Des tablettes IPS 2048 x 1536 pixels à 300$, que reste-t-il aux grandes ?

Il est fini le temps des tablettes noname tout juste bonnes à afficher poussivement des données sous Android 1.6. En 24 mois le marché Asiatique a su évoluer et proposer des solutions de plus en plus impressionnantes en terme de qualité et de fonctionnalités. A un point où aujourd’hui il semble de plus en plus intéressant de se pencher sur sa production.

Le marché Chinois est particulièrement heureux du phénomène de mode créé par la tablette. Fabriquer celles-ci est totalement dans leurs cordes, mieux, c’est qu’on leur demande de faire sans trop réfléchir depuis des années. Entre opportunisme de stock et prises de risques pour se démarquer de la concurrence, les tablettes noname foisonnent et quelques modèles sortent de ce bouillon de culture avec tout ce qu’il faut pour tenir leur place dans une chaîne alimentaire jusque là tenue par les marques.

Tais toi et assemble !

Première étape de l’arrivée de tout nouveau produit sur le marché, le fabricant sous traitant commence par recevoir des plans d’engins qu’il ne fabrique pas ou qu’il n’a jamais fabriqué. Des dizaines d’entreprises se partagent un gâteau d’une belle envergure en produisant les pièces détachées qui seront ensuite assemblées par le dernier maillon de la chaîne. Cette première étape est logique, la surprise du premier iPad par exemple est totale parce que mis à part l’assembleur, personne n’a vraiment idée de pourquoi il fabrique un écran de cette taille, une coque de celle-ci ou telle batterie. Le puzzle n’est constitué qu’à la fin, chez l’assembleur qui a un contrat généralement très cadré avec la marque pour qui il fabrique; C’est comme ça que l’iPad  premier du nom a pu envahir la planète à des millions d’exemplaires en créant la surprise.

EKEN M001

Pendant des mois l’usine du monde a donc simplement fabriqué en masse de quoi étancher la soif de millions de consommateurs partout sur la planète. Quelques rares modèles de tablettes noname sortaient à droite et à gauche mais sans réel intérêt.

Il faut du temps pour constituer un ensemble de composants digne de ce nom afin d’assembler ses propres produits. C’est pour cela que les premiers produits estampillés tablette avaient absolument le même design que des lecteur numériques. Recycler des éléments déjà en cours de production étant bien moins cher que d’en designer d’autres, les premières productions noname n’étaient pas des exemples de recherche ni de design. Puis, petit à petit, ce marché particulier est devenu plus mature.

Quand Le frein Android s’est relâché.

Les fabricants noname sont comme tous les fabricants de la planète, ils n’aiment pas perdre 1 centime. Ré-utiliser un design existant est plus économique ? Ils le feront jusqu’à épuisement des stocks ou jusqu’au moment où personne n’en voudra. Le problème de ces fabricants se situait surtout ailleurs, au niveau logiciel. Pendant des mois, alors qu’Apple vendait des tablettes au kilo et que ses concurrents amorçaient eux aussi de belles ventes, les fabricants qui n’avaient pas montré patte blanche à Google restaient cantonnés à Android 1.6, un handicap impossible à surmonter pour aborder les marchés occidentaux.

Et puis Google à lâché les freins et la politique autour de l’attribution des versions d’Android s’est assouplie. Il n’a fallu que quelques semaines pour que les assembleurs se mettent à la page et sortent des produits sous Android Ice Cream Sandwich avec un accès à Google Play. Certaines de ces tablettes ont été mises à jour avant celles des grandes marques encore coincées sous Android 3.1. Dès lors l’eldorado d’un marché Européen ou Américain est devenu possible et les efforts de conception autour des tablettes pouvaient être rentables.

Entre temps le marché a mûri, certaines technologies devenaient abordables comme les écrans de meilleure qualité, un stockage conséquent, des webcams qui dépassaient les pâquerettes et surtout des processeurs quasiment équivalents aux standards des grandes marques. Ce dernier point est capital car il anticipe tout ce qui va arriver sur ce marché dans le futur.

Du lecteur MP3 à la tablette tactile

La vidéo de ArmDevices ci dessus est assez parlante, l’assemblage d’une tablette n’est pas d’une complexité folle, c’est surtout beaucoup de main d’oeuvre, de l’encapsulage et quelques points de soudure. Un métier que sait faire tout fabricant chinois qui a déjà assemblé un petit lecteur MP3 ou un cadre photo numérique.

