Borealis devrait apporter les jeux Steam sous ChromeOS

Steam, la plate forme de jeu de Valve, devrait faire son apparition sous ChromeOS grâce à Borealis et Proton pour prendre en charge les bibliothèques de jeux 3D.

Ce n’est pas un secret, Google travaille à porter Steam sous ChromeOS pour offrir une multitude de jeux PC à son système d’exploitation. Cette idée passe par Borealis, une intégration d’Ubuntu sous ChromeOS qui reprend en grande partie l’idée de Crostini, un autre projet d’intégration d’un Linux Debian dans le système.


Le projet veut profiter du noyau et des capacités d’un système Linux à l’intérieur de ChromeOS. Une solution qui permet de garder les apparences du système de Google en les mélangeant aux capacités de Linux. Parmi les points clé de Borealis, une compatibilité avec Steam, le magasin de jeux dématérialisés de Valve. Avec Borealis, un Chromebook pourra se connecter au site de Steam puis installer des jeux comme si l’engin était un PC équipé d’un Linux natif comme Ubuntu. Est-ce que cela veut dire que les machines sous ChromeOS pourraient bénéficier du catalogue de jeux compatibles Linux de Steam ? Oui… et non.

ProtonDB

Oui car grâce aux API Libres Vulkan et OpenCL, Linux a pu profiter d’excellents jeux ces dernières années et de nombreux développeurs ont compris qu’il y avait là un marché à prendre en compte. Valve l’a lui aussi pris en compte et le propriétaire de Steam a développé Proton, une solution Linux qui utilise les capacités de Wine pour prendre en charge les bibliothèques DirectX de Windows. Grâce à un système de notation précis, ProtonDB liste les jeux pouvant être pris en charge sous Linux même lorsqu’ils ne sont pas sortis directement avec cette compatibilité par défaut. Avec l’arrivée de Borealis, l’ensemble des titres listés, de Dark Souls 3 à Sea of Thieves en passant par GTA V ou PUBG pourraient donc tourner sous ChromeOS.

ProtonDB

Sur le papier donc, un Chromebook lambda serait, d’un coup, apte à gérer une vaste gamme de jeux. En plus des applications Android, ces engins seraient à même de plonger les joueurs dans des univers 3D récents. Mais sur le papier seulement. Le nombre de machines sorties sous ChromeOS capables de faire tourner ces titres est proche du néant. On oubliera d’office les solutions trop anciennes et la très très grande majorité des engins sortis sous SoC ARM. On fera également une croix sur la pelletée de Chromebooks ou Chromebox qui n’embarquent que 16 ou 32 Go de stockage. Au vu du poids des jeux récents, même si les engins étaient capable de faire tourner ces titres, leur installation ne serait sans doute pas aisée.

Acer Chromebook Spin 713
Reste quelques modèles très haut de gamme qui pourraient profiter de cette évolution. Même si je doute que ces modèles, en général destinés au marché pro, soient vraiment pensés pour ce type d’usage. La bonne question à se poser à mon avis est plutôt : qui voudrait d’un engin sous ChromeOS pour jouer à des jeux PC ?

Un engin haut de gamme comme le Acer Chromebook Spin 713 proposé à 999€ dans sa version la plus musclée, sera bien à la peine pour faire tourner un jeu PC récent, décemment. Si il propose bien un processeur Intel Core de dixième génération, il n’a pas de solution graphique externe pour accélérer sa 3D. Rajouter une couche de traitement en prime via Proton pour prendre en charge les fonctions de DirectX devrait lui être fatal en terme de calcul. Cet engin ne proposera pas une expérience de jeu décente en FullHD.

