Exploit : DHL France livre un colis en temps et en heure

Progression historique, DHL France vient de livrer un colis en temps et en heure à un simple particulier situé dans le Nord de la France. L’heureux homme a souhaité rester anonyme pour, je cite, pas qu’on vienne le visiter sans cesse comme un gagnant du Loto. Heureux comme un pape, il recevra bientôt la visite de la direction Française du groupe Logistique..

Mise à jour : Vous l’aurez compris cet article est un « poisson d’avril ». Le PDG de DHL France ne s’appelle pas JM Embalaik et les situations sont bien évidemment fictives. Le choix de DHL pour ce billet est illustratif et d’autres sociétés de livraisons auraient pu être employées.

But de l’exercice ? Il est double. D’abord, vous faire sourire en ce jour particulier. Ensuite, mettre le doigt où ça fait mal et montrer l’envers du décor de la livraison en France.

Les entreprises de livraison ont un métier difficile, très difficile. Comme beaucoup d’autres métiers de ce genre, les impondérables sont nombreux et le moindre petit pépin a immédiatement des conséquences sur une foule de personnes. Un pneu crevé de camion au sortir d’un entrepôt entraîne le retard de plusieurs centaines de colis qui mettront, des fois, 48 heures de plus à arriver chez des clients qui, excédés par la répétition de ces soucis techniques, ne cacheront évidemment pas leur amertume. On a le même genre d’effet de dominos avec les transports publics par exemple.

Il existe pourtant une parade simple pour éviter ce genre de soucis, une parade simple mais coûteuse que les consommateurs ne sont pas pressés d’accepter. Mieux payer les chauffeurs/livreurs, les former et faire ce qu’il faut pour les conserver.

Ces trois dernières semaines, j’ai eu pas moins de 17 livraisons de colis. Pour les trois quarts d’entre eux, rien à dire. Que ce soit DHL, FeDex, Chronopost ou UPS, le colis est arrivé intact, dans les délais et avec un excellent service de livraison. Pour le dernier quart, une petite partie est arrivée avec un peu de retard par rapport aux engagements prévus.

Reste quelques colis problématiques… La plupart du temps le problème est assez simple, ils ne passent pas et lâchent le paquet en relais colis. Je travaille à domicile, je suis chez moi toute la journée aux heures de « bureau » comme aux heures normales… Et pourtant pas moins de 5 colis ont été remis à des « dépôt relais » sous prétexte d’une absence.

En fait d’absence, il y a  surtout un problème humain dans le dernier maillon de la chaîne. Un problème récurrent dans tous les postes au contact du public dans notre société. Ils sont clairement dévalorisés et mal payés. Certains y font carrière et bizarrement, ce sont ceux-là qui me livrent le mieux. Mon chauffeur livreur habituel, qu’il soit de DHL, UPS, Chronopost, Fedex ou autre, est une perle. Il est rapide, efficace, courtois, fait correctement son métier et connait tous les trucs liés au service. Je ne sais pas combien il gagne mais il devrait être augmenté, chouchouté et conservé du mieux possible.

Fedex

Pour situer un exemple récent, chez Fedex, deux tentatives de livraison m’avaient trouvé absent… Il a fallu que le colis fasse trois voyages pour qu’il me soit enfin livré. La différence entre les deux premières fois et la dernière ? Le chauffeur/livreur habituel est revenu de vacances et a su me livrer correctement du premier coup pour la dernière tentative.

Ce type là, que je connais bien à force, est le dernier maillon d’une chaîne logistique énorme, qui coûte des millions d’euros : Entrepôts, outils mécanisés, véhicules roulants, avions… Le dernier type, le moins bien considéré de l’ensemble, est pourtant le plus important. Sans lui, toute la chaîne tombe à l’eau.