Le véritable travail est donc dans la recherche et développement du produit puisqu’avec les mêmes ingrédients de base, tout le monde peut produire une tablette. C’est d’ailleurs le cas, on a vu débarquer en force toute une série d’engins basés sur le même design ces derniers temps : Un processeur ARM basique associé à un écran IPS 9.7″. La coque change un tout petit peu d’un produit à l’autre mais la plupart des tablettes issues de ce couple sont strictement identiques et son vendues dans la même gamme de prix  avec les mêmes options.

En fait, techniquement, le métier d’un assembleur n’est pas complexe pour peu qu’on lui fournisse les matériaux dont il a besoin. C’est sur ce marché que se sont engouffrés avec succès certains possesseurs de licences ARM comme AllWiner ou RockChip. Armés d’un petit bataillon d’ingénieurs, ils ont rapidement poussé un Android 4.0 ou 4.1 sur leur puces respectives et proposent aux fabricants des « circuits » prêts à l’emploi, embarquant toute la partie électronique de la tablette : Processeur, mémoire vive et stockage avec Android préchargé dans toutes les langues. Suivant les commandes il sera possible au fabricant d’intégrer ou non un logo préchargé sur le système. Il ne reste plus alors qu’à clipser la carte dans les ergots du capot d’une tablette, lui rajouter les différentes nappes vers ses connecteurs, souder un haut parleur et lui fixer un écran tactile.

La plupart des usines d’assemblages Asiatiques sont capable de faire ce travail et certaines ne se privent pas de le faire. Reste que pour se démarquer de la concurrence il faut pousser le travail un peu plus loin.

Opportunisme de stock et Design

Pour se démarquer il y a 2 solutions sur ce marché : trouver la perle rare sur l’ensemble des composants disponibles en stock ou faire appel à un designer.

Les fabricants noname préfèrent la première solution, plus « rentable » à leurs yeux.  Pour le design la règle est à une inspiration de l’existant avec une préférence pour les marques leader. Il y a cependant de plus en plus de recherche de ce côté et certaines marques commencent à réfléchir sérieusement à sortir des problèmes de contrefaçon auxquels ils sont régulièrement confrontés en travaillant un peu plus cette partie de leur métier  De nombreux étudiants en design sont désormais formés en Chine ou à Taiwan et si les plus talentueux sont vite repérés et embauchés par de grandes marques, il reste tout de même beaucoup d’esprits brillants capables d’imaginer autre chose qu’un simple copié collé d’iPad.

Pour le moment la chasse au composant rare ou à la fonctionnalité inattendue est la solution la plus exploitée. Une chasse qui transparaît partout sur ce marché très concurrentiel. Les grandes marques s’emploient en permanence à innover de ce côté en proposant des fonctions originales: Double webcam pour enregistrement 3D, stylet, tablette avec dock clavier ou écran de très haute définition. Trouver et saisir un stock de pièces détachées originales avant les autres permet de proposer un engin qui sortira immédiatement du lot.

A terme les tablettes nonames n’auront plus grand chose à envier à celles des marques

C’est grâce à l’ensemble de ces éléments que l’on découvre aujourd’hui des pépites comme cette tablette chinoise qui affiche sur une diagonale de 9.7″ une très belle définition de 2048 x 1536. Pas de mystère là dessous, il s’agit tout simplement d’un fournisseur d’écrans qui a proposé sur le marché cette solution. Pas d’infos sur la technologie d’affichage, je ne sais pas si il s’agit vraiment d’un écran IPS comme il est indiqué dans la fiche au vu du prix demandé mais je n’ai jamais vu d’écran de type LCD classique de cette définition sur le marché.

Il y a désormais une foule de tablettes proposant cette solution d’affichage chez les grossistes et revendeurs Asiatiques. En moyenne les engins pourvus de cette définition qualifiée de « retina » vendent leur tablette 9.7″ 2048 x 1536 entre 260 et 300$. Comme cette Chuwi V99 ou cette Cube U9GT. Cela ne veut pas dire que ces engins sont au rabais. Ils disposent en général d’un processeur Rockchip RK3066, une puce ARM double coeur Cortex-A9 cadencée à 1.6 GHz avec un processeur graphique Mali 400 très classique. Un couple qui, associé à 1 Go de mémoire vive DDR3, se comporte parfaitement bien en 2D, en 3D et en vidéo. La vidéo ci-dessus montre la U30GT en action, le même moteur de performance dans une tablette à la définition classique.