Est-ce que Borealis va se présenter comme un effet « Whaouh » à destination des acheteurs ? Une simple démo technologique présentant les machines sous leur meilleur jour en affirmant que oui, les Chromebooks peuvent désormais piocher dans le catalogue de Steam. Mais sans pouvoir prétendre à faire tourner des jeux exigeants en 3D ? C’est en grande partie ce que fait le système avec les applications Android. Si ChromeOS est bien compatible avec le catalogue d’applications et de jeux Android, l’expérience est loin d’être aussi satisfaisante que ce qui est présenté par Google. Nombre de jeux Android ne sont pas correctement reconnus, les applications perdent assez souvent les pédales et les interfaces ne sont pas parfaitement reportées d’un système à l’autre, ce qui rend  souvent l’expérience de jeu mobile cent fois supérieure à l’exploitation sur le grand écran tactile d’un portable sous ChromeOS. La compatibilité Android existe mais son exploitation pratique est souvent impossible. Est-ce le même schéma qui va se répéter ici ? Les engins seront estampillés compatibles Steam mais n’auront droit en pratique que de naviguer dans l’interface du catalogue ?

Acer Chromebook Spin 311

Le Acer ChromeBook Spin 311 sous SoC ARM Mediatek MT8183

Les constructeurs de Chromebooks pourraient, bien entendu, faire évoluer leur offre pour prendre cette possibilité en compte dans le futur. Orienter leur production vers des engins plus complets avec des processeurs haut de gamme, des circuits graphiques indépendants et un stockage plus important. Si cette seconde voie est empruntée, on devrait trouver des machines sous ChromeOS… au prix des engins sous Windows. Mais avec moins de choix. Il existe des PC sous Windows capables de lancer des jeux modernes aux tarifs des Chromebooks les plus chers. Avec en prime tout l’attirail des fonctions de Google accessibles.

Je ne vois pas de solution à ce problème, si les Chromebooks se vendaient à 999 ou 1199€ pour viser un public de joueurs… Se vendraient t-ils encore ? Qui achèterait un Chromebook pour jouer ? Ce n’est pas que le jeu et ChromeOS soient incompatibles, c’est que l’essence même de Chrome OS n’est pas le jeu. Le système a été pensé pour être simple et surtout fournir un pilotage dans les nuages, une sauvegarde quasi permanente dans le Cloud. C’est son ADN et son objectif par nature. On est loin de la possibilité de lancer un jeu entre deux réunions ou deux travaux.

Acer Chromebook Spin 311

C’est d’ailleurs l’une des raisons du choix de ChromeOS par des entreprises et des campus : le fait que l’on ne puisse pas détourner facilement l’appareil d’un terminal de saisie et de consultation en une solution de jeu est considéré comme un plus par ceux qui achètent ces machines en masse. Rajouter cette fonction, même en imaginant que le marché suive et ajoute des capacités techniques aux engins pour les rendre compatibles, cela ne transformera pas leur destination première. Ce ne sont pas des engins pensés pour le jeu. Est-ce que les libristes vont applaudir cette évolution ? Je n’en suis pas sûr non plus. Un utilisateur de Linux utilisera… une distribution Linux, pas une solution Linux planquée derrière une création de Google.

Si je résume, Borealis promet du jeu sous Steam aux Chromebooks. En pratique, les Chromebooks actuels ne seront pas capables d’en profiter. Si le marché les fait évoluer pour les rendre compatibles alors ils seront aussi chers que des engins classiques sous Linux, sans système ou sous Windows. Si le marché ne les fait pas évoluer alors l’annonce sera purement diplomatique… Mon inquiétude, ici, étant que cette idée creuse l’écart entre les Chromebooks entrée de gamme du marché, les engins sous SoC ARM avec encore 4 Go de mémoire vive et 32 Go de stockage qui sont les plus abordables. Et le haut de gamme qui taquine déjà allègrement les 800 ou les 1000€. 

Au final, cette annonce ne fait qu’accentuer les questions que l’on se pose autour de Google et de ses offres : Stadia semble être la piste à privilégier pour apporter du jeu sous ChromeOS. Pourtant, le moteur de recherche semble tout vouloir faire pour reporter son public vers une solution concurrente.

