes amis, je les ai vu grandir, évoluer, devenir des pros dans leur domaine et proposer leur expertise en ligne au travers d’un travail souvent acharné.
Apprendre que tous ces gens, ceux qui signent les articles que vous lisez mais également ceux qui font en sorte que les vidéos existent, que les tests existent, ceux qui s’arrangent chaque jour avec les galères de gestion que représentent une rédaction ou la gestion d’un site web. Tous ces gens sont très clairement menacés par la méthode Reworld Media.
Une méthode c’est quand on applique un certain nombre de règles pour parvenir à son but. Et la méthode de Reworld Media est toujours la même. Maximiser les revenus au détriment de tout travail journalistique. Le groupe a ainsi acheté plusieurs magazines pour en replacer les rédactions par des « éditeurs de contenus ». Des gens a qui on demandait d’écrire beaucoup plutôt que bien. Afin de maximiser le trafic. La méthode s’intéresse également aux « tendances » et publie en réaction. Les rédacteurs vont donc adapter leurs sujets en fonctions des horaires de publication.
Pour la sortie des classes par exemple, quand les ados reprennent leurs smartphones, il faut être présent sur des sujets précis. Ces fameuses « tendances » évoluent au fil de la journée et le contenu s’y adapte. On est donc enclin a produire un texte ne présentant aucun intérêt mais répondant juste à des arguments de recherche codifiés précisément pour attirer différents publics. L’expertise journalistique ou la décision du sujet a traiter n’entrent pas en ligne de compte.
Plusieurs magazines sont tombées dans l’escarcelle de Reworld en 2019. Avec grand fracas. C’est le cas du groupe Mondadori France qui éditait Biba, Grazia, Top Santé, Télé Star ou encore Science et Vie. Et cette méthode est alors systématiquement employée avec des journalistes qui se transforment en rédacteurs cornaqués par d’autres intérêt que l’information de leurs lecteurs. Epaulés par des algorithmes qui vont générer des articles à partir de mots clés et d’une IA plus ou moins bien ficelée. Aidés par de petites mains issus de pays francophones, souvent Malgaches, également déployés pour booster la productivité des sites. Il faut écrire vite, beaucoup et sur les sujets listés.
Une enquête de Arrêt sur images montre bien comment Reworld Media fonctionne
Et dans un grand jeu de vases communicants, les journalistes s’éclipsent peu à peu pour des pigistes aux statut inconfortables et donc corvéables a merci. Moins regardant sur la qualité du travail a effectuer et à qui on demande de ne pas se poser la question d’une quelconque éthique. La grande majorité des journalistes sont ainsi poussés vers la sortie, saisissant la possibilité d’une clause de Cession leur permettant de retomber sur leurs pattes en cas de rachat d’un titre de presse. Ils sont remplacés par des gens a qui on va faire tenir des cadences infernales.
L’aventure Science & Vie dont l’équipe démissionnera en masse pour fonder le magazine Epsiloon afin de ne pas trahir leur engagement journalistique est un bon exemple de ce transfert.
Agences tout risques
Sous traiter la production des contenus présente deux avantages majeurs : cela permet de ne pas avoir a payer des journalistes qui vont réclamer des salaires importants, des avantages sociaux, des vacances ou des tickets restau. Des gens qui peuvent tomber malades et qui ont des avantages liés à leur profession. Signer un chèque à un sous traitant, que ce soit une société privée ou un « partenaire » auto-entrepreneur ne pose par contre aucun problème. C’est à chacun de fournir le contenu qui a été commandé pour alimenter le site ou le magasine papier. Même malade un rédacteur sera sur la brèche si il ne veut pas perdre son contrat et continuera de travailler quand un journaliste salarié serait au fond de son lit.
Content Squad est une des agences de Reworld Media dont la mission est de créer du contenu sur mesures pour les marques
Mais cela offre surtout la possibilité de gérer le contenu produit à la virgule près. Sans rédaction, sans société de journalistes c’est l’éditeur du journal qui choisi ses sujets et comment les traiter.
Pas de problème a priori ? Sauf que la stratégie de ces magazines passe par une publicité proactive. Un jeu où on va démarcher les marques pour leur proposer un contenu – payant – a diffuser ensuite dans ses colonnes. Les sous traitants employés ne s’en cachent pas, ils travaillent autant pour alimenter ce type de sites que pour rédiger des contenus purement publicitaires. Et le mélange des genre est clairement mis en avant sur leurs profils.