Le stockage est souvent de 16 Go, ce qui n’empêche pas le fabricant d’ajouter un lecteur de cartes MicroSDHC pour étendre à 32 Go supplémentaires les capacités de l’engin. Une double webcam 2 mégapixels est présente en frontal comme au dos de la tablette et une liste assez complète de fonctions sont disponibles : Wifi N, gyroscope, micro, bluetooth, mini USB…

Pas de HDMI ni de GPS, pas de 3G sur ces premiers modèles mais cela devrait arriver. La batterie oscille entre 8000 et 10000 mAh suivant les versions, de quoi tenir 10 heures d’après les fabricants, en étant pessimiste on peut imaginer que l’autonomie réelle se situe autour de 6 ou 7 heures. Le poids est relativement conséquent avec 657 grammes annoncés par contre la tablette fait moins d’un centimètre d’épaisseur : 24.2 cm de large, 18.7 cm de haut pour un ensemble épais de 9.8 mm.

Dans tous les cas cela fait un excellent engin de jeu, de lecture et de surf pour peu que l’écran soit au niveau de sa résolution. La coque en aluminium devrait compenser le design un peu sans âme et l’ensemble va commencer à poser des problèmes aux fabricants traditionnels. Ceux du moins qui ne cherchent pas à rénover leur propres gammes.

Les marques devront très bientôt jouer les funambules sur une frontière assez ténue entre les propositions originales qu’elles offriront à leurs clients pour se démarquer de cette concurrence de plus en plus agressive, et les prix auxquels ils vendront l’ensemble. Il parait difficile de continuer à creuser un écart trop important entre un engin sans marque reconnue mais de bonne facture, proposant l’ensemble des fonctionnalités demandées et un système d’exploitation à jour, et un engin de marque vendu beaucoup plus cher. Même si ce dernier apporte des fonctionnalités nouvelles, à partir de combien le client final jugera des options supplémentaires déraisonnables par rapport à une tablette noname revendue par un groupe Français.


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9 commentaires sur ce sujet.
  • 9 octobre 2012 - 13 h 44 min

    Ca peut faire de jolis écrans secondaires pour un ordi portable :)
    Et un matos de présentation client sympa.

    Joli reportage !

    Répondre
  • 9 octobre 2012 - 14 h 10 min

    Tout d’abord, ça fait vraiment plaisir de retrouver Pierre sur ce nouvel espace ;)

    Pour répondre à la question posée par le titre de l’article, ce n’est plus au niveau matériel que la différenciation des acteurs va se jouer, mais sur le reste :

    – L’écosystème sera un premier élément différenciateur : 3 écosystèmes majeurs vont visiblement se partager le marché (iOS, Androïd, Windows). Si l’on exclut Androïd, il y a très peu de chance de voir des tablettes noname sur les deux autres systèmes (système verrouillé chez Apple, coût de la licence Windows et volonté de maîtrise affiché par Microsoft).

    – Pour les produits tournant sous Androïd, la question du suivi logiciel des produits va rapidement se poser. Nombre de constructeurs n’ont pas de suivi réellement long terme de leurs produits, et les portages non officiels ne sont pas réellement une solution pour le grand public à mon avis. Ensuite, le cas Nokia sur les Windows Phone démontre bien la possibilité pour un constructeur d’amener de la valeur ajoutée sur ses produits, dont le hardware est sensiblement le même ailleurs, via le développement d’applis exclusives. Les « gros » pourront assurer ces développements, pas les fabriquants de produits noname.

    La principale difficulté sera pour eux de trouver le juste équilibre entre suivi sur le long terme de leurs produits, sans mettre en péril la dynamique des ventes des nouveautés.