Source : 9to5google


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7 commentaires sur ce sujet.
  • 6 juillet 2020 - 22 h 25 min

    ouhlala à prendre avec de grosses pincettes, même sur du linux natif la compatibilité Proton n’est pas aussi fiable que l’article le laisse paraître : il y a une grosse difference entre les retours positifs de ProtonDB et la possibilité de faire tourner les jeux windows sous linux, GTA5 par exemple même si certains y arrivent en bidouillant je n’ai jamais dépassé le lancement du RockstarSocialClub à cause bien sûr des protections et autres DRM… et il y a beaucoup de jeux windows dans ce cas

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  • 7 juillet 2020 - 8 h 42 min

    Avec de très très grosses pincettes même.

    Proton est un fork de Wine, n’est-ce pas ?

    Là on parlerait de quoi ? De Wine sur procésseur Arm ?

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  • 7 juillet 2020 - 9 h 32 min

    Ne faut-il pas regarder plus loin et y voir une manoeuvre de Google pour forcer l’ouverture de Windows vers la compatibilité avec les applications Android?

    Microsoft est bien plus qu’avant d’humeur à ouvrir son système, mais reste focalisé sur son store Windows (on peut les comprendre). Les moyens d’y faire tourner des APK sont lourds et jusqu’à présent sans aucune convivialité, or un noyau Linux est maintenant installable et de belle manière sous Windows, on pourrait pousser la manette un cran plus loin.

    Garder les parts de marché Windows en partageant le marché des applications pourrait être mieux que de voir des Chromebooks venir titiller leurs plates-bandes.

    Et puis il ne faut pas perdre de vue un autre aspect : les lois européennes anti-monopoles. Pouvoir dire « mais si regardez on fait tout ce qu’on peut pour qu’autre chose que Stadia existe sur nos Chromebooks » ça pourrait bien éviter une grosse pénalité financière à Google (et tout les frais en lobbying et en justice autour). Une goutte d’eau dans une rivière peut-être, mais une part de la réflexion.

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  • 7 juillet 2020 - 11 h 14 min

    @Kast: hello, c’est intéressant, mais je n’arrive pas à te suivre sur les apk. Si j’ai bien compris :
    – ChromeOS fait tourner du Linux
    – Windows fait tourner du Linux

    mais ne serait-il justement pas dangereux pour Google de laisser tourner des APK sous Windows (dans le sens où un PC qui fait tourner Android et qui a Office… à quoi sert-il d’acheter un Chromebook) ?

    En tout cas, ce que je constate, c’est qu’effectivement beaucoup de compagnies privées se tournent dernièrement vers Linux et l’open-source, et j’imagine bien que c’est par intérêt derrière, mais lequel, bonne question. Si quelqu’un a des infos intéressantes là-dessus (Pierre si tu nous lis…)

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  • 7 juillet 2020 - 13 h 30 min

    @prog-amateur: Salut,  » j’imagine bien que c’est par intérêt derrière, mais lequel, bonne question », j’ai envie de te dire, simplement, linux, c’est la, ça marche et c’est pas cher… Et si en plus, a terme, ils peuvent verrouiller l’open source (je sais, oxymore) pour leur compte, why not? ;)

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  • 7 juillet 2020 - 19 h 10 min

    Perso l’intérêt principale que je vois de faire tourner steam sur ce genre de machine ce n’est sûrement pas pour faire tourner les jeux en natif mais clairement de disposer d’une machine avec une interface clavier-écran et une bonne connectivité pour streamer le jeux en remote (remote play sur le réseau local ou distant). Là c’est intéressant! Mais bon, il existe aussi l’appli android pour faire ça.

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  • 27 juin 2021 - 11 h 48 min

    @H2L29:

    GTA V fonctionne très bien sur Proton, je n’ai jamais eu de problèmes pour le lancer, ni eu besoin d’utiliser des commandes

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