Le risque est donc là. Quand vous arrivez sur un site comme Les Numériques ou Gamekult, pour ne citer qu’eux. Vous arrivez sur des pages rédigées par des journalistes et – pour être plus précis – par des spécialistes. L’équipe photo de Les Numériques ce sont des dizaines d’années d’expérience accumulée. Idem pour l’informatique avec des profils venant de plusieurs secteurs de l’industrie qui vont apporter des éclairages différents dans leurs tests. Quand vous lisez les tests d’un aspirateur, d’un téléviseur, d’un jeu vidéo ou d’un ordinateur portable, vous profitez de cette expérience qui va permettre de mettre en perspective les qualités et les défauts du produit. Vous pouvez être d’accord ou non, vous pouvez vous y retrouver ou pas. Mais dans tous les cas la plume du rédacteur est celle d’un humain ayant pour lui la responsabilité de signer son article.
Laisser les marques gérer le contenu rédactionnel pose en général un petit problème
Mais que penser d’un « contenu » dont le test qui serait fait par la marque en amont, sans passer par un laboratoire indépendant et transféré à une société en sous-traitance pour être ensuite affiché sur un site sous un aspect journalistique ? Un contenu qui ne serait non seulement pas signé mais qui aurait en plus été payé par la marque pour être affiché. Pensez vous que ce contenu sera fiable ? Qu’il mettra en avant les défauts du produit ? Toute la chaine aurait a y perdre si la marque était insatisfaite de la prestation proposée. Le rédacteur ne serait plus employé, le sous traitant qui le gère aurait droit à un rappel des propriétaires de la régie publicitaire qui gérerait la marque parce que celle-ci ne voudrait plus « communiquer » dans le magazine.
Les relations sont déjà parfois tendues avec la publicité et on a eu beaucoup d’exemples de marques qui retiraient – ou menaçaient de le faire – leurs campagnes de pub à cause d’un test un peu trop dur avec un produit. Si le contenu est acheté en amont pour communiquer sur des points précis chers à la marque, il ne sera pas possible de parler d’autres choses.
Vous sentez le risque pour un média de conseil comme Gamekult ou Les Numériques ? Si ce genre de contenus trouvait leur place sur ces sites, c’est toute la crédibilité de l’ensemble qui en pâtirait. Si un jeu vidéo héritait d’un test élogieux et d’une très bonne note signé par un « rédacteur » inconnu ? Si un téléviseur se retrouvait dans le top des modèles de l’année suite à la publication d’un test non signé ? C’est tout l’historique de ces sites qui s’effondrerait.
La grande force de ces médias est d’avoir construit leur contenu autour de personnalités. Des journalistes que l’on respecte – qu’on les apprécie dans leur choix ou non – parce qu’ils ont montré leurs compétences au fil du temps. Lire un jour un article qui va a l’encontre de votre propre avis par un journaliste est compensé par une argumentation solide et des tests indépendants. Compensé également par le fait que la même personne pourra écrire un article totalement en accord avec ce que vous pensez quelques jours après. Chaque rédacteur a su convaincre au fil du temps que son expertise pouvait dépasser nos propres ressentis. Le fait que je n’aime pas l’objet qu’il apprécie – ou l’inverse – n’enlève rien son expérience et son conseil.
Si cette relation de confiance disparait, si elle est dictée par des marques qui deviennent commanditaires des contenus, alors ces sites n’auront plus aucun intérêt.
Que faire ?
Accrochez vous ! La presse a besoin de vous ! L’expérience doit être traumatisante au possible pour les équipes de ces sites, celles qui signent les tests comme les petites mains qui font en sorte que vous puissiez les lire, toutes ont besoin de vous. Si vous voulez aider ces sites a ne pas sombrer dans la diffusion de contenus publicitaires a outrance, accrochez vous à vos rédacteurs préférés ! Envoyez leur votre soutien. Ne lâchez pas la rampe !
L’avenir nous dira comment les différentes rédactions réagiront à cette crise et comme Reworld va la gérer. Si la « méthode » est employée, et si les journalistes sont poussés vers la sortie comme cela s’est passé de nombreuses fois, vous le saurez bien assez tôt et vous pourrez en tirer des conséquences pratiques. Mais tant que les équipes sont en place il n’y a aucune raison de les abandonner et de leur ôter votre confiance.
Si des sites comme Les numériques ou Gamekult plongent dans ce type de contenus, vous perdrez des guides essentiels pour être certains de faire le bon choix. Même les archives seront sujettes a caution car il sera difficile de voir quel article sera rédigé par un journaliste ou par un publicitaire à moyen terme.
