C’est une petite et discrète révolution qui se joue en ce moment dans les coulisses du monde mobile. Google a annoncé vouloir intégrer l’architecture RISC-V dans l’écosystème d’Android.
Pour faire simple, une architecture processeur c’est le plan sur lequel les différents acteurs vont s’appuyer pour édifier leurs produits logiciels et matériels. Quand Intel lance le x86 ou quand ARM propose ses puces Cortex, ils se basent sur un ensemble de postes clés au fonctionnement toujours identique. Postes sur lesquels les développeurs logiciels vont pouvoir construire leurs outils. L’architecture d’une puce permet de faire dialoguer le logiciel avec le matériel et d’en tirer le meilleur parti. Si un système d’exploitation respecte les lignes directrices d’une architecture alors il fonctionnera sur la puce. Si un logiciel est développé en les prenant en compte également alors il sera non seulement fonctionnel mais également optimisé.
Sous Windows par exemple, nous avons eu pendant longtemps des processeurs ne pouvant pas décoder matériellement des formats vidéo avancés. Des solutions haut de gamme se retrouvaient bien incapables de piloter correctement des vidéos de certains formats. Et, dans le même temps, nous avions des tablettes ou des smartphones Android qui affichaient ces mêmes formats vidéo sans aucun problème avec des puces pourtant bien moins puissantes sur le papier.
La raison était assez simple, les PC Windows étant incapables de s’appuyer sur une architecture apte à prendre en charge ces formats vidéo, ils avaient recours à un travail logiciel pour les afficher. Sur ARM, ces formats vidéos étaient pris en charge nativement par l’architecture et il suffisait donc d’activer les bons leviers pour en tirer parfaitement parti. Tout l’enjeu pour une architecture est donc de tisser des liens avec les éditeurs logiciels, et particulièrement les systèmes d’exploitation, pour faire reconnaitre leurs compétences et les exploiter. En annonçant la prise en charge de l’architecture RISC-V pour Android, Google annonce que les futures puces à ce format seront aptes à piloter le système. Si il est probablement trop tôt pour en voir des effets à court terme, on peut deviner les nombreuses secousses qui vont faire bouger les lignes à moyen et long terme.
Un des gros points clés qui différentie RISC-V et ARM est dans le fonctionnement financier des deux entités. Développer des puces ARM nécessite de payer des licences spécifiques et de s’acquitter de royalties. Un coût important pour certaines sociétés qui veulent développer des solutions à faible volume ou, au contraire, celles qui vendent chaque année des millions de puces. RISC-V ne fonctionne pas de cette façon, c’est une architecture ouverte qui ne nécessite pas de royalties. Pour un fabricant de puces et, par effet de rebond, un fabricant de produits, la solution RISC-V est donc beaucoup moins coûteuse. RISC-V devient ainsi un véritable concurrent d’ARM sur certains segments. Non seulement on peut imaginer que des smartphones ou des tablettes sortent un jour avec ce type de SoC, mais il est plus que vraisemblable que certains secteurs, déjà largement acquis à RISC-V basculent désormais totalement dans son giron.
Le Bouffalo Lab BL616, une puce RISC-V pour l’IoT
Pour l’IoT par exemple, l’architecture RISC-V peut être plus pertinente que celle d’ARM. Avec des puces sur mesures à très faible coût et sans royalties, il sera possible de proposer des outils équipés d’un Android minimaliste pilotables à distance. Des outils domotiques variés qui n’auront aucune royalties à payer à ARM. Sur le Tech-à-porter, c’est le même scénario. Les bracelets connectés Xiaomi Mi Band comme beaucoup d’autres montres connectées qui utilisent des systèmes d’exploitation aujourd’hui différent d’Android emploient déjà des puces RISC-V moins gourmandes et moins chères. Ce sont déjà les produits les plus vendus au niveau mondial sur ce marché mais si ils pouvaient adopter un système Android, ils seraient probablement encore plus populaires.