DHL

Autre exemple ? Une livraison DHL, la dernière en date donc, qui indique que je suis absent pour la livraison le 29 Mars à 14H28. Pourtant le livreur habituel, un petit monsieur charmant et super gentil à qui j’offre le café de temps en temps, me trouve toujours sans problèmes. J’étais donc absent. Avant cet horaire de 14H28 à cette date et juste après j’ai écrit des billets sur le blog, j’ai envoyé des emails et j’ai tweeté des trucs depuis chez moi. J’étais là, disponible. A vrai dire au vu du relais colis choisi, dans une station service sur l’axe routier le plus important du coin et non pas le plus proche de chez moi, je comprends que le livreur a simplement choisi la solution de facilité. Une livraison en vrac de tous ces colis à un lieu donné plutôt que de faire le porte à porte nécessaire pour livrer ses clients.

J’ai du mal a lui en vouloir au chauffeur, il est probablement très mal payé, mal considéré et déjà en retard en posant le pied sur le sol le matin quand il se lève à l’aube… Pourtant d’autres y arrivent et font l’effort au quotidien, dans la majorité des cas, de livrer correctement. La différence est souvent liée à une absence, un congé, une maladie du chauffeur en charge d’un secteur. Le remplaçant n’est pas formé, ne connait pas les lieux ou s’en fiche car le transporteur choisit un sous-traitant, un intérimaire ou une autre forme d’emploi « bouche trou ». Des choix de facilité plutôt que de trouver des alternatives plus efficaces avec des équipes volantes motivées et bien payées.

Croyez moi, le monde des livraisons n’est pas rose, et ce n’est généralement pas de la faute du chauffeur qui vous livre si votre colis est en retard ou abîmé. Votre chauffeur de secteur est plutôt un type bien qui essayera de toujours faire du mieux possible. Il est souvent responsable et impliqué, son seul souci est qu’il est mal payé et souffre pour tous ceux qui forment les autres maillons de la chaîne…

Je me souviens du moment où, il y a quelques années, mon chauffeur Chronopost habituel est passé chez UPS… le service du premier s’est alors clairement dégradé tandis que l’autre est devenu trois étoiles.

A quoi bon ce billet alors ? Mis à part vous faire sourire ? Peut être à montrer l’envers du décor comme dans ce reportage qui date un peu (2013) et qui montre le quotidien d’un sous traitant de Chronopost. La situation n’a pas du s’améliorer depuis… Je pense que c’est même devenu pire.

Mais qui acceptera à nouveau de payer des frais de ports élevés pour ses colis ?

Billet original : L’émoi est à son comble dans le monde des entreprises de transport de marchandise. Un colis en provenance de Hong-Kong, qui avait fait les premiers milliers de kilomètres le séparant de Roissy dans les 48 heures habituelles, n’a mis qu’une semaine pour ensuite être livré en région.

DHL

« Je n’ai jamais vu ça, j’avais posé un jour de congé par hasard, sans relation avec la livraison, et là je vois un livreur DHL à ma porte, le jour J ! Le jour prévu ! » L’heureux réceptionnaire du colis n’en croyait pas ses yeux. Il s’est d’abord demandé si il s’agissait d’un colis destiné à un voisin qu’on venait lui remettre. Mais non l’étiquette indiquait bien que c’était pour lui.

« Le type de DHL était souriant, aimable, mais il ne semblait pas réaliser vraiment ce qui était en train de se passer. C’est pour  cela que j’ai cru qu’il s’agissait ensuite d’un autre colis, plus ancien, qui aurait été livré avec le mois de retard habituel. »

Fier de sa chance, il a tenu à faire un selfie avec le livreur et le journal du jour avant de le laisser repartir : « Je vais faire encadrer la photo mais je ne l’exposerai pas dans mon salon, pas trop envie de faire des jaloux. »

DHL

Je savais qu’on y arriverait

Contactée, la direction générale de DHL France ne cache pas son enthousiasme. Son directeur, Monsieur Jean-Marc Embalaik, déclare : « Je savais qu’on y arriverait, ce n’est qu’une question de temps désormais avant que l’on réduise le temps de livraison sur notre territoire ». La fameuses semaine de délai pour sortir de l’aéroport et livrer une adresse en France semble le prochain point névralgique sur lequel JM Embalaik veut appuyer.

« En mettant tout notre savoir faire en marche, il est possible de réussir à livrer en 5 ou 6 jours, rien n’est impossible dans ce métier. Mais cette progression d’un colis livré en temps et en heure en 2016 est déjà une réussite et une augmentation énorme par rapport aux années précédentes ».