Que vous soyez lecteur ou non lecteur de ces sites, vous avez tout à y gagner. Le web n’est pas qu’une affaire de marchands mais également un lieu où doivent pouvoir s’exprimer des avis contradictoires et indépendants.
Notes :
2,5€ par mois | 5€ par mois | 10€ par mois | Le montant de votre choix |
@Pierre Lecourt
Je suis franchement étonné du peu de soutiens que tu reçois. Mais comme je l’ai dis ailleurs à propos de la mise en avant du soutien par Stripe, ça nécessiterait un nouveau billet pour mettre en lumière ta situation. De la même manière qu’on tombe des nues en découvrant les difficultés que rencontrent Next Impact ou Canard PC, il n’y aurait rien de honteux à faire le point régulièrement sur les ressources que demandent le blog. Je me souviens de sites de contenu tipiak qui affichait un compteur de soutiens et du but à atteindre pour que le site soit maintenu, pour un objectif bien moins louable que ceux des sites cités ici. Ce n’est qu’un exemple…
@flyhopper: Je prépare un petit bilan. Avec quelques idées en cours de déploiement.
@Pierre Lecourt: « […] les internautes sont dans un bain qui a évolué en douceur. Au fur et a mesure. Ils se rendent bien compte que, par exemple, les billets d’affiliation ont pris le pas sur le reste des contenus un peu partout, même sur des sites bourrés de publicités et d’opérations marketing… Mais ça ne semble pas faire tilt parce que c’est devenu la norme partout. »
Je suis un peu plus pessimiste que toi sur ce coup. Sans doute parce que je n’ai pas de retour et un seul point de vue. J’en suis conscient. Mais j’ai du mal avec l’argument (en substance) « Ils ne peuvent pas se rendre compte. »
Se rendre compte, c’est juste regarder, comparer, éventuellement se projeter… et tirer une conclusion. Surtout si on a un peu de longévité sur Internet. (Je suis vieux : la preuve, j’ai mis une majuscule par réflexe à « internet ».)
Des avis biaisés, des posts inutiles, des idées nauséabondes, cela fait longtemps qu’il y en a sur le réseau. C’est humain et c’est « normal » si on veut un peu de diversité. Mais c’est la proportion entre les sujets de fond et les posts d’opinion, entre les personnes décrivant leur expérience et les quidams en mal d’auditoire qui ont changé avec le web 2.0. (Puisque certains mettent le virage là.)
Et la différence et qu’avant ce virage (je suis en mode vieux con) il fallait payer pour un serveur… ou l’emprunter (à une université, à une entreprise…). Alors payer pour cracher une opinion non étayée sur un sujet qui cessera d’être à la mode dans deux semaines, peu de gens le faisait. Mais pour un sujet qui leur tenait à cœur, là oui, il y avait des personnes prêtes à s’investir.
À partir du moment où, la publicité aidant, il est devenu peu coûteux voir « gratuit » de s’exprimer, on a vu fleurir les avis de ceux qui n’ont pas d’arguments pour les étayer… et encore une fois, c’est normal. Avec la richesse des points de vue, on a vu se multiplier les messages de cette frange de la population qui, n’ayant rien à dire de nouveau, le dit encore plus fort. Ils n’ont pour beaucoup que ce moyen d’être entendu. (Et pour le coup, c’est moi qui pense qu’ils ne se rendent pas compte que si personne ne les écoute, c’est parce qu’ils répètent des idées qui ne sont pas les leurs.)
C’est ce que je vois autour de moi en tout cas. Encore une fois, j’ai sans doute une vision biaisée (je ne rencontre pas une tranche représentative de la population). Et si un lecteur ici a une expérience différente je suis preneur car j’aimerais me tromper. Il me semble quand même que cela rejoint ce que Boris Cyrulnik exprime quand il décrit les « mangeurs de vent ».
Alors je ne sais pas où il faut mettre le curseur entre un accès facile et quelque chose de plus protégé. Je ne pense pas non plus que l’argent soit le bon étalon. Je n’ai pas d’autre idée que me reposer sur la volonté de ceux qui veulent pérenniser les bonnes choses et laisser mourir les autres. Mais je me sens parfois un peu seul.