Le Xiaomi Mi Band 7 est propulsé par une puce RISC-V Huami
A terme, des puces crées sur mesures pour piloter des smartphones ou des tablettes pourraient très bien débarquer sur le marché. Des modèles entrée de gamme pour commencer parce que ces puces ont, encore tout à prouver en terme de performances sous Android. Mais cela correspond exactement aux besoins de nombreux utilisateurs. Proposer des smartphones low-cost avec un Android simple et sans royalties permettrait de créer des outils efficaces et pratiques à défaut d’être ultraperformants. Si ce marché décolle, les investissement dans la Recherche et Développement de nouvelles puces plus puissantes pourraient également trouver des fonds. Les créateurs de smartphones ont tout à gagner à se passer des couts de licence et des royalties versées à ARM.
On imagine l’intérêt pour Google d’intégrer RISC-V dans son écosystème. Récupérer des marchés qui se sont fait grignoter par des solutions Linux concurrentes faute d’une compatibilité entre Android et cette architecture. Les enjeux géopolitiques sont également énormes pour ce marché. Avec une guerre plus ou moins larvée entre les US et la Chine sur ce segment, l’approche Open Source d’un RISC-V qui a déménagé en Suisse pour être plus neutre vis à vis de ses partenaires a tout pour plaire. Les architectures étant indépendantes et Open Source, aucun état ne pourra les bloquer ou en limiter l’usage ou le développement. Parier sur un développement alternatif à ARM pourrait donc être un point clé dans les mouvements économiques du futur.
Si il reste difficile de voir comment le marché va se saisir de cette possibilité, si il est impossible de voir les implications futures que cette annonce aura, il n’est pas impossible qu’on assiste aujourd’hui au battement d’aile d’un papillon.
Source : Ars Technica
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Grosse révolution oui ! J’espère que cela nous conduira à des solutions informatiques embarquée, de calcul et personnelles efficiente en énergie.
C’est sympa sur le fond, mais ca reste théorique quand on voit que le raspberry pi, en bon vieux ARM, n’a toujours pas (et n’aura sans doute jamais) d’Android utilisable (y’a des démos techniques qui… bootent…), on se dit que clairement « supporter l’architecture » est nécessaire, mais pas suffisant.
En plus j’espere fanchement que le futur, c’est Fuchsia !
l’intérêt d’avoir un android sur un si petit appareil est pas élevé je crois car au final tout passe par une application qui est sur un mobile android… mais pourrait bien être sur n’importe quoi
Si ça peut rallonger la période de support des téléphones, actuellement limitée en grande partie par Qualcomm qui ne se foule pas trop sur ce point, ça sera une bonne nouvelle.
@Olivier Barthelemy: Parce que cela n’intéresse probablement pas Broadcom de porter le système sur ses puces ou de partager les ressources nécessaires pour le faire.
@Robert Gagnon: Cela permet en général un meilleur dialogue entre le bracelet et le smartphone. Rien de révolutionnaire donc. Dans tous les cas on peut se demander si ce mouvement opéré par Google est fait de son plein gré ou si il s’agit de sauver les meubles sur le segment.
C’est intéressant, ça pourrait faire perdre des revenus a Softbank et Qualcomm va certainement s’y pencher pour proposer des soc performants pour plus de marge.
un truc m’échappe
si c’est sans licence, comment est-ce que la recherche/développement des nouvelles architecture est financée ?
pour l’open source je vois bien qu’on se rémunère sur le support
Mouais. Je ne suis pas vraiment d’accord.
Il y a une différence entre une microarchitecture (in-order, superscalaire, spéculation…) avec un jeu d’instructions (x86, ARM, RISC-V).