    Répondre
  • 9 octobre 2012 - 15 h 20 min

    Le probleme des tablettes noname, c’est souvent la batterie, qui n’est pas a la hauteur du reste, c’est sans doute un élément très couteux pour avoir une qualité au top,
    Perso j’avais acheté une nomame 5 pouces (Yuandao N50GT), qui une fois rootée et changé l’os par une rom custom, et pour moins de 100 euros c’était très convaincant (a part l’autonomie qui n’était pas a la hauteur du reste)

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  • 9 octobre 2012 - 15 h 26 min

    @romaing34: C’est clair que ça fait plaisir de revoir Pierre sur la toile !
    D’ailleurs c’est moi ou les articles sont globalement plus longs que ceux de « feu » Blogeee ? La bride est lâchée !!! ^_^

    Pour reprendre ton (@romaing34) analyse sur les tablettes noname « Android », je ne suis pas certain qu’elles touchent un jour le « grand public » : il faut un effort de communication pour ça et les marques en questions ne le feront pas. Reste donc les « geeks » qui pestent de toute façon sur la lenteur des mises à jour constructeur (quand elle est faite) et passent tôt ou tard sur une rom custom.
    Et quant bien même le grand public aurait accès à ce type de tablette, les mises à jour ne l’intéresse pas : il veut un produit fonctionnel sorti de la boîte, point. Combien de machines/logiciels non mis à jour j’ai vu passer dans mon entourage (« mon antivirus/windows update mettait un message alors je l’ai désactivé ») ? Alors mettre à jour un téléphone ou une tablette j’ai encore plus de mal à y croire. À moins d’un fort besoin à satisfaire (application non-compatible ou instabilité par exemple) le logiciel restera celui d’origine.

    Vache, je suis presque aussi bavard que Pierre aujourd’hui !!! Il faut que je fasse attention …

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  • 9 octobre 2012 - 16 h 17 min

    @yoyo:

    Au contraire, ce sont ces tablettes Noname, rebrandées Carrefour, Boulanger ou je ne sais quoi, qui risquent d’inonder les caddies des supermarchés.

    Je suis d’accord sur le frein que constitue la non mise-à-jour des appareils pour Monsieur tout le monde (encore qu’avec les maj OTA ça devrait s’améliorer un peu). Encore une fois c’est pour moi le vrai talon d’achille d’Androïd cette fragmentation, qui fait qu’encore aujourd’hui si je devais quitter iOS je regarderai plus volontiers du côté des Surface sous W8 ARM que sur une solution Androïd.

    Pour en revenir sur l’écosystème, je pense que Microsoft a potentiellement les moyens de s’imposer à long terme sur ce marché : le couple Windows + Office parle au grand public, et l’écosystème unifié avec la compatibilité des applications Métro des machines X86/ARM va permettre de packager l’offre logicielle (un même logiciel utilisable sur son PC, sa tablette voire son smartphone).

    Répondre
  • 9 octobre 2012 - 16 h 57 min

    @romaing34: Je ne vois pas le « frein » que peut constituer une non-mise-à-jour ? Si le produit fonctionne et satisfait les besoins de son utilisateur, où est l’intérêt d’une mise à jour ?
    Et la fragmentation n’est un problème que pour les développeurs qui doivent adapter leurs applications pour différentes résolutions, versions de l’OS etc. Pour le public c’est un avantage de pouvoir choisir le format adapté à ses besoins (et à son budget).

    Pour ce qui est des tablettes, le vrai talon d’achille pour moi c’est le manque de contenu adapté : applications, livres, musiques, revues, films etc. Apple domine largement la concurrence sur ce point.

    Et je suis d’accord que Microsoft a clairement un coup à (re)jouer avec MS Office (le public semblant bouder Windows sur smartphone). Je serai Google/Apple, je mettrai le paquet pour développer une alternative crédible à MS Office sur tablette. D’autant que la mode est aux tablette-claviers ce qui les rends aussi efficace qu’un netbook et bien plus ludiques.

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  • 9 octobre 2012 - 22 h 35 min

    @yoyo: Je ne vois pas le « frein » que peut constituer une non-mise-à-jour ? Si le produit fonctionne et satisfait les besoins de son utilisateur, où est l’intérêt d’une mise à jour ?

    La correction des failles de sécurité est un exemple, même si les utilisateurs ne sont sans doute pas vraiment informés du problème.

    Répondre
  • 29 octobre 2012 - 15 h 10 min

    […] qui embarquera bientôt un processeur RockChip Cortex-A9 double coeur RK3066 cadencé à 1.6 GHz  sur sa Cube U9GT, un engin IPS qui proposera du 2048 x 1536 pixels. Une de leur tablette actuelle, la U30GT Mini, […]

  • 7 novembre 2012 - 13 h 34 min

    […] on trouve désormais des tablettes de marque comme la Nexus 7 en 7″ 1280 x 800 à 199€ ou des engins « noname » en 2048 x 1536. Cette annonce de Japan Display Inc d’un écran de très haute densité pourrait donc […]

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