Tiens, ça me fait penser aussi au magazine papier « le virus informatique » qui a toujours fait en sorte de rester indépendant et sans pub, malheureusement il y a quelques mois il est mort une seconde fois faute de moyens, malgré la hausse de prix tout à fait acceptable sur les derniers numéros 😕
@Kikimoo: Ce que je veux dire c’est que l’internaute moyen n’a pas vécu une transformation subite entre l’internet des années 90 et l’internet d’aujourd’hui. La migration a duré longtemps et la dégradation a eu lieu petit à petit.
Quand la publicité rapportait beaucoup il y a avait une seule bannière 468 x 60 en haut des pages. Puis quand cela a baissé, il y a eu l’apparition des formats carrés puis des format Skyscraper puis des popup ou autres saloperies du genre. Au fur et a mesures que la rémunération baissait le nombre et la quantité des pubs a explosé.
Puis ça a été les Autorefresh des pages pour tricher sur le nombre d’affichages…
Le reste a été de mal en pis avec l’apparition de publi reportages, au départ cachés, puis des billets sponsos, puis quand la loi a obligé les site de signaler le côté sponso ça a été des « partenariats de marques ».
Aujourd’hui ce qui rapporte c’est ça, et uniquement ça. La pub était déjà juste une nuisance quand j’ai lancé Minimachines. Tu pollues à mort un site et derrière tu ne gagne rien. Le dernier papier que j’ai lu sur 01Net il y avait 14 publicités sur la page. Pour gagner des clopinettes.
Du coup la méthode Reworld est la plus rentable : tu externalises tous les coûts et tu ne fais que du publi-commercial. Le reste du « contenu » étant en réalité sous traité à diverses entités : IA, traducteurs qui reprennent et paraphrases des contenus étrangers, « pigistes » auto-entrepreneurs. Mais comme ces éléments apparaissent petit à petit, et bien tu as une plateforme qui se désagrège « en douceur ».
Si tu sortais d’hibernation aujourd’hui après t’être endormis en 2000, tu serais choqué par ce qu’est devenu le Web d’info. Mais comme tout cela est apparu par étapes, c’est passé en douceur. Enfin, pour l’internaute moyen, c’est comme cela que c’est appréhendé.
J’ai toujours fait le rapprochement entre l’information et le fait qu’elle ait un coût et les avis des internautes sur les plateformes d’applications et de jeu. On passe son temps a croiser des gens qui adorent des jeux de smartphones mais qui mettent une seule étoile parce qu’au bout de 5 niveaux il faut payer 2€ pour jouer au jeu entier. Les gens ne comprennent pas que les salaires des développeurs doivent bien être tirés de quelque part. Et c’est exactement la même réflexion pour la presse en ligne. cela ne vient plus à l’esprit de la grande majorité qu’elle devrait être payante parce que les gens qui en vivent ne se satisfont pas de clics pour manger. La pub a participé à cette idée et c’est pour cela que les sites indépendants n’ont en général pas de publicité. Pour que l’internaute se rende bien compte que le site ne tient debout QUE grâce à eux.
Il y a une époque où même un navigateur internet était payant, tu payais pour avoir une ligne internet reliée à ton domicile mais tu devais encore payer pour faire des recherches sur internet.
@Le Breton: Hein ? j’ai jamais connu ça et je fais de l’internet depuis le siècle dernier
@Pierre Lecourt: Merci t’es au top !
Magnifique coup de gueule, heureusement qu’il y a encore des gens comme toi…alliant intégrité journalistique et intelligence. Continue !
Lesnumeriques n’ont pas attendu ce rachat pour faire des publireportages et des analyse de complaisance sur des sujets qui touchent de près aux éditeurs de tout bord. Je me rappelle de leur « comparatif » Vinyl/CD d’il y a quelques années. Un seul paramètre (la dynamique audio) y était analysé afin de définir si oui ou non le renouveau du Vinyl était justifié ! Il l’était pour eux bien sûr … La diaphonie, le rapport signal/bruit, l’usure d’un vinyl ? aux oubliettes ces paramètres. Il nous faudrait quand même pas mécontenter les maisons de productions et les vendeurs de platines vinyl n’est-ce pas ?
@Le Breton : Tu confond pas les réseaux « Compuserve » et « Internet » par hasard?
Mais c’est exact qu’au départ certains navigateurs étaient payants comme « Mosaic », « Netscape » et certains autres navigateurs. C’est MS avec son IE qui à rendu les Navigateurs gratuits dans Windows 95.
@Pierre Lecourt, dans ton article tu déclares « Les nouveaux changement d’algorithmes de Google seraient beaucoup moins généreux avec les forums ».