La différence entre ARM et RISC-V est qu’il faut payer des sous à ARM pour avoir le droit de fabriquer un processeur ARM, alors que pour RISC-V c’est gratuit… Enfin, c’est gratuit, il faut quand même payer les gens qui vont développer, valider le processeur. Et c’est là qu’est l’essentiel du coût. Le business d’ARM c’est surtout de vendre des processeurs déjà faits, et, pour les plus performants, optimisés pour être fabriqués dans les usines de TSMC ou Samsung.
« open source » est un terme malheureux, parce que il ne s’agit pas de code source libre, mais juste d’un standard libre. On peut faire un processeur à partir de ce standard, mais rien n’oblige à ce que les sources soit libres. Il existe des quantités de designs libres RISC-V pour FPGAs, mais les principaux architectes (à commencer par SiFive, fondé par les créateurs de RISC-V) ont le business de vendre des processeurs, juste comme ARM. Et ils sont intéressés pour que le standard évolue selon leurs intérêts.
Il y a aussi des brevets sur un certain nombre de fonctions avancées dans les processeurs (il suffit de voir tous les brevets déposés par Intel, AMD, ARM, nVidia), qui font que même s’il n’y a pas de licence pour le jeux d’instruction, il y a un fort risque de devoir payer des royalties à plein de gens pour pouvoir fabriquer un processeur « dernière génération ». Un peu comme les CODEC vidéo (MPEG4, …) qui sont blindés de brevets payants.
@TREZA: Pour les processeurs les plus puissants, y’a de bonnes chances que plein de monde fasse payer son brevet.
Par contre, sur des micro-contrôleurs simples, il y en aura bcp moins …
@eugene: @eugene:
au départ, ça a débuté comme un projet de recherche a Berkeley (d’où vient la licence BSD), puis plein d’industriels intéressés par avoir un jeu d’instructions ouvert pour concevoir leur propre puces ont financé la crée de la fondation RISC-V et continuent d’investir dedans car ils y ont un intérêt.
@Pierre Lecourt:
La communication se fait via wifi, bluetooth, nfc….. l’os est peut important
@Robert Gagnon: Dans le cas d’Android ça l’est puisque Google limite les éléments pouvant communiquer depuis un wearable vers un smartphone Android. Par exemple tu peux rédiger un message complet avec une montre Android vers un smartphone Android grâce à un clavier intégré à la montre. Mais ce n’est pas possible avec une solution non Android au poignet. Là il faut sélectionner parmi des messages prédéfinis. Au final avoir une solution RISC Android en Tech a porter au poignet permettra sans doute ce genre de choses. Et bien d’autres au demeurant.
ta montre que tu rédiges un message doit être autrement plus grosse qu’un xiaomi band 7
pour utiliser KDE Connect sous linux… j’ai accès à bon nombre de fonctionne du mobile… dont envoyer un message…
@Robert Gagnon: Les montres Amazfit – entre autres – sont également sous SoC RISC-V.
Oui on peut utiliser Linux et on peut aussi envoyer un message depuis un iPhone vers un Android. Mais ce n’est pas ce dont je parle.
Je te dis simplement qu’il y a un effet domino : Les puces RISC vont avoir un support Android, les équipements ainsi équipés sous Android vont pouvoir profiter de fonctions liées à des usages « réservés » par Google aux produits « Android wear ». De ce fait ce n’est pas lié aux protocoles Bluetooth, Wi-Fi ou NFC mais à la politique protectionniste de Google qui ne veut pas ouvrir toutes les fonctionnalités de dialogue aux produits employant des dispositifs concurrents.
De ce fait cette ouverture d’Android à RISC-V va booster l’intérêt pour ces puces des fabricants de Tech-à-porter.
a voir l’autonomie sur les montres connecté avec android, je pense pas que ça s’améliorer avec des montres encore plus petite
@Robert Gagnon: L’autonomie c’est un autre débat. Il y a des montres aussi grosses que celles actuellement sous ARM qui utilises du RISC-V. La T-Rex-2 d’Amazfit par exemple.