DHL

Interrogée sur l’identité du livreur, la direction a tenu à minimiser son importance. « C’est une chaîne, personne n’aurait réussi sans les efforts de toute la logistique du groupe. Nos équipes en France ont reçu le colis 48 heures après qu’il ai été posté à Hong-Kong mais il a fallu le travail d’une vraie équipe pour le livrer 500 kilomètres plus loin en 7 jours. » Monsieur JM Embalaik ne veut pas que l’on cristallise la réussite de l’entreprise autour d’une seule personne, loin de la réalité du terrain.

En sortant de la conférence de presse, nous avons pu voir des membres du personnel, le front plissé autour de quelques camions aux armes de DHL France, venus assister à l’événement. Après avoir dégelé quelque peu la glace autour d’un ou deux verre au bistrot d’à côté, nous avons pu avoir quelques informations supplémentaires. Un des chauffeurs, sous couvert d’anonymat également, a tenu à s’exprimer au nom de ses camarades. Le hayon de son camion, chargé de colis en cours de livraison, nous a servi de salle de réunion improvisée.

DHL

« Faut pas que des marioles viennent gâcher le boulot quand même » explique t-il. « Ça ce sont les conséquences d’une direction qui fait n’importe quoi. Notre semaine de livraison est un acquis social important, il ne faut pas le foutre en l’air ». Je  comprends petit à petit que cette annonce qui réjouit la direction n’est pas du goût de l’équipe technique. « On a merdé sur toute la chaîne, le colis a suivi un parcours chaotique, on le sait on a tracé son suivi avec nos appareils en interne. »

« On a même le nom du livreur, mais c’est pas du boulot de faire des trucs pareils. Le colis a mis 48 heures a faire les 10 000 putains de premiers kilomètres, le mec qui avait commandé pouvait bien attendre un peu pour les 500 dernier non ? » Petit à petit je réalise que le livreur qui a réalisé l’exploit n’est pas un membre du sérail, pas un gars de l’équipe. « A force de prendre des stagiaires qui comprennent rien au boulot, on gâche notre métier. »

DHL

« Le mec n’a pas été formé, il a pas fait ses classes en entrepôt, on sait très bien qui c’est ». Le nœud du problème semble là, la direction de DHL France fait appel à des prestataires pas toujours qualifiés selon les dires du personnel historique. Des gens aimables et souriants qui gâchent le métier. « Où c’est qu’c’est écrit qu’on doit sourire au client ? Lui dire un putain d’bonjour ? » déclare mon interlocuteur en shootant dans un colis. « Vous croyez qu’ils sourient quand ils nous voient ? Non ! On sait se faire respecter. » Et de détailler les méthodes employées pour maintenir la crainte et le respect autour de la marque.

« Déjà, on est des fous sur la route », les smartphones circulent de main en main avec les dernières vidéos de livreurs à fond de train entre deux villages. « Faut bien comprendre que le camion est couvert du logo DHL, aller vite à un double avantage, d’abord tu insinues la peur chez les autres conducteurs, ça ouvre la voie. Nous on s’en fout, c’est pas nos bagnoles. Ensuite tu évites de te faire caillasser quand tu traverses un village à 110 au lieu de 50. » Viennent ensuite les vidéos de lancer de paquets par dessus les clôtures, les abandons dans des poubelles du client. « On a appris ça d’UPS, la technique de la poubelle, ça marche super bien. » Car il ne faut pas croire que DHL est en guerre avec ses concurrents sur le terrain. « On se paye des coups, on s’échange des trucs, c’est un métier où on se serre les coudes. »

Au final, il n’est pas sur que cet exploit se répète à nouveau pour l’entreprise de livraison, les équipes de terrain semblent vouloir corriger les failles du système et proposer des solutions pour éviter que cela ne se reproduise. La direction n’est peut être pas assez à l’écoute de ses salariés qui ont porté un savoir faire à l’état d’art. Le prochain client livré en une semaine n’est peut être pas pour 2016 chez DHL France.