Je ploussoies ton affirmation, je pense que cela a commencé en 2015 et ça va de pire en pire au fil des années. C’est limite où désormais Google boycotte les contenus issus des forums, je l’ai remarqué à moult reprises.
Je bricole, bidouille, hack, répare, transforme, upcycle (terme à la mode) dans différents domaines liés à l’électronique et l’informatique, et quantités sur ces sujets sont sur les forums et de plus en plus difficiles à trouver voire devenus totalement introuvables sur Google.
Un exemple flagrant: j’ai réparé il y a plusieurs années la télé de mes parents, j’avais trouvé l’info de la pièce à changer sur un forum via la référence de la carte mère. Désormais si j’entres cette référence de carte mère dans Google, ce dernier sait toujours très bien qu’il s’agit d’une carte mère d’un téléviseur, mais désormais il ne propose qu’une litanie de sites marchands vendant des téléviseurs neufs. Alors que ce sujet de forum existe toujours, Google l’a juste retiré de son index au profit des sites de ventes. Cherche à réparer ton frigo, Google va te proposer 5000 résultats d’achats de frigos.
Je pense même que Google désormais ne propose quasi plus que des résultats pouvant mener au final qu’à une expérience marchande, excluant tout le reste. Il y a des sujets où je sais qu’il existe toujours des quantités de ressources sur le net mais Google n’en retourne pas les résultats. Pire si j’utilise avec ma recherche les mots clefs typiques à exclure -shop- cart -panier -achat -vente -prix -promotion, etc… alors Google ne retourne plus rien du tout à part 2 ou 3 obscures sites indiens de commerce en ligne.
Ça me fait penser à l’antiquité grecque: lorsque l’on voulait effacer des philosophes, courants de pensée, civilisations ou culture qui ne rentraient pas dans la ligne directrice, il suffisait de ne plus les citer dans les textes, ainsi ils finiront par disparaître.
@Tof: Oh c’est très intéressant ce que tu écris – pourrais-tu essayer avec duckduckgo, qwant, que sais-je ? Voir si l’information est globalement inaccessible ou juste censurée par google ?
@Tof:
Il y a eu quelques articles intéressants dans un domaine proche, pour les études concernant les dangers de la cigarette, de divers produits phytosanitaires, etc.
La technique employée par les producteurs étant de commanditer des études plus ou moins contradictoires, permettant a minima de semer le doute, voire de noyer le poisson dans l’esprit des décideurs (politiques en particulier).
Ceux qui sont familiers avec les études scientifiques savent qu’elle ne se valent pas toutes, le commun des mortels (dans lequel je m’inclus) a tendance a faire une évaluation quantitative plus que qualitative…
J’avoue être aussi un peu nostalgique/nostalgeek d’une période où régnait la « netiquette », où les créateurs/utilisateurs avaient à coeur d’inventer ou de participer à quelque chose de nouveau et où on n’était pas forcément encore pourri de pub plus ou moins dissimulée, et où on n’admirait pas des gens qui n’avait pas d’autre mérite que de se faire voir (genre avant les premiers Reality Show du genre Loft Story).
Mais c’est vrai qu’à l’époque, personne ou presque n’en vivait encore.
@Tof: c’est pour cela que j’utilise quasi exclusivement Startpage pour mes recherches techniques et quelques fois duckduckgo
@IvanP.: L’information globale reste accessible, mais juste pas sur Google.
@McBerd: Oui le problème des études scientifiques bidon, j’ai rencontré une personne qui m’a décrit cela. Car c’est son boulot de trouver des chercheurs qui ont du mal à financer un projet de recherche ou à trouver une bourse de travail et de leur proposer de signer des études bidons afin d’étayer un dossier qui sera remis aux parlementaires européen, ce au profit de la stratégie d’industriels du secteur pharmaceutique. A Bruxelles, dès que tu commences à rencontrer des gens, il y a plein de monde qui bosse dans des ONG, boites de communication ou de conseil, mais en contexte d’apéro et l’alcool aidant (c’est un bon catalyseur de la vanité) ils finissent par délier leur langue et expliquer leur boulot de lobbyiste… et c’est parfois effrayant cette réalité.
@Madwill: Startpage utilise Google pour ses résultats, donc au final ce sont les même résultats, il n’y a que le tracking et la personalisation des résultats qui diffèrent.
Les résultats de Bing ne sont pas terrible, de plus il courre derrière Google et copie de loin les tendances d’indexation que prend Google. Cependant Bing ne boycotte pas encore les forums.
DuckduckGo utilise les résultats de Bing.
J’utilise QWANT comme moteur de recherche par défaut, il a des résultats intéressants, même si ce n’est pas la panacée.
J’utilise https://metager.org/ pour les recherches en anglais, c’est un meta-moteur.
Et je commence à tester https://search.brave.com/
Et je vais probablement utiliser aussi https://www.mojeek.com/ car sur quelques essais il me retourne des résultats intéressants.
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Un autre exemple concret que j’ai constaté avec Google sur le site d’une artiste de scène (parce que concevoir et réaliser des sites était mon métier jusqu’à il y a peu de temps), dans sa rubrique calendrier/événements il y a ses spectacles où tout est optimisé de la même manière et utilise les micro-données sémantiques avec JSON-LD. Les spectacles où il y a un lien d’achat de ticket en ligne ressortent bien sur Google et ceux où il n’y a pas de lien d’achat de ticket (spectacles gratuits ou réservation par téléphone) ne ressortent pas même si il y a un lien (genre vers la page du lieu du spectacle).
De même pour les résultats enrichis dans Google (ex: https://jsonld.com/wp-content/uploads/2015/09/schema-markup-type-event.png ) où il liste sous la page principale les prochaines dates des événements directement dans le résultat de la recherche, là ne ressortent uniquement que ceux où il y a dans la page un lien vers un acte d’achat (via la balise « Offer » de JSON-LD).
Alors oui Google est désormais, à mon sens, plus le portail d’une expérience marchande qu’un réel moteur de recherche généraliste.
Et c’est cohérent avec la façon dont Google communique avec son public cible (qui n’est pas le grand public des utilisateurs du moteur, mais ceux qui lui font rentrer de l’argent directement), c’est de l’accroissement de résultat dans l’expérience marchande pour les entreprises et commerces que Google leur vend.
Bonjour mon ami Pierre, merci pour tes mots. Le labo continuera, de manière indépendante, à mon corps défendant ;)
@Tof: J’utilise aussi Qwant en priorité (sauf quand je cherche quelque chose sur un outil Microsoft, auquel cas je prends Bing). Je ne connaissais pas Mojeek mais je sens que je vais le tester ces prochains temps !
Utile rappel de soutenir les sites comme Minimachines qui sont indépendants !
@Pierre Lecourt: Encore une fois, merci de nous rappeler aussi les réalités du terrain.
Comme (sans doute pas mal) d’autres lecteurs de Minimachines, j’ai installé des Adblocks parce que ça devenait insupportable.
Peut-être aussi qu’à cause de ça, nous avons aussi contribuer à faire dépérir des sites qu’on appréciait, et qu’on ne se rend pas compte que Minimachines n’a ni pub ni cookies.
Alors qu’avant, je cliquais systématiquement sur « Refuser les cookies », je me suis mis à réfléchir avant de le faire pour les sites que j’apprécie et qui ne vivent que de ça… Je n’aime pas que mes données soient analysées, mais si c’est la seule contrepartie pour pouvoir faire vivre ces sites en échange d’un contenu gratuit, alors pourquoi pas.
J’avoue avoir été déçu de ce que tu gagnes avec tes soutiens habituels. Mais en y réfléchissant en tant que (petit) contributeur, si la plupart de tes soutiens le font à mon niveau ça ne représente en effet pas grand-chose… Et pourtant ce n’est pas plus qu’un abonnement à un mensuel papier, pour un contenu qui est présent.
J’espère que cet article permettra une prise de conscience permettant d’élargir cette base de façons pérenne (en tout cas, d’après ton twitter il y a déjà un bon début :-) ).
Que ton défi réussisse ou pas, que tu puisses publier fréquemment ou pas, merci pour ton boulot, autant celui d’analyse technique ou de marché que pour les articles de fonds ou d’humeur (sans oublier les bons plans) !
Franchement les numeriques sont morts depuis au moins le rachat par TF1 : publireportage,et plus aucune crédibilité…
Bon et bien ça y est, la rédaction de Gamekult démissionne. On peut imaginer que les numériques / Gamekult ne seront bientôt plus que des sites coquilles destinés à accueillir le
Contenu marketing des annonceurs
Je me souvenais de cet article, et le relire après plusieurs mois, en ayant vu le contenu des sites évoluer et maintenant les départs chez GK procure une étrange sensation.