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54 commentaires sur ce sujet.
  • 4 avril 2016 - 14 h 16 min

    @s@s: Si j’avais voulu régler mes comptes j’aurais plutôt raconté cette histoire… Le truc important pour moi c’est de vraiment faire passer le message d’une chaîne qui a la même importance de bout en bout pour le client final : Le gros avion a autant d’impact pour être livré que le livreur final. Il faut autant investir dans les deux. Si on paye des mecs au lance pierre en les faisant venir de l’autre bout de l’europe avec une camionnette de location alors qu’ils ne lisent pas un mot de Français, c’est évidemment compliqué pour avoir un service de qualité.

    Il faut bien recruter et conserver ses livreurs au maximum, c’est plus facile à dire qu’a faire j’en suis conscient mais c’est assez symptomatique de l’époque.

    Et encore une fois, DHL n’est pas le seul en cause, tu peux toujours courir pour un droit de réponse… Ils n’ont pas de présence en France : Pas de xompte Twitter France, pas de compte FaceBook France… nada…

    Il y a DHL US, Sri Lanka, Roumanie, Georgie, Pays Bas, Belgique, Italie, Turquie, Pakistan, Mexique, Corée, Bangladesh, Allemagne et UK… sur FaceBook. Masi pas DHL France :) Le nom du dirigeant de mon histoire n’a pas été choisi pour rien…

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  • uko
    4 avril 2016 - 15 h 21 min

    @Pierre Lecourt:
    Ton retour d’expérience est très intéressant, il aurait mérité un article « coup de gueule ». Perso, je l’aurais lu avec plaisir, et tout particulièrement la manière dont tu ripostes que je trouve très intéressante.

    J’ignorais par exemple que les sociétés de recouvrement prenaient en compte les explications des clients. La dernière à laquelle j’ai eu à faire ne voulait rien entendre, alors même que j’avais une facture payée à leur fournir. Si tu as des astuces sur la manière de traiter ces charognards, ça m’intéresse.

    Sinon, j’ai comme tout le monde déjà fait les frais des problèmes de livraison que tu expliques ici. J’ai même surpris un livreur Chronopost en train de poser un avis de passage (j’étais absent, parait-il) dans ma boîte aux lettres. Manque de bol pour lui j’étais en train de sortir de chez moi, je lui ai demandé le colis… pour m’entendre expliquer qu’il ne l’avait pas pris, que les livreurs avaient le droit de faire ça et que j’avais le choix entre aller le chercher au dépôt ou attendre un 2nd passage le lendemain.

    Et moi aussi, travaillant de la maison, je me demande souvent pourquoi je retrouve des avis de passage dans ma boîte aux lettres.

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  • 4 avril 2016 - 16 h 42 min

    @uko: Je répond fermement mais poliment. En l’occurrence, demander sous menace un paiement pour un service non rendu, c’est pas super légal… Alors évidemment le faire au nom d’un autre ça rend omplice donc ils sont attentifs.

    Pour rendre à César ce qui lui appartient : Mon livreur habituel DHL est revenu de congés et à l’instant un colis pour moi… Résultat, nickel.
    https://www.flickr.com/photos/13815526@N02/26140914932/in/dateposted/

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  • 6 avril 2016 - 1 h 58 min

    Recevant assez régulièrement des colis, je n’ai pas échappé aux petits tracas habituels du monde de la livraison. Alors il m’est parfois arrivé de discuter quelques minutes avec un livreur. Et quand on parle conditions de travail, il faut dire que ça fait froid dans le dos (surcharge de travail, cadences infernales, dépassement des horaires, pénalités de retard, montant dérisoire de la commission et j’en passe). Ma livreuse « colis privé » (racheté par Amazon) a jeté l’éponge après des années qui l’ont conduit aux limites du burn out (voire à lui en donner un avant goût)… Le monde du colis aujourd’hui, ce sont les mines d’hier, germinal en fourgonnette. Alors oui, vu ces conditions de travail, ceux qui tiennent (la route) plusieurs années sont des quasi héros de cette époque frénétique où même des bâtonnets de colle peuvent vous être livrées sans intermédiaire du fin fond de la chine! Ils méritent autre chose que d’être usés ainsi jusqu’à l’os.

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